Un jeudi sur deux, La Presse propose un retour sur ce qui retient l'attention dans le domaine de l'immobilier résidentiel et commercial

On les pensait mourants, laissés exsangues par la popularité du commerce en ligne. Mais les centres commerciaux n’ont pas dit leur dernier mot.

Selon une étude récente de l’agence de notation DBRS Morningstar, les ventes et les loyers sont résolument en hausse, tout comme le taux d’occupation. C’est le cas pour les centres régionaux de qualité comme Carrefour Laval et Fairview Pointe-Claire.

« Le moral est bon. Les gens de centres d’achat à qui je parle sont contents », témoigne le spécialiste de l’immobilier commercial Jean-François Grenier, directeur principal chez Altus. Ses propos corroborent les principales observations de DBRS. « Les clients sont revenus. Les ventes ont monté. L’achalandage reste moins élevé. Le temps de visite a diminué. Mais les gens y vont, ils achètent et ils sortent. En général, les pertes de valeur pour les centres commerciaux régionaux sont derrière nous. »

En revanche, les galeries marchandes des centres-villes souffrent encore de la présence à temps partiel des travailleurs des tours de bureaux, reconnaît M. Grenier. L’étude de DBRS ne dit mot sur les grandes surfaces dont les défis à relever ont été documentés dans le passé.

En dépit de la perte du pouvoir d’achat des consommateurs en raison de l’inflation et du risque grandissant d’une récession au Canada, DBRS Morningstar considère que les centres commerciaux de type régional du pays demeurent pour la plupart en santé avec de réelles perspectives de croissance devant eux.

Le taux d’occupation des 10 centres commerciaux ayant les meilleures ventes se chiffrait à 92 % à la fin de 2022. L’absence de nouveaux locaux sur le marché et la liste de détaillants en expansion sont de bon augure pour l’avenir.

Aisle 24, un épicier sans caisse enregistreuse, Canada Goose, Décathlon, Dollarama, Goodwill, une friperie américaine à but non lucratif, IKEA avec ses centres de planification ou studios, la spécialiste montréalaise des comptoirs à salade Mandy’s, Nespresso, Noodlebox, Sephora, Simons, la chaîne alimentaire asiatique T&T et Uniqlo ont tous de l’ambition à court et moyen terme, selon une recension récente effectuée par Valeurs mobilières Desjardins (VMD).

Ceux-ci ayant peu de choix où s’installer, ils créent une pression à la hausse sur les loyers dans les centres existants. Ils ont d’ailleurs atteint un sommet dans la plupart des centres commerciaux fermés au Canada, au deuxième trimestre 2023, d’après le rapport de l’agence Colliers sur les propriétés de ventes au détail.

Un facteur clé dans la popularité retrouvée des centres commerciaux : la proportion des ventes des détaillants réalisées sur l’internet a diminué sous les 9 %, après avoir culminé à près de 12 % au premier trimestre 2020, rapporte VMD.

En forte croissance depuis 2021, l’achalandage n’est certes pas revenu au niveau prépandémique – 3,1 milliards de visiteurs dans les centres canadiens en 2022 comparativement à 4,2 milliards en 2019. Mais les ventes sont au rendez-vous.

« Le taux de conversion des ventes (le nombre de visiteurs se traduisant par des ventes) a augmenté de 12 % (corrigés de l’inflation) depuis 2019, ce qui indique que les consommateurs font leurs achats avec plus d’intention et dépensent plus par visite », écrit DBRS.

En fait, les ventes par client sont plus basses qu’avant la pandémie, mais les ventes totales sont plus fortes. La croissance vigoureuse de la population canadienne souffle dans le dos des détaillants.

À la Bourse, les titres de centres commerciaux sont déprimés. Les investisseurs appréhendent les affres de la récession à venir. Les actions de RioCan (REI.UN), First Capital (FCR.UN) et Primaris (PMZ.UN), par exemple, se vendent à fort escompte par rapport à leur valorisation historique. Le rendement annuel sur leurs distributions s’établit entre 6 et 7 % par an.

« Leurs inquiétudes sont exagérées, soutient Lorne Kalmar, analyste de VMD, en particulier si l’on considère les performances des fonds de placement immobilier de centres commerciaux au cours des dernières récessions et l’état actuel des données fondamentales des ventes au détail. »

Forte croissance des revenus hôteliers

Autres martyrs de la pandémie qui prennent du mieux, les établissements hôteliers affichent une progression de plus de 20 % de leurs revenus par chambre au 3e trimestre 2023, en comparaison du même trimestre en 2022, selon un récent rapport de l’agence immobilière Cushman & Wakefield.

La croissance des revenus est de 29 % à Montréal au dernier trimestre, la troisième performance au pays. Les hôtels de la ville de Québec ont connu, pour leur part, une hausse de 24 % de leurs revenus.

Comment expliquer ce retour en force du secteur hôtelier mis à mal pendant la pandémie ? L’effet de base joue un rôle, puisqu’au premier trimestre 2022, des restrictions sanitaires étaient encore en place dans certains marchés.

Au niveau canadien, la moyenne des revenus par chambre s’élève à 137,43 $ et est en hausse de 21 % par rapport au chiffre prépandémique. Il s’agit de dollars courants. De fait, la croissance des revenus suit la tendance de l’inflation.

La hausse du coût de la vie contribue aussi à la hausse des frais d’exploitation, la main-d’œuvre notamment.

Les marges sont sous pression, ont indiqué plusieurs gestionnaires du secteur à l’occasion de la conférence Women in Hospitality qui se tenait à Toronto fin octobre, rapporte Cushman Wakefield dans son rapport.

Pour l’an prochain, l’industrie s’attend à une croissance bien plus modérée, de l’ordre de 5 % des revenus par chambre, en raison de la détérioration des perspectives économiques. Les chaînes hôtelières présentes dans les centres-villes croisent les doigts pour que la demande du milieu des affaires et la demande étrangère reviennent au niveau de 2019, ce qui n’est pas encore le cas. L’absence de nouvelles adresses et les restrictions entourant la location de logements touristiques à court terme pourront leur donner un coup de pouce.