« Je suis rédacteur indépendant et mes clients me prennent pour un guichet automatique ouvert 24/7. Ils m’envoient des mandats le vendredi en fin d’après-midi avec échéance le lundi matin. Ou ils me convoquent à des réunions impromptues (virtuelles ou sur place) sans se soucier de mon agenda. Si je suis travailleur indépendant, c’est en partie pour éviter la culture du 9 à 5 et avoir la flexibilité de faire les courses et d’être parent. Je les informe de mes disponibilités ou je dis “Je peux m’y mettre lundi” pour bien montrer que je ne renonce pas à ma fin de semaine, mais ils continuent de m’écrire après 18 h et les week-ends. C’est d’autant plus insultant que si les entreprises me donnent des contrats, c’est pour éviter de payer un employé à temps complet. Or, elles s’attendent à un accès à temps plein. C’est comme ça avec tous mes clients. Comment puis-je leur faire comprendre que mon numéro de téléphone n’est pas 911 ? Pourquoi les entreprises exigent-elles plus de disponibilité du travailleur autonome que d’un employé ? »

Réponse

Comme vous le soulignez, les employeurs utilisent souvent des travailleurs autonomes pour obtenir du travail à temps plein sans assumer la charge financière d’un employé. Ils se fichent de votre gestion du temps. La seule chose que vous pouvez contrôler, c’est vous. Si vous ne voulez pas travailler après une certaine heure, dites-le clairement et rendez-vous disponible seulement selon votre horaire.

Ça implique peut-être de perdre des contrats et vous devez décider ce qui compte le plus : le travail ou votre temps. Ce que je dis aux gens aux attentes déraisonnables, c’est que leurs urgences ne sont pas les miennes ou qu’il n’y a pas d’urgences en rédaction. Parfois, ce point de vue est utile.

Rejeté par courriel automatisé

« L’an dernier, j’ai produit un travail qui a connu un tel succès que le client l’a publiquement présenté comme un exemple du travail qu’il attendait d’autres travailleurs autonomes.

« Quand l’entreprise a ouvert un poste régulier pour faire la même tâche – aux côtés de la jeune employée qui me donne déjà les mandats –, j’ai postulé. J’ai envoyé mon CV, des références et une lettre détaillant ce que j’avais déjà accompli pour l’entreprise et ce que je pouvais offrir de plus. J’ai souligné comment ma jeune collègue et moi-même ferions un duo pouvant aller beaucoup plus loin.

« J’ai reçu un refus par courriel automatisé indiquant qu’ils avaient choisi “d’autres candidats dont les compétences correspondent mieux à [leurs] besoins”. Ce rejet méprisant, sans entrevue, sape mon moral.

« Ai-je un recours ? Ai-je intérêt à demander un éclaircissement aux RH ? Je trouve cette expérience éprouvante. Mon contact, la jeune employée, est au courant de la situation et ne l’a pas abordée, mais elle me propose du travail. Je ne veux pas brûler les ponts. »

Réponse

Sur le marché du travail, rien n’est garanti. Vous pouvez être éminemment qualifié pour un poste, avoir une relation avec l’entreprise ou d’autres plumes à votre chapeau et ne pas être convoqué en entrevue. Peut-être ne saurez-vous jamais pourquoi vous avez été écarté.

Vous pouvez bien sûr parler aux ressources humaines, mais l’explication ne vous satisfera pas. Vous devez trouver un moyen d’aller de l’avant.

Peut-être quitterez-vous ce client. Peut-être postulerez-vous à temps complet ailleurs. Peut-être en toucherez-vous un mot à votre contact, pour comprendre et obtenir des informations utiles pour fermer ce dossier dans votre esprit. Quoi qu’il en soit, vous savez une chose : vous faites un excellent travail et vous continuerez à le faire.

Les fautes dans ses courriels me font mal aux yeux

« Peut-on corriger les fautes des subalternes dans leurs courriels ? Y a-t-il une façon de faire ça avec tact ? Je dirige une personne qui fait des fautes dans ses courriels envoyés à l’équipe. Je comprends ce qu’elle veut dire, mais je suis déçu, il y a tellement de correcteurs automatiques pour vérifier l’orthographe. Ce n’est pas dans tous ses courriels ; peut-être un par semaine. Dois-je en parler ? Si oui, comment ? Je ne veux pas miner sa crédibilité auprès de son équipe et de l’entreprise. »

Réponse

En général, si quelqu’un a un problème d’orthographe constant, c’est légitime de lui signaler le problème avec tact. Cela dit, il semble qu’il s’agisse ici pour vous d’un problème plus personnel que professionnel (ce qui est légitime aussi, un patron a le droit à ses préférences). Une faute d’orthographe occasionnelle n’est pas nécessairement signe d’un véritable problème. On dirait que votre subalterne écrit parfois trop vite et ne prend pas le temps de se relire avant de cliquer sur Envoyer.

Vous êtes son patron, prenez cette personne à part ou écrivez-lui un courriel pour l’avertir de faire plus attention à sa correspondance écrite. Si vous avez deux ou trois exemples récents, mettez-les en pièce jointe pour que ce soit clair. Offrez-lui du soutien et des ressources pour l’aider à améliorer son orthographe.

Le conflit au Moyen-Orient au bureau

« Je travaille dans une entreprise dont le propriétaire et PDG a des opinions publiques très tranchées sur le conflit Israël-Hamas. Son activité philanthropique personnelle (connue du public) vise à soutenir l’armée israélienne. Mes opinions sur le conflit sont opposées aux siennes et ça me met mal à l’aise au bureau. À part ça, j’aime travailler ici. Je sais que partager ou pas les opinions politiques du PDG est un critère idiot pour décider si on veut travailler quelque part, mais dans ce cas-ci, ça me touche à un tout autre niveau. Est-ce que j’exagère l’importance de cette situation ? »

Réponse

Vous seul pouvez répondre à cette question. Vos divergences d’opinions avec votre patron sur Israël et la question palestinienne vous troublent, ça, c’est clair. Cela étant, il faut vivre et travailler avec des gens qui ne pensent pas comme nous.

Voici quelques réalités : chaque jour, la bande de Gaza est bombardée par Israël, qui affirme qu’il ne cessera pas tant que les otages n’auront pas tous été libérés. Les autorités israéliennes ne tiennent pas compte des protestations internationales, des Nations unies ou de l’opinion publique en Israël ou ailleurs. Et on ne peut pas ignorer des décennies d’occupation.

Le Hamas est aussi implacable. Ses membres, des terroristes, sont entrés en Israël, ont tué 1200 personnes et pris des centaines d’otages. Il continuera à commettre des actes de terrorisme. Il ne s’arrêtera pas, disent ses dirigeants, tant que les territoires palestiniens ne seront pas libérés et qu’Israël ne sera pas détruit. C’est inacceptable. Il faut le dire. Tout cela est horrible.

Comment résoudre une telle situation ? On dénombre plus de 15 000 morts palestiniens à Gaza depuis le 7 octobre, pour la plupart des civils, dont de nombreux enfants. Il faut le dire aussi. Ce massacre se poursuivra jusqu’à ce que les États-Unis décident que le sang a assez coulé. Hélas, nous vivons dans un monde assoiffé de sang. Effectivement, ça nous touche à un tout autre niveau. Pouvez-vous tolérer de travailler pour quelqu’un qui verse de l’argent à l’armée israélienne ? Je pense que vous connaissez déjà la réponse.

Cet article a été originalement publié dans le New York Times.

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