(Québec) La décision de Québec d’imiter Ottawa en haussant l’imposition des gains en capital pourrait faire fondre le déficit historique de 1 milliard de dollars, selon le ministre des Finances. Eric Girard qualifie le choix du gouvernement fédéral de « compromis intéressant ».

Sans surprise, le ministre Eric Girard a eu à défendre mardi, lors de l’étude des crédits de son ministère, la décision du gouvernement Legault d’ajuster le régime fiscal québécois pour l’harmoniser aux mesures proposées dans le budget fédéral, dont l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital.

Ce choix qui a été notamment dénoncé par l’opposition et les entreprises manufacturières a été confirmé par le gouvernement dans les jours suivant le dépôt du budget Freeland, la semaine dernière1. « On savait que les gens voulaient savoir rapidement si on allait s’harmoniser, on s’était donné 72 heures », a expliqué le ministre, pressé de questions par le député libéral Frédéric Beauchemin.

Eric Girard a assuré qu’une analyse interne a été effectuée pour mesurer les effets d’une telle mesure, qui lui rapportera 3 milliards de dollars en cinq ans, selon ses estimations. « [On a fait] une analyse sur les impacts [sur les] investissements marginaux […], il n’y a pas d’impact », a souligné le ministre, qui a aussi fait valoir que la décision a été prise pour éviter « une complexité dans le régime fiscal » québécois.

Par ailleurs, M. Girard a précisé que l’imposition sur les gains en capital permettra à Québec de récolter davantage au cours des premières années, ce qui aura un effet sur le déficit budgétaire.

« Le 3 milliards n’est pas réparti également [dans le temps] parce qu’on garde l’ancien taux jusqu’au 25 juin. Le gouvernement fédéral a prévu des entrées de fonds importantes dans l’année courante, ce qui fait que pour nous, effectivement, le déficit qui était prévu à 11 milliards risque d’être autour de 10 milliards », a expliqué Eric Girard en réponse au député de Marguerite-Bourgeoys.

Les effets seront « plus élevés la première année et plus bas pour la deuxième et la troisième année », a poursuivi M. Girard. Augmenter l’imposition sur les gains en capital pourra rapporter à l’État québécois autour de 600 à 700 millions annuellement à partir de l’année 4 et 5, a ajouté le ministre.

Le gain en capital est le revenu tiré de la vente d’un bien qui a pris de la valeur comme une résidence secondaire, un chalet, un plex ou des actions (la résidence principale est exclue aux fins de l’impôt). À l’heure actuelle, on paie de l’impôt, au fédéral comme au provincial, sur la moitié des gains en capital. C’est un traitement préférentiel comparativement à celui appliqué aux revenus de travail.

En vertu du budget fédéral déposé mardi, dès le 25 juin prochain, le taux d’inclusion – la portion des gains en capital qui est imposable – passera de la moitié (50 %) aux deux tiers (66,7 %) pour tout ce qui dépasse 250 000 $. Ottawa estime que la mesure touchera 40 000 Canadiens. Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a précisé la semaine dernière que cela touchera 10 000 personnes au Québec.

Un « compromis intéressant »

Eric Girard a affirmé mardi que la décision d’Ottawa est un « compromis intéressant » alors que « plusieurs hypothèses » circulaient quant à savoir comment le gouvernement Trudeau irait chercher de nouveaux revenus. Le scénario de faire passer la portion des gains en capital imposables à 75 % faisait partie « du bruit » qu’il entendait, a-t-il révélé.

« Ma crainte était que le fédéral [irait] jusqu’à 75 %, ce qu’il n’a pas fait », s’est-il réjoui. M. Girard n’a pas précisé spécifiquement pourquoi un tel taux l’inquiétait.

Lors des élections de 2012, la Coalition avenir Québec avait promis d’augmenter l’imposition des gains en capital, en faisant passer le taux d’inclusion de 50 % à 75 %.

Avec Tommy Chouinard et Charles Lecavalier, La Presse