Même la Chambre de commerce du Montréal métropolitain n’y croit plus

Les cols blancs ne retourneront pas à temps plein au bureau ni à l’automne ni après. Employés et employeurs sont actuellement à la recherche d’un point d’équilibre, quelque part entre deux et quatre jours au bureau par semaine.

Le Mouvement Desjardins est passé de une à deux journées de travail au bureau minimum par semaine depuis le 18 septembre. La mesure s’applique aux employés de la Fédération travaillant au complexe homonyme, au siège social de Lévis, aux bureaux sur le boulevard De Maisonneuve et à ceux de la tour du Stade olympique.

La Presse, qui, elle-même, a une politique de deux jours par semaine au bureau, s’est informée de l’évolution de la politique de télétravail auprès de grands employeurs du centre-ville de Montréal pour l’automne.

Chez McCarthy Tétrault, un cabinet d’avocats d’envergure, aucun changement à l’horizon. « Depuis avril dernier, nous travaillons en mode hybride à raison de trois jours par semaine. Il s’agit d’un minimum, et plusieurs de nos membres viennent plus fréquemment et reconnaissent la valeur de développer des relations professionnelles en personne », dit, par courriel, Karl Tabbakh, associé directeur pour la région du Québec.

Il souligne que McCarthy a profité de la pandémie pour rendre plus attrayants les lieux de travail aux yeux de ses collaborateurs.

Statu quo également au Canadien National : « La plupart des employés du siège social doivent être au bureau au moins trois jours par semaine. C’est la situation qui prévaut depuis la levée des restrictions », indique Mathieu Gaudreault, directeur, affaires publiques, pour le Québec et les communautés francophones. « Le CN estime que les interactions personnelles sont essentielles pour améliorer la collaboration, le développement professionnel et le travail d’équipe », ajoute-t-il.

Chez Hydro-Québec, un projet pilote sur le télétravail est en place pour le personnel dont les postes le permettent. Le projet autorise le télétravail trois jours par semaine. « Il est appliqué de façon très flexible », précise Louis-Olivier Batty, responsable des relations avec les médias, dans un entretien. Une réflexion sera entreprise au cours des prochaines semaines pour déterminer les suites au projet pilote.

Chez CGI, c’est encore plus souple. « Nous encourageons nos employés à revenir plus fréquemment au bureau, et notre modèle de travail hybride continue d’être en place. Pour ce qui est du nombre minimal de jours, nous nous donnons le temps de réfléchir sur le sujet », fait savoir Julie Moreau, vice-présidente, ressources humaines, Canada. Elle ajoute qu’une majorité de l’effectif agit à titre de consultants, et les employés s’adaptent en fonction des demandes des clients.

Résultat des courses : deux employeurs sont à trois jours, McCarthy et CN, HQ et Desjardins sont à deux jours, et CGI n’impose pas de minimum.

PHOTO FOURNIE PAR MANON POIRIER

Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA)

C’est toujours très difficile de revenir en arrière, surtout avec tous les avantages du télétravail et le contexte de pénurie de main-d’œuvre.

Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA)

« Les employeurs sont encore en train d’évaluer c’est quoi, le point milieu ou le point raisonnable entre demander aux employés d’être en présentiel une certaine partie du temps et permettre le télétravail, observe pour sa part Me Marianne Plamondon, avocate associée chez Langlois avocats. On sait que le télétravail est très populaire chez les employés. Ça peut être délicat pour l’employeur d’imposer ses vues parce qu’on est en pénurie de main-d’œuvre. Un employé mécontent risque de donner sa démission puisqu’il y a souvent plusieurs autres opportunités dans le marché. »

L’avocate a constaté que les employeurs ont adopté pour la plupart une politique de télétravail demandant une présence minimale au bureau. « En revanche, peu ou pas d’employeurs imposent de mesures en vue de la faire respecter », dit-elle. Elle ne suggère pas non plus à ses clients d’aller en ce sens.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Marianne Plamondon, MBA, CRHA, avocate associée chez Langlois avocats

« Il me paraît mieux indiqué de créer des évènements chaque semaine où les employés y verront une occasion de développement et de perfectionnement dans leur emploi que de dire : soyez là lundi sinon vous allez avoir à faire face à des mesures disciplinaires. »

Finis les cinq jours au bureau par semaine

Qu’en pense la Chambre de commerce du Montréal métropolitain ? L’organisation travaille d’arrache-pied depuis des mois pour faire revenir les employés dans les tours au nom de la productivité de ses membres, de l’intégration et de la rétention des nouveaux venus, du travail d’équipe, du développement de la culture organisationnelle, et aussi pour éviter une dévitalisation du centre-ville.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitian

J’ai l’impression que les cinq jours par semaine, c’est fini. La règle d’entreprise qui auparavant était : tout le monde est au bureau tout le temps, on ne prévoit pas que ça va revenir.

Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitian

Se faisant le porte-parole de ses membres, il voit le point d’équilibre se situer à terme entre trois et quatre jours par semaine.

Quant à eux, les employés préfèrent une ou deux journées par semaine, souligne Manon Poirier, du CRHA.

Une journée par semaine est le modèle qui, sur le plan de la mesure de l’impact et de la mobilisation, est l’idéal.

Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA)

Si les travailleurs reviennent à trois ou quatre jours au bureau par semaine, les magasins et les restos du centre-ville vont survivre, d’après les chiffres qu’a colligés la CCMM. En gros, les dépenses des travailleurs se concentreraient sur trois jours au lieu de cinq. « On ne risquerait pas une déstructuration du centre-ville », avance M. Leblanc. À moins de trois jours, rien n’est moins sûr.

Pour ce qui est des bureaux, la disponibilité restera élevée pendant un certain temps, ce qui abaissera les valeurs foncières et, par ricochet, les revenus de la ville-centre.

Selon la plus récente étude de marché de l’agence de courtage Colliers, le taux de disponibilité des bureaux atteint maintenant 16,5 % dans l’ensemble du marché montréalais au deuxième trimestre 2023, en hausse de 20 points centésimaux en un an. « En adoptant un modèle hybride entre le travail à la maison et le bureau, les locataires se rendent compte qu’ils peuvent réduire de façon significative leurs coûts totaux d’occupation et augmenter la qualité de leurs bureaux », y lit-on.

71 %

Proportion des entreprises qui prévoient exiger des jours au bureau cet automne, avec au moins une journée de présence identifiée. La moitié (51 %) des entreprises le font déjà.

6 %

Proportion des entreprises qui se disent prêtes à n’avoir aucune présence physique au bureau.

Source : CCMM

86 %

Portion des travailleurs qui vont au bureau au moins une fois par semaine (comparativement à 81 % en septembre 2022)

65 %

Portion des employés qui se disent prêts à venir au bureau de 2 à 3 jours par semaine

Source : CCMM