L’autorisation accordée par le gouvernement Legault à Northvolt pour lui permettre d’abattre des arbres et empiéter sur des milieux humides est maintenant contestée par deux actions en justice : celle du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et celle de la Première Nation mohawk de Kahnawake.

Le CQDE réclame dans un premier temps une suspension temporaire des travaux préparatoires sur le site qui doit accueillir la méga-usine de cellules de batteries de l’entreprise en Montérégie, pour ensuite demander que Québec soit forcé de réétudier le dossier. Le Conseil mohawk de Kahnawake réclame directement l’annulation de l’autorisation octroyée plus tôt ce mois-ci par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP).

Organisme à but non lucratif, le CQDE a précisé sa stratégie, mercredi, devant la Cour supérieure du Québec, qui se penchait sur sa demande d’injonction provisoire. L’objectif consiste à obtenir une suspension temporaire des travaux préparatoires sur le site qui doit accueillir la vaste usine de cellules de batteries de l’entreprise en Montérégie – un projet de 7 milliards.

Au palais de justice de Montréal, l’audience a beaucoup porté sur le plan de compensation auquel sera soumis Northvolt. La jeune pousse suédoise s’est engagée à « créer », « restaurer » ou « préserver » des milieux naturels sur une zone de 30 à 50 hectares – jusqu’à 90 terrains de football – dans la région.

« Le MELCCFP s’est contenté de spécificités vagues », a plaidé MJessica Leblanc, qui collabore avec le CQDE, devant le juge David R. Collier.

D’après l’organisme, ce scénario est en quelque sorte une carte blanche donnée à Northvolt, a affirmé l’avocate. On ignore où seront déployées les mesures d’atténuation et on ne connaît pas les détails sur ce qui sera fait en matière de restauration et de compensation.

Des impacts

Sur le terrain de 170 hectares à cheval sur Saint-Basile-le-Grand et McMasterville, la première phase des travaux préparatoires prévoit l’abattage d’environ 14 000 arbres vivants et morts. Le chantier perturbera notamment 13 hectares de milieux humides. Le site – où se trouvait autrefois l’usine d’explosifs de la Canadian Industries Limited – abrite notamment une zone de nidification du petit blongios, un oiseau considéré comme une espèce vulnérable dont la présence a été détectée à trois reprises depuis 2016.

« On considère que détruire maintenant sans avoir l’information suffisante pour contrôler les impacts environnementaux, c’est questionnable », a lancé Marc Bishai, avocat du CQDE, à l’extérieur de la salle d’audience.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Marc Bishai, avocat du Centre québécois du droit de l’environnement

Devant le magistrat, MLeblanc a donné l’exemple d’un avis faunique préparé par une biologiste du gouvernement. Selon l’avocate, la biologiste ne disposait pas de suffisamment d’informations sur l’incidence que les travaux auraient sur les espèces fauniques. MLeblanc estime que cela témoigne du caractère « déraisonnable » de l’autorisation ministérielle.

MStéphanie Garon, qui représente le Procureur général du Québec, voyait les choses d’un autre œil. C’est la biologiste du MELCCFP qui a exigé que Northvolt s’engage à réaliser l’une des deux options qui étaient envisagées pour compenser la distribution de milieux humides, a-t-elle plaidé. C’est finalement le scénario des 30 à 50 hectares qui a été retenu.

« C’est une condition de l’autorisation, a expliqué MGaron. Le Ministère ne donne pas carte blanche à l’entreprise pour réaliser son projet. C’est la biologiste [du gouvernement] qui va faire sa recommandation. »

Un délai « fatal » pour Northvolt

L’avocate de Northvolt, Nathalie-Anne Béliveau, a pour sa part mis l’accent sur l’urgence, pour sa cliente, de relancer les travaux « si on ne veut pas compromettre le projet » dans son intégralité ». Elle a décoché une flèche au CQDE, qui, à son avis, n’a pas utilisé le « bon véhicule » s’il souhaitait renvoyer Québec à la table à dessin.

Un délai de 10 jours dans le cas d’une injonction serait « fatal » pour Northvolt, a plaidé MBéliveau, en soulignant qu’on ne pouvait effectuer des travaux préparatoires après le 15 avril en raison de la période de nidification d’oiseaux, notamment.

« On a un client en ce moment, a souligné MBéliveau. Si on ne livre pas à temps, on va le perdre. La perte d’un client serait un préjudice irréparable. »

Le juge Collier a pris la cause en délibéré. Il a promis de trancher le plus rapidement possible. D’ici là, les activités demeureront suspendues sur le site de Northvolt en Montérégie.

Une annulation

Quant au recours judiciaire intenté par la Première Nation mohawk de Kahnawake, il vise à la fois Québec et Ottawa. Le Conseil mohawk de Kahnawake accuse les gouvernements québécois et canadien de ne pas l’avoir consulté au sujet du projet de la multinationale suédoise, qui se trouve sur le territoire traditionnel de la Première Nation.

Le Conseil demande à la Cour de déclarer que Québec et Ottawa ont violé leur obligation constitutionnelle de consulter la Nation mohawk en finançant le projet et, dans le cas spécifique du Québec, en autorisant la destruction de milieux humides. Cette autorisation doit donc être annulée, plaide la requête que La Presse a pu consulter.

L’histoire jusqu’ici

28 septembre 2023 : La venue de Northvolt est officialisée au Québec.

8 janvier : Northvolt obtient son autorisation ministérielle pour lancer ses travaux préparatoires.

18 janvier : Le Centre québécois du droit de l’environnement dépose une demande d’injonction pour faire cesser les travaux sur le chantier de Northvolt.

23 janvier : Des actes de sabotage sont revendiqués sur le chantier de Northvolt.

24 janvier : La demande d’injonction est entendue par la Cour supérieure du Québec.

En savoir plus
  • 2,75 milliards
    Sommes offertes par Québec et Ottawa pour financer la construction de l’usine québécoise de Northvolt
    Source : La Presse
    4,6 milliards
    Somme maximale des subventions à la production offerte à l’entreprise par les deux ordres de gouvernement
    Source : La Presse