(Québec) Baisser les impôts des entreprises et des particuliers, mettre fin à l’aide publique aux entreprises « peu performantes », adopter une loi sur « l’enrichissement collectif » et inciter les travailleurs à retarder leur retraite : plusieurs recommandations ont été faites au ministre des Finances par un groupe d’experts pour réduire l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario. Eric Girard en fera l’analyse « dans les prochains mois ».

Le gouvernement Legault a demandé l’aide « d’éminents experts », comme Pierre Fortin, de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Luc Godbout, de l’Université de Sherbrooke, Jimmy Jean, du Mouvement Desjardins, et Stéfane Marion, de la Banque Nationale du Canada, pour trouver des solutions afin de « combler » l’écart du niveau de vie entre le Québec et l’Ontario, un cheval de bataille de la Coalition avenir Québec.

Ceux-ci ont remis au ministre leurs recommandations dans les dernières semaines. Elles ont été présentées mardi, dans la mise à jour économique et financière du gouvernement du Québec. « Certaines recommandations se contredisent. Des experts nous demandent d’en faire plus, d’autres, moins. On va analyser ça dans les prochains mois », a précisé le ministre des Finances, Eric Girard, en conférence de presse.

Il s’intéresse particulièrement aux recommandations qui lui suggèrent de concentrer l’aide économique de l’État dans certains secteurs, puisque le Québec est une « petite économie » et ne peut pas « tout faire ».

Le constat dressé par ces experts est le suivant : le niveau de vie du Québec est plus faible qu’ailleurs au Canada et en Ontario parce que les Québécois travaillent moins et moins longtemps que leurs voisins, et que les entreprises privées n’investissent pas assez dans la recherche et le développement.

Plusieurs économistes recommandent des baisses d’impôt, tout en soulignant qu’elles ne doivent pas être financées par des déficits. Ils font donc des propositions « à coût nul », comme augmenter la TVQ et diminuer d’une façon équivalente l’impôt sur le revenu ou simplifier le système d’imposition en réduisant le nombre et le montant des différentes dépenses fiscales afin de diminuer les taux d’imposition sur le revenu.

Le ministre Girard a immédiatement écarté la possibilité de hausser la TVQ pour baisser les impôts.

Les experts ont fait plusieurs propositions au gouvernement Legault. Notamment, ils estiment que le Québec devrait :

  • continuer de réduire le fardeau fiscal des particuliers ;
  • mettre en place des incitatifs plus généreux visant à retarder la retraite ;
  • favoriser un environnement d’affaires et réglementaire concurrentiel ;
  • favoriser le développement des grandes entreprises avec des mesures ciblées et réduire l’aide aux entreprises peu performantes ;
  • revoir les crédits d’impôt basés sur les salaires ;
  • adopter une loi sur l’enrichissement collectif.

L’écart de richesse se creuse avec les États-Unis

L’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario a déjà commencé à diminuer, passant de 16,1 % (2018) à 13,5 % (2022), fait valoir le gouvernement caquiste. Il souhaite que le Québec réduise l’écart à 10 % en 2026, et à 0 % en 2036.

Celui avec les États-Unis s’est toutefois creusé de manière importante. Il était de 14,2 % en 1981, puis 44,3 % en 2018, et 51,2 % en 2022. « L’écart avec les États-Unis s’est accru au cours de cette période, alors que l’économie américaine a bénéficié d’importants gains de productivité », note le Ministère.

Pour expliquer cette situation, les experts font plusieurs constats. Les travailleurs québécois ont une « plus forte présence en emploi dans les industries à bas salaires ». De plus, les PME « forment la base du tissu économique de la province », alors que les grandes entreprises sont plus productives.

Semaine de travail plus courte

Autre facteur : la semaine de travail plus courte. « La durée moyenne de la semaine de travail était de 31,8 heures, moins que le Canada (32,7 heures) et que les États-Unis (34,5 heures). » « Si le nombre d’heures travaillées par semaine au Québec était équivalent à celui de l’Ontario en 2022, le niveau de vie au Québec serait supérieur d’environ 1450 $ par habitant, un gain d’environ 3 % », note le Ministère.

Il faudrait également inciter les 60 à 69 ans à participer davantage au marché du travail. « Si le taux d’emploi de la population de 60 à 69 ans au Québec [équivalait à] celui observé en Ontario en 2022, le Québec compterait 76 500 travailleurs » de plus, note le document. Si c’était le cas, le niveau de vie des Québécois augmenterait de 845 $, une hausse de 1,7 %.

Québec souligne qu’il a déjà agi, notamment en rendant la cotisation à la Régie des rentes du Québec facultative à partir de 65 ans, à compter du 1er janvier 2024, mais les experts estiment qu’il faut en faire plus.

Quant aux investissements des entreprises, ils doivent augmenter. En 2022, la valeur des investissements par travailleur du secteur privé atteignait 14 842 $ au Québec, 17 000 $ en Ontario et 31 443 $ aux États-Unis. Autre constat : une hausse annuelle des investissements d’entreprises de 7 milliards (+ 15 %) aurait un effet positif sur le produit intérieur brut réel du Québec d’environ 27,5 milliards annuellement à long terme. Le ministère des Finances annonce de son côté un renouvellement du crédit d’impôt à l’investissement et à l’innovation.