Des opposants au mégaprojet de Northvolt, en Montérégie, revendiquent des actes de sabotage sur le site pour empêcher la poursuite des travaux alors que l’audience sur la demande d’injonction visant le même objectif, prévue mardi matin, a été reportée à la demande de Saint-Basile-le-Grand, maintenant visé par cette démarche judiciaire.

« Des activistes ont entrepris d’armer la forêt afin qu’elle puisse se défendre », affirme un communiqué anonyme reçu par La Presse dans la nuit de lundi à mardi, dénonçant la destruction annoncée de milieux humides et de zones boisées abritant des espèces menacées ou en voie de disparition.

Plus précisément, des barres d’acier et des clous ont été insérés dans « plusieurs centaines d’arbres » pour empêcher qu’ils soient coupés, est-il indiqué, en précisant que les arbres concernés ont été marqués à l’aérosol et que des affiches explicatives y ont été apposées pour « assurer la sécurité des personnes engagées pour raser la forêt ».

Les auteurs de ces actes de sabotage dénoncent « l’hypocrisie » du premier ministre François Legault, qui appelait à plus d’ambition pour la protection de la nature lors de la conférence des Nations unies sur la diversité biologique, en décembre 2022 à Montréal.

Ils déplorent en outre les milliards de dollars d’aide publique offerts à Northvolt pour « perpétuer la culture de l’automobile », au moment où les sociétés de transports en commun font face à des difficultés budgétaires. La multinationale suédoise a confirmé mardi cet acte de sabotage, évoquant une centaine d’arbres touchés.

« Nous déplorons l’utilisation de ce type de tactiques qui comporte des risques importants pour la sécurité des travailleurs, mais aussi des communautés avoisinantes, tout en rendant la valorisation de ces arbres impossible », a déclaré sa porte-parole, Emmanuelle Rouillard-Moreau.

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Des barres d’acier et des clous ont été insérés dans « plusieurs centaines d’arbres » pour empêcher qu’ils soient coupés.

En marge de la retraite du cabinet fédéral à Montréal, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a abondé dans le même sens. À son avis, il y a d’autres façons d’exprimer son opposition à un projet.

« Il y a des processus, a dit M. Champagne. Si les gens ont des objections à faire valoir, il y a des façons de faire ça. Mais quand on tombe dans le sabotage, là, je m’excuse. Il faut respecter quand même les processus. »

Audience reportée

Entre-temps, le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) a décidé d’ajouter Saint-Basile-le-Grand à son action en justice pour faire cesser « immédiatement » les travaux préparatoires amorcés plus tôt ce mois-ci par Northvolt sur le site où doit être construite son usine de cellules de batteries. Ce terrain s’étend jusqu’à McMasterville.

Puisqu’elle se retrouve impliquée dans le dossier, la ville de Saint-Basile-le-Grand a demandé que l’audience de la Cour supérieure du Québec, prévue mardi, soit reportée à ce mercredi. Le CQDE allègue que le permis d’abattage délivré par cette municipalité est « invalide », évoquant un « règlement de contrôle intérimaire » de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Selon les plaignants, on retrouve un « milieu humide d’intérêt métropolitain » sur le terrain où Northvolt doit s’installer et l’entreprise n’a pas précisé si elle « évitera » cette zone, peut-on lire, dans la demande d’injonction amendée.

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En Montérégie, la première phase des travaux prévoit l’abattage d’environ 14 000 arbres vivants et morts.

« Le CQDE et trois citoyennes se questionnent sur l’application de la réglementation municipale par Saint-Basile-le-Grand, donc cette municipalité a été ajoutée au dossier afin que les tribunaux puissent s’y pencher, affirme l’avocat de l’organisme, Marc Bishai. Le règlement […] prévoit des interdictions dans les milieux d’intérêt métropolitains comme celui présent sur le terrain du projet de l’entreprise Northvolt. »

Par courriel, Saint-Basile-le-Grand n’a pas voulu commenter le contenu de la demande d’injonction amendée en évoquant la « judiciarisation du dossier ».

Le CQDE affirme qu’une injonction est nécessaire pour déterminer si l’autorisation ministérielle permettant au fabricant de cellules de batteries d’aller de l’avant avec des travaux préparatoires a été accordée dans les règles de l’art par le gouvernement Legault. L’organisme en doute.

En Montérégie, la première phase des travaux prévoit l’abattage d’environ 14 000 arbres vivants et morts. Le chantier affectera notamment 13 hectares de milieux humides. Le site – où se trouvait autrefois l’usine d’explosifs de la Canadian Industries Limited – abrite une zone de nidification du petit blongios, un oiseau considéré comme une espèce vulnérable dont la présence a été détectée à trois reprises depuis 2016. Des batraciens communs ont aussi été observés, ainsi que la tortue molle à épine.

Les travaux de Northvolt sont suspendus depuis jeudi dernier.

Note : une version précédente de ce texte indiquait que Northvolt avait comptabilisé une dizaine d’arbres vandalisés, mais l’entreprise a depuis revu son calcul et évoque une centaine d’arbres touchés.

En savoir plus
  • 170 hectares
    Superficie du site où doit être construit le complexe de Northvolt
    7 milliards
    Facture estimée de la première phase de l’usine
    SOURCE : northvolt