Flair Airlines et Lynx Air, deux transporteurs canadiens à bas prix qui se sont posés à Montréal et à Québec, ces dernières années, envisagent un mariage, a pu confirmer La Presse. S’il se matérialise, ce regroupement changera le visage d’un segment de l’industrie qui peine à prendre son envol au pays.

D’après nos informations, obtenues auprès de sources au fait du dossier, mais qui ne sont pas autorisées à s’exprimer publiquement, une transaction pourrait être annoncée prochainement, voire dès ce jeudi. Dans une déclaration, Flair, qui est établi à Edmonton, a répondu, mercredi, qu’il ne commentait pas les « rumeurs » ou les « spéculations ». Lynx, dont le siège social se trouve à Calgary, n’avait pas répondu aux questions de La Presse envoyées par courriel. Citant des sources confidentielles, la publication américaine spécialisée The Airline Observer avait évoqué les rumeurs de fusion entre les deux sociétés, le 8 février dernier.

En s’implantant aux aéroports Montréal-Trudeau et Jean-Lesage (Québec), ces deux compagnies aériennes avaient permis au marché québécois de cesser d’être ignoré par les transporteurs à bas prix. À l’exception de la liaison entre Montréal et Calgary, il n’y a aucun chevauchement entre les réseaux de Flair et Lynx au Québec.

« Il n’y aurait pas vraiment de répercussions négatives ici, affirme l’expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill John Gradek. Les deux compagnies prévoyaient continuer à s’implanter dans le marché québécois. »

Flair et Lynx au Québec

Destinations à partir de Montréal-Trudeau

Flair : Calgary, Edmonton, Halifax, Fort Lauderdale, Cancún (Mexique)

Lynx : Vancouver, Calgary, St. John’s (Terre-Neuve), Las Vegas, Los Angeles, Orlando, Tampa Bay

Destinations à partir de Jean-Lesage (Québec)

Flair : Calgary et Vancouver

Lynx : Toronto

(Destinations actuellement offertes)

Le Québec avait été ignoré par les transporteurs à bas prix locaux qui avaient fait leur apparition dans le ciel canadien. Cela avait changé en juillet 2021 avec l’arrivée de Flair.

Actuellement, la compagnie exploite 18 appareils Boeing 737 Max 8 ainsi que 2 appareils 737-800, tandis que la flotte de Lynx se compose de 9 avions 737 Max 8. Au moment d’écrire ces lignes, il n’avait pas été possible d’obtenir tous les détails du regroupement envisagé. On ignorait, par exemple, si c’est Flair qui absorberait Lynx ou l’inverse. La première entreprise est en partie détenue par la firme floridienne 777 Partners, tandis que l’autre compte Indigo Partners LLC – la firme de l’homme d’affaires Bill Franke – parmi ses investisseurs.

Des turbulences

Les derniers mois n’ont pas été de tout repos pour les deux compagnies.

Après le départ de sa présidente et cheffe de la direction Merren McArthur, en septembre dernier, Lynx ne lui a toujours pas trouvé de successeur. La démission surprise de Mme McArthur avait été annoncée en juin 2023, deux ans après son arrivée. La gestionnaire avait accepté de demeurer en poste quelques mois supplémentaires pour permettre de « sélectionner et de nommer un nouveau chef de direction », expliquait Lynx à l’époque.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Merren McArthur a quitté son poste de présidente et cheffe de la direction de Lynx Air en septembre dernier.

Les turbulences ont été plus fortes chez Flair. Selon des documents judiciaires, la compagnie doit 67,2 millions en impôts impayés à Ottawa, ce qui avait incité l’Agence du revenu du Canada (ARC) à obtenir une ordonnance de saisie et de ventes des biens de la compagnie aérienne. Les activités quotidiennes de Flair n’ont cependant pas été perturbées, puisque le transporteur dit avoir été en mesure de s’entendre avec le fisc.

« Lorsqu’ils écriront le livre sur la trajectoire de Flair vers le succès, ceci ne sera qu’une note de bas de page », écrivait le chef de la direction de Flair, Stephen Jones, dans une note interne aux employés envoyée à la fin de janvier, que La Presse a consultée, dans le but de calmer le jeu à propos du litige avec l’ARC.

Dans une entrevue à La Presse Canadienne, le 29 janvier dernier, M. Jones signalait cependant que le plan de croissance de l’entreprise serait sur pause cette année en raison de sa lourde dette et des retards de livraison chez Boeing.

M. Jones n’a pas répondu à un message qui lui a été envoyé par La Presse.

Viable ?

Un regroupement entre Flair et Lynx attirerait assurément l’attention des autorités réglementaires canadiennes, qui auraient à se pencher sur la transaction proposée. Si elle va de l’avant, il s’agirait d’un autre changement dans le segment des transporteurs à bas prix.

L’automne dernier, WestJet avait intégré les activités de sa filiale Swoop alors que la concurrence s’intensifiait dans l’Ouest canadien avec l’émergence de Lynx et de Flair.

« Des transporteurs comme Flair et Lynx font de l’argent de la mi-avril jusqu’à la mi-septembre, souligne M. Gradek. La question, si ces compagnies se regroupent, sera de savoir si elles seront en mesure d’améliorer leur rentabilité. Les deux transporteurs perdent de l’argent. »

Le modèle d’affaires de ces compagnies, connues en anglais sous l’appellation d’ultra-low cost carriers, repose généralement sur l’utilisation d’aéroports secondaires, parce que leurs frais sont moins élevés et que leur achalandage moindre réduit les risques de retards. Au Québec, cependant, Flair et Lynx ne peuvent utiliser cette stratégie, faute d’aéroports secondaires équipés d’infrastructures capables de les accueillir.

Selon le moment de l’année, ces transporteurs offrent des prix alléchants aux voyageurs. Par exemple, sur le site de Flair, un aller vers Fort Lauderdale est offert à 118 $ le mois prochain. M. Gradek se demande pendant combien de temps cela peut encore durer.

« Les tarifs sont intéressants pour les consommateurs, mais ce n’est pas [soutenable] pour les transporteurs, dit l’expert. C’est illogique et irresponsable. Une forme de juste milieu permettrait au modèle [de ces compagnies] de fonctionner plus longtemps. »

Flair Airlines en bref :

Lancement : 2017

Siège social : Edmonton

Président : Stephen Jones

Flotte visée : 50 appareils

Lynx Air en bref :

Lancement : 2022

Siège social : Edmonton

Président : inconnu

Flotte visée : 46 avions

En savoir plus
  • Juin 2023
    Premier vol de Lynx Air à Montréal-Trudeau
    Source : Lynx Air
    Juillet 2021
    Vol inaugural de Flair au Québec
    Source : Flair Airlines