« Quand vous êtes un manufacturier dont la main-d’œuvre se rapproche de la retraite, au Québec, et en particulier en région, vous avez un problème », résume le président de Polycor, Patrick Perus, au sujet du contexte économique actuel qui fait la vie dure aux entreprises.

Le producteur de pierres naturelles dont le siège social est à Québec est affecté à peu près autant par la hausse des taux d’intérêt que par la rareté de la main-d’œuvre. « Nos affaires vont bien, mais on a dû renoncer à des investissements en raison de l’effet conjugué de ces deux facteurs, précise-t-il lors d’un entretien avec La Presse. C’est notre réalité. »

La réalité de Polycor est celle que vivent beaucoup d’entreprises manufacturières au Québec, selon un sondage réalisé par les Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) auprès de 168 manufacturiers qui ont des postes à pourvoir.

Six entreprises sur dix ont indiqué avoir dû refuser des contrats, réduire le nombre de soumissions pour des projets ou payer des pénalités pour des retards de livraison.

Les solutions les plus évidentes, comme le recrutement à l’étranger et l’automatisation, ne sont pas à la portée de toutes les entreprises, surtout des plus petites. Quatre entreprises de moins de 100 employés sur dix n’ont jamais tenté de recruter à l’étranger et le quart de celles qui l’ont fait n’ont pas eu de succès, selon le sondage de MEQ.

Polycor fait partie des entreprises qui ont recruté à l’étranger. « Ce n’est pas compliqué, c’est l’enfer », affirme son président. Le processus est long, complexe et coûteux, selon lui.

« Ce n’est pas une solution de facilité », poursuit Patrick Perus. Il estime qu’il faut vraiment explorer toutes les possibilités de recrutement local avant de se lancer dans cette aventure.

Le recours à l’automatisation, l’autre planche de salut des manufacturiers, est freiné par l’augmentation du coût des emprunts.

Selon le sondage, 75 % des manufacturiers interrogés se disent affectés par la hausse des taux d’intérêt qui augmentent leurs coûts et les obligent à annuler ou retarder des investissements.

Dans le secteur de l’extraction de la pierre, beaucoup de tâches doivent encore être accomplies manuellement. Le président de Polycor reste tout de même à l’affût des avancées de la robotisation. « Encore là, ça ne peut pas régler tous les problèmes, dit-il. Il faut du capital pour investir dans la technologie, mais il faut aussi des ingénieurs pour faire fonctionner les machines, ce qui ajoute aux problèmes de recrutement. »

Il reste la formation, un outil qui peut être mieux utilisé par les entreprises, selon Patrick Perus. « Au Québec, les ressources existent et ça marche bien », estime-t-il en soulignant l’ouverture des établissements d’enseignement aux besoins de main-d’œuvre des entreprises.

Des tensions qui s’atténuent

Le nombre de postes vacants dans le secteur manufacturier québécois est passé récemment de quelque 31 000 à 21 000. Mais l’amélioration n’est pas uniforme, souligne Véronique Proulx, présidente-directrice générale de MEQ et commanditaire du sondage.

« Il y a un impact important pour les plus petites entreprises, malgré cette amélioration », dit-elle, en soulignant que sur les 13 000 entreprises manufacturières que compte le Québec, seulement 1000 ont plus de 100 employés.

« Les plus grandes entreprises ont plus de moyens pour offrir de meilleures conditions à leurs employés », explique-t-elle.

Les plus petites ont besoin de plus de soutien de la part du gouvernement pour le recrutement à l’étranger, l’automatisation et la formation. C’est le message qu’on veut transmettre.

Véronique Proulx, présidente-directrice générale de MEQ

Malgré le contexte difficile, Polycor a connu une année record en 2023, selon son président. Il s’attend à « une stabilité, voire une légère progression », en 2024, alors que l’économie continue de ralentir.

Ce ralentissement va diminuer la tension sur le marché du travail et faciliter le recrutement, selon Patrick Perus, qui note déjà une amélioration.

« Le problème est moins criant, mais il ne va pas disparaître », dit-il. Au Québec, avec le vieillissement de la population, la rareté de la main-d’œuvre est un problème qui est là pour de bon.

Il faudra plus d’immigrants, surtout en région. « C’est une certitude mathématique », dit-il.