(Montréal) Le syndicat qui représente plus de 9000 travailleurs des deux plus grandes compagnies ferroviaires du Canada affirme que la sécurité publique est en jeu alors que les négociations collectives sont actuellement au point mort et qu’une grève potentielle se profile à l’horizon.

Selon le président national de Teamsters Canada, François Laporte, le Canadien National (CN) et le Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) envisagent d’éliminer les principales dispositions de repos des contrats de travail, ce qui pourrait accroître la fatigue des équipages et mettre en danger la sécurité publique.

« Nous souhaitons éviter un conflit de travail, mais la sécurité de nos membres et du public est non négociable », a-t-il affirmé dans un communiqué.

En conséquence, un « arrêt de travail se profile », a déclaré le syndicat.

Vendredi, le CN et le CPKC ont demandé au ministre fédéral du Travail de nommer un conciliateur dans le cadre des négociations pour le renouvellement des conventions collectives pour les chefs de train, les ingénieurs et les ouvriers de gare de triage.

L’avis de différend lance le processus légal vers une éventuelle grève ou un éventuel lock-out, qui pourrait survenir dès 81 jours après la nomination des conciliateurs fédéraux, soit au début du mois de mai.

Le CN affirme que les récents changements réglementaires concernant les dispositions en matière de repos ont rendu plus difficile la recherche d’équipes disponibles.

« Notre offre, qui a été refusée par le syndicat, garantissait des horaires prévisibles et des jours de repos consécutifs pour les employés afin d’assurer l’équilibre entre le travail et le repos, tout en maintenant la fluidité des chaînes d’approvisionnement », a indiqué un porte-parole du CN, Jonathan Abecassis, par courriel.

Cette proposition prévoit que les employés travaillent 40 heures par semaine, avec au moins 10 ou 12 heures de repos entre les quarts de travail, selon qu’ils sont à la maison ou à l’extérieur, et deux ou trois jours de congé consécutifs par semaine, conformément aux règles fédérales.

M. Abecassis a soutenu que les revendications du syndicat mettraient à rude épreuve les chaînes d’approvisionnement et augmenteraient les coûts pour les consommateurs.

Un porte-parole du CPKC, Patrick Waldron, explique que l’entreprise a proposé des augmentations de salaire, des améliorations de la qualité de vie et des horaires prévisibles avec des jours de congé attribués, mais que le chemin de fer et le syndicat « restent très éloignés sur ces questions ».

Les conciliateurs fédéraux ont participé à l’élaboration de neuf des dix conventions collectives conclues depuis 1993 entre le Canadien Pacifique et les travailleurs des trains et des gares de triage représentés par la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, a indiqué l’entreprise ferroviaire.

Le Canadien Pacifique et le Kansas City Southern ont conclu leur accord pour devenir le Canadien Pacifique Kansas City l’année dernière, créant ainsi un réseau qui s’étend de Halifax à Vancouver et de la côte américaine du Golfe du Mexique jusqu’au sud du Mexique.

D’autres améliorations recherchées

La gestion de la fatigue demeure un facteur de préoccupation en matière de sécurité dans le secteur du transport ferroviaire de marchandises et figure sur la « liste de surveillance » du Bureau de la sécurité des transports du Canada depuis 2016.

De nouvelles règles sont entrées en vigueur en mai dernier, plafonnant la durée maximale des quarts de travail des travailleurs du secteur du transport de marchandises à 12 heures, au lieu de 16. Elles ont également porté la période de repos minimale entre les quarts de travail à 10 heures à la maison et à 12 heures en dehors de la maison, contre 6 et 8 heures respectivement auparavant.

En juin, un juge de la Cour fédérale a reconnu le Canadien Pacifique coupable d’outrage au tribunal pour les employés ayant travaillé de trop longues heures en 2018 et 2019. La compagnie a promis de faire appel.

Les conventions collectives actuelles vont au-delà de ce que la réglementation exige en matière de repos, explique Christopher Monette, porte-parole chez Teamsters Canada.

Par exemple, les mécaniciens – qui conduisent le train – et les chefs de train – qui supervisent les horaires et les communications – peuvent limiter leur quart de travail à 10 heures plutôt qu’au plafond de 12 heures stipulé dans les règles fédérales.

« Nous comblons les lacunes de la réglementation que nous estimons exister et nous cherchons à l’améliorer dans l’intérêt de nos membres et du public », a soutenu M. Monette en entrevue téléphonique.

Le syndicat espère d’autres améliorations des règles de repos existantes, a-t-il ajouté.

En mars 2022, le Canadien Pacifique a mis ses travailleurs en lock-out pendant deux jours en raison d’un différend sur les salaires, les avantages sociaux et les pensions, avant que les deux parties n’acceptent de recourir à l’arbitrage obligatoire.

En novembre 2019, une grève ferroviaire a frappé le pays pendant huit jours jusqu’à ce que le CN et 3000 cheminots parviennent à une entente de principe, mettant fin à un conflit de travail qui a interrompu les expéditions, provoqué des licenciements et perturbé les industries dans tout le pays.

Plusieurs incidents survenus ce mois-ci ont mis en évidence les dangers du travail ferroviaire.

Vendredi, deux membres d’équipage ont été blessés lorsque quatre locomotives du CPKC ont percuté un train arrêté et ont déraillé vendredi soir à l’est de Revelstoke, en Colombie-Britannique, déclenchant un incendie.

Le Bureau de la sécurité des transports a également indiqué que des agents ont été déployés sur les lieux d’un autre déraillement du Canadien Pacifique samedi, à environ 200 kilomètres plus à l’est, à Field, aussi en Colombie-Britannique.

Depuis le début de l’année, plusieurs travailleurs des grandes compagnies ferroviaires américaines ont également trouvé la mort dans des incidents distincts.