(Québec et Montréal) Le Bureau de la concurrence du Canada doit enquêter sur le marché de l’essence dans la région de Québec, selon le ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon. Les prix y sont plus élevés que dans « presque toutes les autres régions du Québec ».

Dans un avis daté du 18 octobre, la Régie de l’énergie fait part de plusieurs constats au ministre. Les marges de détail estimées dans les stations d’essence de la Capitale-Nationale sont au-dessus de la moyenne du reste du Québec depuis 2021. Elles sont passées de 4,37 cents le litre en 2018 à près de 15 cents le litre en 2023.

Seules « trois régions présentaient des marges de détail estimées plus élevées, soit le Nord-du-Québec, la Côte-Nord et le Bas-Saint-Laurent ».

Cet avis sera envoyé au Bureau de la concurrence pour « l’aider dans cette enquête », a précisé M. Fitzgibbon, qui convoque exceptionnellement les patrons des cinq principaux détaillants d’essence de la région de la Capitale-Nationale – Couche-Tard, Pétroles Cadeko (filiale du Groupe F. Dufresne), Harnois Énergies, Costco Wholesale Canada et Sobeys. Il veut obtenir des explications.

Techniquement, Québec pourrait intervenir : le ministre a le pouvoir de fixer un prix plafond à la vente de l’essence. Mais M. Fitzgibbon ferme la porte à cette méthode. « Fixer un prix plafond, bien, techniquement, tout le monde s’en va au plafond, alors je n’irai pas jouer à tous les jours sur le prix, là, ce n’est pas le métier que je suis venu faire puis ce n’est pas au gouvernement non plus, je pense, à légiférer, mais le gouvernement, par contre, doit tenir compte de la population qui était fâchée », a-t-il dit.

La vraie question, c’est : est-ce que c’est trop de marge qui est prise par les détaillants ? Puis c’est une question qui est très difficile à répondre.

Pierre Fitzgibbon

Part de marché

M. Fitzgibbon montre du doigt le fait qu’il y a une concentration plus importante du marché de l’essence dans la région de la Capitale-Nationale. « La part de marché détenue par les cinq principaux intervenants de la vente au détail d’essence dans la Capitale-Nationale a gagné dix points de pourcentage depuis 2019, pour s’établir à 84 % des volumes de vente en 2022. Dans le reste du Québec, les cinq acteurs principaux comptent pour 70 % des volumes de vente », écrit son cabinet.

Mais encore une fois, il ne voit pas trop comment il peut intervenir. « Alors, bon, sur cinq essenceries, ils ont 85 %, c’est trop ? C’est ça, la question. Ce n’est pas au gouvernement de dire : on va avoir une sixième essencerie qui va arriver. Tu sais, on ne peut pas jouer dans cette platebande-là », a-t-il expliqué.

À l’avenir, M. Fitzgibbon souhaite également que la Régie de l’énergie, « qui publie chaque vendredi les marges des stations d’essence dans son Bulletin d’information sur les prix des produits pétroliers, facilite le repérage de ces informations pour tout le Québec ».

« Des explications s’imposent »

Dans un communiqué émis en fin de journée, CAA-Québec a de son côté salué l’intention du ministre Pierre Fitzgibbon de rencontrer les cinq principaux détaillants d’essence de la Capitale-Nationale, indiquant qu'il s'agit d'un premier pas dans la bonne direction.

Encore ce mercredi, « la marge au détail pour la région de Québec s’établissait à près de 18 cents le litre, soit le double de la marge prélevée à Montréal », déplore l’organisme.

« Il y a des incongruités à la pompe à Québec et des explications s’imposent. Les consommateurs veulent obtenir leur essence à juste prix, particulièrement en contexte d’inflation comme nous le vivons présentement », a martelé la vice-présidente, affaires publiques et responsabilité sociétale de CAA, Sophie Gagnon.

Son groupe, qui avait demandé au ministre Fitzgibbon d’obtenir un avis de la Régie de l’énergie dès le 18 août dernier sur le prix de l’essence, déplore toutefois le temps qu’a mis Québec pour agir. Selon le club automobile, cette situation perdure en effet depuis au moins plus de deux ans dans le secteur de la Capitale-Nationale, « portant préjudice aux citoyens et citoyennes de la région » en pleine crise du coût de la vie.