Les temps sont durs dans l’industrie du prêt-à-cuisiner et des boîtes-repas. Afin d’être capable de poursuivre ses activités, Cook it s’est mise à l’abri de ses créanciers et compte se faire racheter par la britanno-colombienne Fresh Prep Foods. Des créanciers de l’entreprise québécoise – parmi lesquels on retrouve le Mouvement Desjardins et le Fonds de solidarité FTQ – pourraient laisser d’importantes sommes sur la table.

Cette transaction proposée devra être présentée à la Cour supérieure du Québec, dans le cadre d’une audience prévue lundi prochain, afin d’être officialisée. Reste à voir si des prêteurs et des fournisseurs s’opposeront à ce qui est sur la table.

« L’inflation alimentaire a fait augmenter le prix des boîtes-repas, et ceci, jumelé avec le fait que les Québécois doivent absorber une hausse de leurs dépenses en alimentation avec un budget plus serré, explique la présidente et cofondatrice de Cook it, Judith Fetzer, en entrevue avec La Presse. On faisait des miracles pour assembler les repas avec le coût des ingrédients. »

C’est un changement de trajectoire notable pour l’entreprise et sa fondatrice – nommée entrepreneure féminine de l’année par les publications Canadian Business et Maclean’s en 2020. L’année précédente, Cook it avalait sa rivale MissFresh en rachetant la participation de 70 % que détenait l’épicier Metro dans cette entreprise. En décembre 2022, elle devenait actionnaire majoritaire de Menu Extra, spécialiste des plats prêts à enfourner.

Huit ans après son premier passage à l’émission Dans l’œil du dragon, alors qu’elle était entrepreneure, Mme Fetzer avait effectué un retour sur le plateau, cette fois-ci en tant que « dragonne invitée et investisseuse ».

Selon l’avis d’intention de faire une proposition en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité envoyé au tribunal le 29 janvier dernier, la jeune pousse affichait un passif d’environ 22 millions. Les créances garanties totalisent 3 millions.

Le Fonds de solidarité FTQ (7,7 millions) et Desjardins (7,4 millions) sont les plus importants créanciers non garantis.

Mme Fetzer est l’actionnaire principale de Cook it, devant un fonds de capital de risque albertain et une firme contrôlée par Alain Bouchard, cofondateur et président du conseil d’administration d’Alimentation Couche-Tard.

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La transaction envisagée doit permettre à Cook it de poursuivre ses activités au sein d’une nouvelle entité. Mme Fetzer n’a pas voulu dévoiler le prix. Fresh Prep Foods propose de maintenir les activités de l’entreprise québécoise, de conserver ses quelque 150 employés – on en recensait environ 400 il y a un an – et d’honorer « l’ensemble des frais payés en amont, des cartes-cadeaux et des crédits de la clientèle ». Les avantages associés au programme de récompenses et de fidélité doivent être maintenus, promet-on. Mme Fetzer dirigera les activités québécoises de Fresh Prep Foods, a-t-elle expliqué.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Judith Fetzer, présidente et cofondatrice de Cook it

Je ne vous cacherai pas que les 18 derniers mois ont été difficiles pour Cook it. La sortie de pandémie a été une sorte de tempête parfaite pour beaucoup d’entreprises. L’inflation, la pénurie de main-d’œuvre, les changements draconiens d’habitude des consommateurs, ça a eu des répercussions sur Cook it.

Judith Fetzer, présidente et cofondatrice de Cook it

Mme Fetzer affirme que l’entreprise étudiait des « options stratégiques » depuis un certain temps. La femme d’affaires affirme avoir choisi une solution qui « permet de maintenir des emplois au Québec et d’investir ». Avec des créances de 22 millions, il y a fort à parier qu’il aurait été difficile de trouver un repreneur. C’est ce qui a incité Cook it à opter pour une restructuration judiciaire. Sa présidente reconnaît qu’il y aura une « perte d’investissement » pour certains créanciers.

Un secteur en difficulté

Cook it n’est pas la seule à éprouver des difficultés dans le créneau du prêt-à-cuisiner, très prisé pendant les confinements pandémiques alors que les salles à manger des restaurants étaient fermées.

L’an dernier, Marché Goodfood a dû se tourner vers Investissement Québec pour l’aider à renflouer ses coffres. Le bras financier de l’État québécois avait contribué à hauteur de 10 millions dans le cadre d’un tour de financement de 12,7 millions.

En 2023, le titre de Goodfood avait plongé de 45 % à la Bourse de Toronto. La tendance s’est poursuivie depuis le début de l’année, avec un recul de 5,4 %. Le titre vaut 26 cents, ce qui confère une valeur boursière de 20 millions à l’entreprise québécoise. Après une léthargie de deux ans, elle a finalement été capable d’afficher une croissance du nombre de clients actifs d’un trimestre à l’autre.

À l’Université McGill, l’économiste et agronome Pascal Thériault n’est pas étonné des difficultés que connaît ce secteur.

« Le consommateur a des choix à faire, dit l’expert. Est-ce que je débourse davantage pour payer mon épicerie ? Oui. Est-ce qu’on continue en payant plus pour des boîtes-repas ? La réponse est souvent non. Ce n’est pas un secteur facile. Il y a un besoin de toujours se réinventer. Quand je parle aux gens qui essaient ce produit, souvent, la raison pour laquelle ils lâchent, c’est parce qu’ils ont fait le tour des recettes. »

Fresh Prep Foods

Établie à Vancouver, Fresh Prep Foods n’est pas présente dans le marché québécois. La présence géographique de ce spécialiste des repas prêts à cuisiner et prêts à manger se limite à la Colombie-Britannique et aux villes albertaines de Calgary, d’Edmonton et de Red Deer. Mme Fetzer affirme qu’elle connaît l’équipe de direction depuis « huit ans » et que les deux entités partagent des « valeurs similaires ».

« Leur modèle ressemble au nôtre, mais avec quelques différences, explique-t-elle. Eux, c’est 100 % de leurs clients qui ont des boîtes-repas zéro déchet. Nous n’étions pas encore au même niveau. Tout cela fait en sorte que leurs innovations sur lesquelles ils ont travaillé très fort dans les dernières années vont changer l’expérience client. »

Mme Fetzer affirme que son acquéreur potentiel compte sur une clientèle plus « fidèle » et qui « commande toutes les semaines ». Cela n’est pas un gage de succès, mais M. Thériault estime que la consolidation, dans cette industrie encore jeune, n’est pas « nécessairement une mauvaise nouvelle ».

Cook it en bref

  • Année de fondation : 2014
  • Siège social : Montréal
  • Présidente : Judith Fetzer
  • Marchés : Ontario, Québec et Maritimes
  • Acquisitions : Kuisto (2017), MissFresh (2019), Locaal (2021) et Menu Extra (2022)
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  • 100
    Nombre de producteurs québécois avec qui Cook it dit faire affaire
    SOURCE : cook it