(New York) L’ancienne superstar des cryptomonnaies Sam Bankman-Fried a-t-il « volé » ses clients ou était-il simplement un jeune entrepreneur fougueux, mais de bonne foi ? Procureur et défense ont livré, mercredi, deux portraits opposés d’un même accusé.

« Ce qu’il s’est passé ne relève pas de questions complexes liées aux cryptomonnaies », a déclaré Nicolas Roos, représentant du procureur fédéral de Manhattan. « Il s’agit de tromperie, de mensonges, de vol, de cupidité ».

Pour l’avocat de « SBF », Mark Cohen, le ministère public « a cherché à faire de Sam un méchant, une sorte de monstre », a-t-il plaidé.

Une invention, selon lui, basée sur le postulat erronné selon lequel « FTX était une entreprise frauduleuse », bâtie « pour voler les fonds des clients dès l’origine ».

Sam Bankman-Fried est jugé à New York pour avoir utilisé, à leur insu, des fonds déposés par des clients sur sa plateforme d’échange de cryptomonnaies FTX, qui a fait faillite en novembre 2022.

Cet argent a alimenté les transactions et placements à risque de sa société d’investissement Alameda Research, dont les emprunts ont atteint 14 milliards de dollars.

« SBF » encourt jusqu’à 110 années de réclusion en cas de condamnation.

« L’une des questions (auxquelles doit répondre le jury) est de déterminer s’il savait que prendre cet argent était répréhensible », a expliqué Nicolas Roos.

« Il le savait. Il l’a tout de même fait », a martelé le représentant du ministère public. « Il pensait que parce qu’il était intelligent, il pourrait s’en sortir ».

« La bonne fois de Sam est une défense contre tous les chefs d’accusation » retenus contre lui, a rétorqué son avocat. « Dans la vrai vie, les choses s’embrouillent, les gens font des erreurs, et regrettent, plus tard, de ne pas les avoir corrigées. »

Pour innocenter l’accusé, « il vous faudrait croire qu’il n’avait rien compris » de ce qu’il se passait au sein de ses propres sociétés, selon le représentant du procureur. « Vous avez suivi tout ce procès et vous savez que rien de tout cela n’est vrai », a-t-il insisté.

Lors des audiences de ce procès débuté le 3 octobre, Sam Bankman-Fried a admis avoir commis de « grosses erreurs » dans sa gestion, mais il a toujours réfuté avoir enfreint la loi en connaissance de cause.

Il a notamment expliqué, lors de son témoignage il y a quelques jours, n’avoir été informé que très tardivement de la situation financière d’Alameda. Il a aussi assuré avoir donné des consignes — non suivies, selon lui — pour gérer les risques pris par Alameda.

« Qui avait le contrôle ? C’est ça, la question », a lancé Nicolas Roos. « C’était une personne : l’accusé. »

Il a souligné que le jeune entrepreneur était le seul à avoir la main à la fois sur FTX et sur Alameda.

« Encore plus loin »

Mark Cohen a lui fait valoir que Sam Bankman-Fried avait tenté, jusqu’au bout, de sauver FTX, quitte à tout perdre, sa fortune de plusieurs milliards de dollars s’envolant avec la faillite.

« Sam était prêt à donner tout ce qu’il avait pour résoudre la situation », a asséné le conseil.

Trois témoins, anciens proches collaborateurs de « SBF », ont tous affirmé, à l’audience, que l’ex-petit génie des cryptomonnaies avait donné des directives pour qu’Alameda puisse se servir, quasiment sans limites, dans les poches des clients de FTX.

« C’est une fraude », a estimé Nicolas Roos. « C’est du vol, purement et simplement ».

« Prendre l’argent de clients, même si vous comptez le rendre, cela reste de la fraude », a décrit le substitut du procureur.

« À chaque fois, il a choisi d’aller encore plus loin, de creuser un trou encore plus profond » plutôt que de tenter de redresser la barre, a résumé Nicolas Roos.

En septembre 2022, après avoir appris qu’Alameda devait quelque 13,7 milliards de dollars aux clients de FTX, l’accusé a notamment choisi de faire pour plusieurs centaines de millions de dollars d’investissements et de s’octroyer des prêts personnels.

Le procureur est aussi revenu sur une série de déclarations, mensongères selon l’accusation, faites par « SBF ».

Début novembre, alors que 8,1 milliards de dollars manquent à l’appel chez FTX et que la société est au bord de la faillite, il tweetera : « FTX va bien. Les actifs sont suffisants. »

Pour Nicolas Roos, « cela montre que ses intentions étaient criminelles ».

« Ce dossier ne prouve pas que Sam a agi dans un but criminel », lui a répliqué Mark Cohen.