(Ottawa) L’ambassadeur de Chine à Ottawa a déclaré qu’il souhaitait que les entreprises canadiennes collaborent avec Pékin sur son initiative La Ceinture et la Route (Belt and Road Initiative en anglais, aussi appelées BRI), sous la surveillance des gouvernements occidentaux.

L’ambassadeur Cong Peiwu affirme que le Canada peut utiliser cette initiative pour réduire les émissions mondiales de carbone et lutter contre la pauvreté.

Il rejette les avertissements des pairs du Canada selon lesquels le plan permettrait à Pékin de contraindre les pays en développement.

Voici un aperçu de ce que propose la Chine et des raisons pour lesquelles certains tirent la sonnette d’alarme.

Qu’est-ce que la Ceinture et la Route ?

L’initiative La Ceinture et la Route est un plan d’infrastructure massif qui vise à relier l’Asie, l’Europe et l’Afrique à travers une série de chemins de fer, de ports, de ponts et de centrales à charbon, dont certains suivent les routes commerciales empruntées le long de l’ancienne Route de la soie.

Pékin a lancé cette initiative il y a dix ans. Le gouvernement du Parti communiste chinois affirme que son intention est de reproduire la sortie de la Chine de la pauvreté en stimulant la croissance dans les pays en développement.

PHOTO NICOLAS ASFOURI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Xi Jinping lève son verre lors du Belt and Road Forum à Beijing en avril 2019.

La Canada West Foundation affirme que les projets de La Ceinture et la Route sont essentiels pour comprendre les relations de Pékin avec d’autres pays – et ses efforts pour renforcer la réputation du pays dans les pays du Sud.

« Il s’agit en partie d’un outil d’influence étrangère, en partie d’un projet de développement international et d’un objectif important de rendre la Chine plus compétitive », lit-on dans une analyse du groupe de réflexion de Calgary. « La BRI crée à la fois des opportunités et des défis. »

Pékin affirme que l’initiative ne vise pas à diffuser son modèle de gouvernance, mais les experts estiment qu’elle représente néanmoins un défi à l’influence occidentale, car elle donne à la Chine un levier sur les chaînes d’approvisionnement et de production.

Qui soutient l’initiative ?

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a salué l’initiative comme un modèle de coopération entre les pays du Sud, affirmant qu’elle présente un « immense potentiel » pour améliorer le niveau de vie et ralentir le changement climatique.

En 2019, la Banque mondiale estimait que l’initiative La Ceinture et la Route pourrait contribuer à sortir 7,6 millions de personnes de l’extrême pauvreté, ainsi que 32 millions de personnes de la pauvreté modérée. Cela s’explique en grande partie par le fait qu’elle relie de vastes régions rurales à des opportunités économiques et à des produits moins chers.

De nombreux pays en développement accueillant des projets de la BRI affirment que le financement est bien plus accessible que ce que proposent les institutions occidentales et qu’il correspond mieux aux priorités des gouvernements locaux.

Pourtant, une analyse de la Munk School of Global Affairs and Public Policy note que ces éloges proviennent souvent de pays autocratiques qui poursuivent des projets que les financiers occidentaux jugent trop risqués.

À quelles critiques fait-elle face ?

Les groupes de réflexion américains ont tourné en dérision l’initiative en raison de ses impacts environnementaux et des allégations selon lesquelles la Chine utilise le projet comme outil de coercition économique.

Après avoir aidé à construire des centrales à charbon, Pékin a modifié son plan l’automne dernier pour se concentrer sur l’atténuation du changement climatique et la prévention de la corruption.

Mais les organismes de financement mondiaux comme la Banque mondiale demandent toujours plus de transparence dans la manière dont les projets sont financés pour se prémunir contre la « diplomatie du piège de la dette », c’est-à-dire lorsqu’un pays reçoit un prêt qu’il ne peut probablement pas rembourser et doit ensuite compenser en transférant des actifs ou en prenant certaines positions politiques.

La Chine rejette les affirmations selon lesquelles elle s’engage dans des prêts prédateurs, arguant qu’elle fait clairement connaître ses attentes aux pays en développement. Pékin attribue les problèmes de dette aux reprises économiques difficiles après le choc de la COVID-19.

« (Si) quelqu’un suggère que la Chine est une puissance mondiale perturbatrice, cela n’est certainement pas conforme aux faits », a affirmé Cong Peiwu dans une entrevue avec La Presse Canadienne.

Pourquoi la Chine recherche-t-elle de nouveaux investissements ?

La Chine a dépensé jusqu’à présent 1000 milliards pour cette initiative, mais elle a réduit ses dépenses ces dernières années, certains pays étant aux prises avec des dettes liées au projet.

Le président chinois Xi Jinping a marqué la première décennie de l’initiative en octobre dernier en déclarant qu’elle passerait « de la connectivité physique à la connectivité institutionnelle », en mettant l’accent sur l’infrastructure numérique, la formation et les échanges d’étudiants internationaux.

Jeremy Paltiel, professeur à l’Université Carleton, a déclaré que cela reflète l’échec des projets de la BRI dans des pays accablés par la bureaucratie, l’instabilité et la mauvaise gouvernance, ce qui a amené la Chine à changer de cap.

« Ils ont été grillés et ils parlent désormais d’investissements de haute qualité », a expliqué ce spécialiste des relations Canada-Chine. « Ils pourraient aussi avoir moins d’argent à dépenser, parce que l’économie chinoise ne se porte pas très bien. »

Quel est le discours de Pékin auprès des investisseurs canadiens ?

L’ambassadeur Cong lance un appel aux entreprises canadiennes pour qu’elles investissent directement dans les projets de la BRI dans des pays tiers.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

L’ambassadeur de Chine au Canada, Cong Peiwu

Le Canada met également beaucoup l’accent sur l’économie verte et sur sa transition vers une économie circulaire et à faibles émissions de carbone. Je pense donc que nous serions intéressés à faire des choses comme celles-là – non seulement bilatérales, mais aussi pleinement multilatérales, dans ce domaine.

Cong Peiwu, ambassadeur chinois au Canada

M. Cong a ajouté que les entreprises canadiennes devraient envisager de se rendre en Chine et de réfléchir à la manière dont elles peuvent récolter des bénéfices sur ces projets tout en contribuant à un monde meilleur.

En outre, M. Cong a déclaré que les entreprises canadiennes pourraient remporter des contrats lucratifs pour construire des projets. Il a donné l’exemple de la société américaine d’ascenseurs Otis qui a contribué à la construction de gares ferroviaires en Égypte via la BRI.

Les entreprises doivent-elles être prudentes ?

La Canada West Foundation affirme que l’initiative a déjà une incidence sur la manière dont les entreprises canadiennes et les projets de développement opèrent dans des pays allant de l’Indonésie au Nigeria.

Il note que les secteurs canadiens de l’ingénierie et de la conception pourraient bénéficier de contrats mondiaux et qu’une augmentation des infrastructures essentielles pourrait contribuer à stimuler les exportations, tant pour les entreprises canadiennes que pour leurs concurrents étrangers.

Mais M. Paltiel a rappelé que toute entreprise canadienne impliquée dans un projet de la BRI serait probablement confrontée à des critiques, notamment de la part du sud de la frontière.