Un mardi sur deux, des experts en ressources humaines répondent à vos questions. Cette semaine, les conseils d’Alain Gosselin, professeur émérite à HEC Montréal.

Je travaille dans une entreprise depuis deux ans. Celle-ci se vante d’encourager le développement des talents. Or, la formation est toujours offerte aux gestionnaires. Jamais rien pour les employés ! Comment m’y prendre pour convaincre mon patron d’investir dans des formations pour mon développement ? – Julien

C’est regrettable que Julien ait à convaincre son employeur d’investir dans son développement et, par extension, dans celui de tout le personnel. Pourtant, les arguments ne manquent pas. En voici quatre qu’il pourrait transmettre à son patron ou à un responsable des ressources humaines.

• Le Conference Board du Canada, important organisme de recherche et d’intervention, a constaté que les employeurs ont dépensé, en 2021, en moyenne un peu plus de 1000 $ par employé par année alors qu’une somme de 1800 $ serait nécessaire pour faire face aux défis actuels. Cet argent est en fait un réel investissement puisque le développement du personnel est nettement associé à la productivité et à la rentabilité des organisations.

• Les études provenant de grands cabinets de consultants montrent les avantages pour les entreprises d’entreprendre un vaste chantier de mise à niveau des compétences de leur personnel. On estime qu’au moins 50 % de tous les employés bénéficieraient d’un rehaussement de leurs connaissances pour faire face à une obsolescence rapide dans le contexte actuel.

• Une main-d’œuvre plus qualifiée permet davantage de responsabilisation et d’autonomie au sein des équipes. Il est donc judicieux d’envisager que, demain, tous les membres d’une équipe puissent bénéficier, comme les gestionnaires, du développement de compétences interpersonnelles, cognitives et de leadership.

• Comme le démontre Julien par sa question, bénéficier d’occasions de développement correspond à une des plus importantes attentes chez les employés. Répondre à cette attente contribue à accroître leur satisfaction et leur engagement, et donc à les attirer et à les fidéliser.

Il n’y a pas que la formation qui compte

Comme Julien, beaucoup désirent bénéficier d’une formation structurée et formelle offerte par leur employeur. Or, selon les études, il est important de réaliser que de 60 à 90 % des apprentissages en organisation s’effectuent de manière informelle sur le terrain et dans l’action par des initiatives personnelles. Ce pourrait être de solliciter davantage de rétroaction pour cerner vos besoins en compétences et éclairer vos angles morts, apprendre par l’expérience en vous impliquant dans des projets qui vous sortent de votre zone de confort, se réserver du temps de réflexion pour tirer des leçons, apprendre en observant les meilleurs dans votre domaine ou poser davantage de questions auprès d’un mentor ou d’un collègue expert.

Bref, il est dans votre intérêt de ne pas miser seulement sur ce que votre employeur peut faire pour « vous former ». Vous pouvez également être proactif dans votre développement.

Quatre actions à considérer

Maintenez une posture d’apprenant. Par sa question, Julien laisse entrevoir qu’il a un atout précieux. Il désire apprendre et progresser dans l’organisation. Nourrir sa curiosité, croire dans sa capacité d’apprendre, rechercher les défis, réaliser que même une erreur peut être une expérience d’apprentissage et que le succès des autres peut aussi être une source d’inspiration sont autant de facteurs qui vous distinguent de l’importante cohorte d’individus qui se limitent à leurs acquis et réalisations passés en pensant avoir ce qu’il faut pour faire face à l’avenir.

Ciblez les compétences que vous souhaitez développer. Apprendre par soi-même exige une approche délibérée ou intentionnelle. Pour être efficace dans votre développement, il faut prendre du recul afin de cerner les forces que vous souhaitez consolider, les nouvelles compétences à acquérir et les points faibles à neutraliser. Ensuite, déterminez vos priorités et allez-y une compétence à la fois, mais investissez-vous réellement dans celle-ci.

Allez chercher du soutien. Se développer ne veut pas dire que vous êtes seul dans votre démarche. Il existe plusieurs options pour mobiliser un réseau collaboratif d’apprentissage composé de personnes qui partagent le désir de se développer et qui ont ciblé des besoins similaires ou complémentaires. Ce peut être par la création d’une communauté de pratiques, du codéveloppement, du parrainage ou du coaching par les pairs.

Cherchez à vous positionner comme un employé à haut potentiel. Il est normal pour un employeur de porter une attention particulière au développement des individus à haut potentiel qui vont assurer, à terme, la relève dans les postes clés ou stratégiques. Une façon de ne pas rester dans l’ombre est de faire connaître sa motivation à progresser, son intérêt à se développer, se porter volontaire pour faire partie de projets, prendre des initiatives, puis rendre visibles ses réalisations. Également, faites comme des milliers de personnes partout au Québec et profitez des droits de scolarité raisonnables pour vous inscrire à des formations courtes (microprogrammes, certificats, formations de qualité accessibles sur le web) afin d’obtenir une certification par des organismes reconnus qui vont attester de vos nouvelles compétences.

Enfin, faites la démonstration que votre organisation n’a pas besoin de rechercher le talent à l’externe puisque le bassin des employés contient de nombreux talents cachés qui ne demandent pas mieux que de se révéler au grand jour. Ne pas les développer, c’est courir le risque de les perdre.

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