Peu comprises, peu soutenues, anxieuses et appauvries. C’est l’état dans lequel se retrouvent encore bien des femmes qui reprennent le travail après un congé de maternité. À travers le pays, donner naissance pénalise les femmes.

C’est ce qui ressort du sondage national dirigé par Femmes de marque et Maturn fait auprès de 1000 mères employées. Celles-ci avaient pris un congé de maternité dans les sept dernières années.

Près de la moitié des répondantes se disent insatisfaites du soutien qu’elles ont reçu de la part de leur employeur pendant le congé de maternité, à tel point qu’un tiers d’entre elles ont envisagé de quitter leur emploi. Souffrant d’anxiété (52 %) avant de retourner au boulot, les mères ont rencontré des difficultés à prouver leur valeur professionnelle (49 %), elles ont craint d’être mises à l’écart (36 %) et ont déclaré qu’elles sentaient qu’il y avait une perte de confiance en leurs capacités (33 %).

D’un point de vue financier, près de 40 % des répondantes n’ont pas reçu de somme supplémentaire pour combler le fossé entre leur salaire habituel et celui alloué grâce à l’assurance parentale ou l’assurance-emploi.

Une étude publiée il y a un an par la firme PriceWaterhouseCooper soulignait déjà à quel point le progrès vers l’égalité hommes-femmes était faible depuis dix ans, dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : les femmes subissent les conséquences monétaires liées aux pertes financières durant le congé de maternité, au ralentissement de leur carrière et aux frais de garde élevés.

Toutes ces conséquences sont identifiées comme les « pénalités de la maternité ». Elles perpétuent les disparités entre les sexes et recalent les femmes 50 ans derrière les hommes pour l’atteinte de la parité salariale.

Un traitement « inégal et injuste »

Lorsqu’elle est revenue au travail après son premier congé de maternité, il y a 12 ans, Amélie St-Cyr, une Montréalaise de 42 ans, a vécu une expérience « horrible ». Pendant cinq ans, elle a évolué au sein d’une boîte de communications : elle a multiplié les expériences, voyagé, grandi, participé à des rencontres où son expertise a été reconnue et saluée, dit-elle.

En revenant au bureau après son congé de maternité, elle fait part à ses patrons de ses ambitions : elle aimerait gravir les échelons, obtenir un poste qui mettrait à contribution ses habiletés et ses capacités. C’est là que tout s’effondre, raconte-t-elle.

On m’a dit que même si je faisais beaucoup de temps supplémentaire depuis mon retour, ce ne serait pas possible, car je ne donnais pas mon « plus plus », dit-elle. On m’a alors offert un poste dans un autre département, mais celui-ci a été coupé quatre mois plus tard. J’ai su par la suite que la direction savait qu’il allait être coupé.

Amélie St-Cyr

Mme St-Cyr relate qu’elle a croisé, deux ans plus tard, sa supérieure immédiate lors d’un évènement d’affaires : celle-ci lui a présenté ses « sincères excuses », relate-t-elle.

« J’ai trouvé ça insultant, glisse la mère de deux adolescents, je n’ai pas été soutenue ni supportée, on a manqué d’empathie à mon égard. Je trouve qu’on a été très dur avec moi. »

Aujourd’hui directrice d’une importante fondation montréalaise, Amélie St-Cyr jette un regard critique sur cette période sombre de sa vie professionnelle : « C’est inacceptable, lance-t-elle. Les chances ne sont pas égales pour les mères et c’est injuste. Ça ne devrait plus avoir lieu. Les ressources humaines doivent revoir leur formule, les employés doivent être conscientisés et les gestionnaires doivent être mieux formés, au moins pour éviter les jugements et la stigmatisation. »

Inclusion, flexibilité et garde

Cinq piliers ont été identifiés dans le rapport afin d’amorcer un virage et de stopper la discrimination envers les mères.

D’abord, créer un environnement de travail plus inclusif au retour du congé de maternité est une priorité, souligne l’étude. Cela doit inclure des plans de transition et de communication, et des discussions autour de la promotion, la rémunération, la formation et les évaluations de performance.

Le soutien à la santé mentale a été identifié comme un second aspect à améliorer : existe-t-il chez l’employeur un soutien psychologique spécifique pour les femmes et les mères incluant un volet pour un retour progressif et un programme d’accompagnement ?

Le manque de flexibilité est à nouveau pointé du doigt par les répondantes. La moitié d’entre elles souhaitent recevoir plus d’aide pour conjuguer la vie de famille avec un jeune enfant et le travail. Cela passe, entre autres, par des options de travail à distance ou hybrides et une plus grande banque de jours personnels ou familiaux.

La garde des enfants accessible et abordable manque cruellement. Le rapport indique que seulement 6,2 % des organisations offrent des services de garde sur place, ce qui rend le retour au boulot difficile d’un point de vue logistique et financier.

Finalement, la perte de revenus encaissée par les mères pendant le congé de maternité pourrait être atténuée en versant des sommes complémentaires aux prestations reçues.