Si beaucoup rêvent de se lancer en affaires, de moins en moins de Canadiens font le saut. Et près d’une jeune entreprise sur trois ferme dans les cinq années qui suivent son lancement.

Chute du nombre d’entrepreneurs

Quelles sont les compétences essentielles à mener à bien un projet d’affaires ? Ce sont des questions abordées dans une étude dévoilée lundi, qui commence par ce dur constat : l’entrepreneuriat est en déclin au pays. Alors qu’en 2000, 3 personnes sur 1000 se lançaient en affaires au Canada, il n’y en a eu que 1,3 sur 1000 l’année dernière. Et ce, malgré que beaucoup souhaitent le faire. Résultat : il y a 100 000 entrepreneurs de moins au Canada qu’il y a 20 ans.

Manque de compétences

La Banque de développement du Canada (BDC) a réalisé cette étude en partenariat avec le Centre d’innovation de l’Université de Montréal pour comprendre où le bât blesse. L’une des principales conclusions : les entrepreneurs manquent de compétences essentielles pour réaliser leur projet et le poursuivre. Le constat s’applique autant à ceux et celles qui commencent qu’aux entrepreneurs de carrière. Quatre groupes de compétences ont été identifiés comme primordiaux. D’abord, la ténacité et les compétences relationnelles qui incluent l’importance de bien se connaître, de gérer son stress et d’entretenir de bonnes relations. Il faut aussi des compétences en marketing et en finances et, bien évidemment, des compétences en administration opérationnelles, dont la capacité à mener à bien les tâches administratives usuelles. Un bon entrepreneur est aussi un bon leader. Il doit être capable de motiver et d’inspirer son équipe.

Devenir meilleur

La bonne nouvelle, c’est que ces compétences peuvent se développer. L’étude donne cinq pistes pour y arriver :

  • Être bien encadré et avoir du mentorat
  • Avoir un bon réseau et développer sa communauté
  • Avoir des lectures inspirantes
  • Prendre du temps pour soi – et respecter ce temps prévu pour faire des activités qui n’ont rien à voir avec l’entreprise
  • Poursuivre sa formation

« Le succès entrepreneurial repose sur autre chose que des rêves et de l’énergie », a précisé lundi Pierre Cléroux, vice-président, recherche, et économiste en chef de la Banque de développement du Canada. Selon lui, la formation est la clé.

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Pierre Cléroux

En plus d’un sondage mené auprès des étudiants de l’Université de Montréal, 1250 entrepreneurs ont participé à cette étude ainsi que des coachs du milieu des affaires qui ont validé les compétences entrepreneuriales dont il est question.

Trop de stress

Les entrepreneurs doivent mieux gérer leur stress. Et ils le savent : lorsqu’on a demandé aux participants à cette recherche quelle était la compétence qu’ils devaient développer avant tout, c’est la gestion du stress qui est sortie bonne première.

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C’est indéniable, les entrepreneurs doivent prendre soin d’eux, comme tout le monde, mais on doit surtout leur fournir des outils adéquats, précise Tania Saba, professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal. « Revenons aux sources du stress. Quelles sont les sources de stress qui rendent la vie des entrepreneurs plus difficile ? C’est là-dessus qu’il faut travailler », dit Mme Saba, qui croit que les questions de financement et du manque d’accès au financement sont assurément une bonne cause de nuits blanches pour les gens qui lancent leur projet.

Se regrouper

Selon Tania Saba, les plateformes collaboratives font partie de la solution pour favoriser le développement de l’entrepreneuriat – et particulièrement pour les femmes, qui sont sous-représentées dans le domaine, puisque seulement 18 % des entrepreneurs sont des femmes. « Il faut amener le système vers les femmes et vers la diversité », dit-elle, puisque les entreprises qui font preuve de diversité sont plus durables.

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Tania Saba

C’est bien de prendre soin de soi, mais ça ne réglera pas le problème de financement et ça ne vous aidera pas à percer le marché.

Tania Saba, directrice du pôle du Québec et de la francophonie canadienne du Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat

L’importance de déléguer

Si, au départ, le gestionnaire doit être très impliqué dans toutes les sphères de son entreprise, lorsqu’elle prend de l’expansion, il faut bâtir et nourrir une équipe solide et engagée. Ce que fera un bon leader.

« Cela lui permet de se concentrer sur la prise de décisions stratégiques, de favoriser l’innovation et de cultiver une culture de travail positive, tous des facteurs nécessaires à la croissance et à la réussite à long terme de l’entreprise », indique-t-on dans le rapport.

Des gens tenaces

Plusieurs qualités sont importantes pour les gens qui se lancent en affaires, mais l’étude de la BDC met en lumière la ténacité, qui est présente à toutes les étapes de développement et de croissance d’une entreprise, puisque les revers peuvent surgir à tout moment.

« La ténacité aide l’entrepreneure ou l’entrepreneur à conserver sa concentration, sa motivation et sa détermination face à l’adversité, ce qui lui permet de se remettre des échecs, de s’adapter à des circonstances changeantes et, en fin de compte, de réussir », explique-t-on.

Comme les autres compétences, la ténacité est un muscle qui se développe, disent les auteurs du rapport. On peut devenir plus tenace notamment en établissant des objectifs clairs et ambitieux, en développant un réseau de soutien et en célébrant les petites victoires.

Contexte défavorable

Selon l’étude, au-delà du manque de compétences, des facteurs extérieurs freinent la croissance du nombre d’entreprises, dont la situation actuelle qui est favorable à l’emploi.

Bon nombre d’entrepreneurs potentiels se trouvent un bon boulot et décident de rester des employés.

Il y a aussi un facteur démographique qui explique le déclin : on est plus susceptible de se lancer en affaires lorsque l’on se trouve dans la fin de la vingtaine jusqu’au début de la quarantaine. Or, le vieillissement de la population joue contre cette tendance, au Canada comme ailleurs.

En savoir plus
  • 52 %
    des gens qui sont devenus entrepreneurs invoquent un désir d’autonomie et d’indépendance pour expliquer leur décision. Beaucoup le font aussi pour poursuivre une passion (42 %). Les entrepreneurs souhaitent aussi avoir plus de flexibilité, de meilleurs revenus, et misent sur une croissance personnelle.
    38 %
    C’est par le réseautage que les entrepreneurs préfèrent apprendre : 38 % en discutant avec leurs pairs, 33 % par du coaching et du mentorat, et 30 % en assistant à des ateliers et à des séminaires.