Le télétravail généralisé est apparu aux États-Unis pratiquement du jour au lendemain : avec la pandémie en mars 2020, plus de la moitié des travailleurs ont basculé vers le travail à domicile au moins une partie du temps, selon Gallup. Mais la transition vers le travail hybride permanent s’est faite peu à peu, avec des périodes de tension quand les cols blancs se sont rebellés contre la consigne du retour au bureau.

Ces affrontements sont pour l’essentiel réglés, et une mesure de travail hybride est restée. Environ 10 % des travailleurs combinent travail au bureau et télétravail, et une proportion similaire travaille toujours de la maison.

Le télétravailleur américain type n’est pas tout à fait représentatif du travailleur moyen : selon les statistiques gouvernementales, il est plus souvent blanc, asiatique et plus instruit.

La pandémie a mis au jour les inégalités de l’économie américaine. Les cols blancs ont pu travailler en sécurité à la maison, mais les travailleurs à faible revenu ont souvent dû continuer à se rendre au travail, même au pire de la pandémie. Maintenant que l’urgence sanitaire est passée, cette fracture sur la possibilité de travailler de chez soi s’est enracinée et elle est le miroir des inégalités raciales du pays.

Les travailleurs blancs et asiatiques étant plus susceptibles d’occuper des emplois de bureau, ils ont plus de chances d’avoir accès au télétravail. Les travailleurs noirs et hispaniques sont plus présents dans la restauration, la construction, le commerce de détail, les soins de santé et d’autres domaines où il faut être sur place.

Quand les employeurs ont commencé à exiger le retour au bureau, on s’attendait à ce que la résistance vienne surtout des plus jeunes. Or, la part de jeunes qui travaillent en présentiel est plus élevée que la moyenne de la main-d’œuvre.

C’est entre autres parce qu’une part plus faible d’Américains de moins de 25 ans a fait des études postsecondaires. Beaucoup ont des emplois 100 % présentiels, comme dans la restauration. Et même parmi les diplômés, les travailleurs dans la vingtaine sont plus souvent au bureau à temps complet que leurs collègues plus âgés. Cela suggère que les jeunes apprécient les avantages du travail en personne : socialisation, mentorat et contact direct avec le patron. En outre, pour eux, les inconvénients du 9 à 5 comptent moins : en général, les jeunes travailleurs sont moins nombreux à devoir s’occuper d’enfants ou de parents âgés, alors la flexibilité du télétravail est moins prioritaire.

Écarts hommes-femmes

Il y a aussi des écarts hommes-femmes dans le télétravail.

En gros, les femmes profitent plus du télétravail que les hommes : davantage de femmes ont un diplôme postsecondaire, elles sont donc plus nombreuses à occuper des emplois professionnels où la flexibilité est devenue la norme. Même dans la main-d’œuvre non diplômée, les femmes sont plus souvent des cols blancs en administration ou au service à la clientèle. Les hommes, eux, sont surreprésentés dans la construction, la fabrication et d’autres emplois où il faut être sur place.

Si on se limite aux diplômés, le télétravail est plus uniformément réparti entre hommes et femmes (les hommes, un peu plus). Mais il y a une grande exception : chez les parents de jeunes enfants.

Les parents sont parmi les grands gagnants de l’ère du travail flexible. Le télétravail a énormément facilité la conciliation travail-famille. Mais ce sont les mères, pas les pères, qui en profitent le plus, par choix ou par nécessité.

Chez les diplômés, les mères de jeunes enfants sont beaucoup plus susceptibles de travailler à distance que les femmes sans enfants ou les mères d’enfants plus âgés. Chez les hommes, il n’y a pas de grande différence entre les pères et ceux qui n’ont pas d’enfants.

Télétravail et travail hybride

On ne distingue pas toujours le télétravail du travail hybride ; or, dans certains cas, les implications sont différentes.

Pour de nombreuses personnes handicapées, la normalisation du travail à distance a permis d’éviter des trajets épuisants et des bureaux mal adaptés à leur réalité. Pour d’autres, elle a ouvert la voie à des secteurs qui étaient auparavant presque interdits.

Mais ces gains viennent surtout du télétravail intégral, pas du travail hybride qui est aujourd’hui la norme dans certains secteurs. Selon l’Economic Innovation Group, les travailleurs handicapés sont 22 % plus susceptibles d’être en télétravail intégral que leurs collègues sans handicap, mais à peine plus susceptibles de travailler selon un horaire hybride. Les travailleurs en fauteuil roulant bénéficient particulièrement de la possibilité de travailler entièrement à domicile, puisque cela résout le problème de mobilité.

Les employeurs gagneraient à « comprendre l’importante différence entre télétravail intégral et travail hybride », écrivent les chercheurs. « Un marché du travail où il y a plus d’emplois en télétravail intégral ouvre la porte à beaucoup plus de travailleurs qualifiés. »

Cet article a été publié dans le New York Times.

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