Le marché du travail déjoue encore les pronostics. La création de plus de 100 000 emplois au Canada en décembre et la baisse du taux de chômage, qui s’établit à 5 %, indiquent que le combat de la Banque du Canada contre l’inflation est loin d’être terminé.

Une autre hausse, peut-être deux

Le taux d’inflation élevé et les sept hausses successives des taux d’intérêt n’ont pas encore eu d’impact sur le marché de l’emploi, qui a fini l’année 2022 en force. Neuf des dix provinces canadiennes rapportent une augmentation du nombre d’emplois, surtout des emplois à temps plein, et dans le secteur privé. Pour la Banque du Canada, qui mise sur un refroidissement du marché du travail pour calmer l’inflation, cela veut dire que son travail n’est pas terminé.

Étant donné la solidité du marché de l’emploi, une hausse du taux directeur d’au moins 25 points de base, et peut-être même 50 points de base, est possible le 25 janvier prochain, avance Sébastien Lavoie, économiste en chef de la Banque Laurentienne. Une autre possibilité, selon lui, est une hausse de 25 points de base en janvier, suivie d’une autre en mars.

Des salaires qui grimpent plus vite au Québec

Autre sujet de préoccupation pour la Banque du Canada, le salaire horaire moyen continue d’augmenter à un rythme soutenu et d’alimenter l’inflation. En décembre, la croissance du salaire horaire moyen a été supérieure à 5 % pour un septième mois consécutif.

Au Québec, le salaire horaire moyen a augmenté encore plus, une conséquence du marché du travail encore plus tendu qu’ailleurs au Canada.

Le salaire horaire moyen au Québec a augmenté de 6,9 % entre décembre 2021 et décembre 2022, selon l’Institut du Québec, ce qui est supérieur au taux d’inflation qui s’est établi à 6,8 % en novembre.

Sherbrooke mène le bal

Le taux de chômage a légèrement augmenté au Québec en décembre, passant de 3,8 % à 4 %, alors qu’il a diminué de 5,5 % à 5,3 % en Ontario.

Au Québec, c’est à Sherbrooke que le taux de chômage est le plus bas, à 2,95 %. Il s’agit d’un des plus bas taux au pays, derrière Lethbridge, en Alberta (2,7 %). Le taux de chômage a augmenté légèrement dans le Montréal métropolitain en décembre, tandis qu’il a baissé à Toronto et à Vancouver.

À 4,4 %, le taux de chômage de la région métropolitaine de Montréal est le même qu’à Vancouver, mais reste inférieur à celui de Toronto (5,7 %).

La région de Montréal compte 80 100 emplois de plus depuis un an, alors que le reste du Québec en a perdu 1500, constate Stéphane Marion, économiste et stratège en chef de la Banque Nationale. « L’excellente création d’emplois dans la grande région de Montréal en 2022 a contribué à limiter la baisse des prix des maisons », analyse-t-il dans son bilan de l’année.

Quelques signes de faiblesse

À y regarder de plus près, le portrait du marché du travail en décembre laisse entrevoir quelques signes de faiblesse. « Alors que l’emploi continue de croître, le nombre d’heures travaillées est essentiellement au point mort depuis le premier trimestre », soulignent les économistes Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme, de la Banque Nationale.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le taux de chômage a légèrement augmenté au Québec en décembre, passant de 3,8 % à 4 %, alors qu’il a diminué de 5,5 % à 5,3 % en Ontario.

Les deux économistes relèvent aussi les résultats d’un sondage de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, qui indiquent que malgré la pénurie de main-d’œuvre, les PME réduisent leurs intentions d’embauche. « Nous continuons de penser que le marché de l’emploi va se modérer dans les mois à venir », réitèrent-ils.

C’est aussi l’avis de Sébastien Lavoie, de la Banque Laurentienne, qui croit que le taux de chômage va augmenter au-delà de 6 % au deuxième trimestre. Le nombre élevé de postes vacants devrait faciliter la transition des nouveaux chômeurs vers d’autres secteurs d’activité, souligne-t-il.

Même combat aux États-Unis

Le marché de l’emploi a aussi surpris par sa vigueur aux États-Unis. L’économie américaine compte 223 000 emplois de plus en décembre, et le taux de chômage a reculé de 3,6 % à 3,5 %.

Il s’agit d’un creux de 53 ans du taux de chômage aux États-Unis, selon le département américain du Travail. Toutefois, le rythme de la création d’emplois ralentit et la rémunération moyenne augmente moins rapidement, ce qui a donné une impulsion aux marchés boursiers vendredi, qui y voient une occasion d’espérer la fin prochaine des hausses de taux d’intérêt.

Ce n’est pas suffisant pour faire dévier la Réserve fédérale de sa trajectoire, affirme toutefois l’économiste de la Banque de Montréal Sal Guatieri. La croissance de la rémunération a beau ralentir, elle reste encore loin d’être compatible avec la stabilité des prix que vise la banque centrale américaine, selon lui. « Une autre hausse de 50 points de base est probable en février », prévoit-il.