À moins d’une baisse draconienne des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) au cours des prochaines années, la facture pourrait frôler les 25 000 milliards US d’ici 2060, soutient une nouvelle étude publiée dans la revue Nature. Et tout le monde sera affecté, les pays pauvres comme les nations les plus riches. Gros plan.

Des chaînes d’approvisionnement menacées

« Il est prouvé que la fréquence et la gravité des vagues de chaleur mondiales ne cessent d’augmenter, ce qui suscite des inquiétudes quant aux effets futurs du changement climatique et aux coûts socio-économiques qui y sont associés », écrivent d’entrée de jeu les auteurs de l’étude intitulée Les chaînes d’approvisionnement mondiales amplifient les coûts économiques des futurs risques de chaleur extrême (Global supply chains amplify economic costs of future extreme heat risk, dans sa version originale anglaise). Selon l’équipe de chercheurs de l’Université Tsinghua, à Pékin, la mondialisation est le principal facteur aggravant dans un contexte de changement climatique. L’étude s’intéresse notamment aux conséquences du réchauffement sur les pays exportateurs et importateurs.

De l’Afrique… au Royaume-Uni

L’étude s’intéresse plus particulièrement aux vagues de chaleur extrême et à leur impact sur les chaînes d’approvisionnement. Un évènement météo extraordinaire dans une région de l’Afrique peut ainsi avoir des conséquences à l’autre bout du monde, dans un pays riche, par exemple. « La consommation de bière ou de café au Royaume-Uni peut chuter en raison de l’effet sévère du stress thermique sur les fournisseurs de blé et de grains de café en Afrique et en Amérique du Sud. Ce type d’effet de débordement peut avoir des conséquences importantes en matière de sécurité alimentaire mondiale, d’approvisionnement en énergie et de fourniture de divers produits minéraux », soulignent les auteurs.

PHOTO EZEQUIEL BECERRA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Cet agriculteur récolte des grains de café dans sa plantation à Naranjo, au Costa Rica, le 15 février dernier.

Des pertes considérables

Les scientifiques ont cherché à déterminer les risques économiques en fonction de trois trajectoires d’émissions mondiales de GES. Dans le scénario à faible émission, le nombre de jours de chaleur extrême augmenterait de 24 % entre 2022 et 2060, entraînant des pertes économiques estimées à 3,75 billions de dollars américains à l’échelle mondiale. À l’inverse, si les émissions demeurent élevées, le nombre de jours de chaleur extrême augmenterait de 104 % en 38 ans et les pertes économiques pointeraient à 24,7 billions de dollars. Dans le scénario mitoyen, qui correspond grosso modo aux efforts actuels de réduction des émissions, les pertes se situeraient entre 9,4 et 12,6 billions de dollars d’ici 2060. Cette hypothèse repose cependant sur les engagements pris par de nombreux pays et non sur des baisses réelles d’émissions polluantes.

PHOTO EBRAHIM HAMID, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un ouvrier empile des sacs de grain dans un marché d’Al-Qadarif, au Soudan, le 22 février dernier.

Les pays riches plus à risque

« Comme la plupart des études, elle suggère que les impacts seront les plus importants dans les pays en développement. Mais cela a généralement été envisagé en termes d’impacts directs de la chaleur et des perturbations météorologiques, souligne Mark Purdon, professeur au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’UQAM. Ce qui est nouveau, c’est de quantifier les effets indirects de la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales. Étant donné que les pays développés comme le Canada sont relativement plus impliqués dans ces chaînes, l’étude suggère que les pays développés sont plus à risque qu’on ne le pensait. » M. Purdon estime que les changements climatiques pourraient d’ailleurs renforcer « les tendances en faveur du protectionnisme et de l’économie nationale, qui sont actuellement en hausse ».

PHOTO LUIS TATO, ARCHIVES ©FAO

Un fermier kényan constate les ravages sur son champ de maïs causés par le passage d’un essaim de sauterelles, en juin 2020.

L’huile d’olive et le café souffrent de la sécheresse

Les consommateurs ressentent déjà les effets du changement climatique sur certains produits en alimentation, par exemple. L’huile d’olive est probablement l’un des meilleurs exemples des effets du réchauffement sur les prix d’un aliment. Dans les pays méditerranéens, les sécheresses ont provoqué une baisse de la production au cours des dernières années, entraînant les prix à la hausse pour l’huile d’olive. Un phénomène similaire se produit avec le café. Dans une étude publiée en 2023 dans la revue PLOS Climate, des chercheurs ont estimé que la production mondiale de café pourrait diminuer de moitié d’ici 2050 en raison du changement climatique.

PHOTO JIHED ABIDELLAOUI, ARCHIVES REUTERS

Ce fermier tunisien inspecte les olives dans sa plantation à Kairouan, le 24 février dernier.

Consultez l’étude publiée dans Nature (en anglais)