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Comment explique-t-on la faible évolution des connaissances en économie ? Les modèles prédictifs nous semblent, pour nous de l’extérieur, aléatoires, et faire appel pour beaucoup à l’intuition. Pendant ce temps, la météo a fait des pas de géant, ainsi que notre niveau de confiance envers ses prédictions.

Michel Beauchemin, Métis-sur-Mer

Les économistes sont souvent l’objet de railleries quand leurs prévisions sont erronées, ce qui arrive souvent, il faut bien le dire. Mais l’analogie avec les prévisions des météorologues a ses limites.

Si les prévisions des économistes portaient sur ce qui se passera demain, après-demain ou à très court terme, comme celles des météorologistes, elles seraient souvent dans le mille. De même, si on demande aujourd’hui à un météorologue quel temps il fera à la Fête nationale, les risques qu’il se trompe sont élevés, estime Stephen Gordon, directeur du département d’économie de l’Université Laval, à qui nous avons soumis la question de notre lecteur.

L’économiste utilise les outils du scientifique comme la logique, les mathématiques et les statistiques, mais il travaille avec beaucoup d’incertitudes, explique-t-il. Il est incapable de prédire les chocs comme celui qu’a provoqué l’invasion de l’Ukraine par les Russes.

Stephen Gordon compare le travail de l’économiste à celui du médecin. « Le médecin peut dire à un patient qu’il vivra plus longtemps s’il arrête de fumer, ce qui est vrai, mais ce patient peut mourir écrasé par un autobus le lendemain », illustre-t-il.

Comme le médecin, l’économiste améliore sans cesse ses connaissances et apprend de ses erreurs, selon Stephen Gordon. Il donne l’exemple de l’inflation, qu’on a appris à contrôler avec l’intervention de la Banque du Canada, après l’expérience désastreuse des années 1970. « Ça a donné 30 ans d’inflation très basse. »

Les prévisions économiques font donc souvent l’objet de révisions, pour tenir compte des conditions changeantes. « On est toujours plus à l’aise avec des énoncés conditionnels, du genre si X se produit, on aura un résultat Y. »

La prévision n’est qu’une partie du travail des économistes, souligne le professeur.

En fait, ce n’est pas parce que les économistes savent ce qui va arriver qu’ils font des prévisions, mais plutôt parce qu’on leur demande d’en faire. Et la demande pour les prévisions économiques est grande.

Tout le monde, ou presque, veut savoir ce qui risque d’arriver avant de prendre des décisions : l’investisseur, l’épargnant, l’acheteur de maison qui hésite entre un taux fixe et un taux variable, sans oublier les gouvernements.

L’analyse des politiques est une partie importante du travail des économistes, dit Stephen Gordon. « On peut par exemple évaluer l’impact d’une mesure destinée à enrayer la pauvreté », illustre-t-il.

Avec les mêmes données de base, il arrive que les économistes arrivent à des constats différents. « Il y a toujours des éléments subjectifs, qui peuvent être interprétés de différentes façons, même si on s’entend sur la théorie. »

On peut ajouter que la source des prévisions est importante. « Quand on est dans la “business” d’attirer l’attention, on prend les moyens pour le faire », dit-il.

Les scénarios apocalyptiques, on le sait, sont généralement ceux qui sont les plus remarqués.

Consultez notre section « Démystifier l’économie »

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