Les salaires des Québécois devraient augmenter en moyenne de 3,7 % en 2024 et même de 4,1 % dans certains secteurs, selon les prévisions des employeurs.

Peu importe la taille des entreprises ou leur chiffre d’affaires, toutes vont dans la même direction avec des hausses. Rares sont celles qui prévoient un gel des salaires.

Ces constats proviennent de l’enquête sur les Prévisions salariales 2024 de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec dévoilée jeudi, qui reflètent les attentes d’environ 850 entreprises au Québec et 2400 pour le Canada.

Cette hausse attendue s’explique par le contexte inflationniste et la pénurie de main-d’œuvre qui sévit depuis plusieurs années.

« C’est une des principales motivations des organisations de demeurer compétitives pour attirer les talents », a expliqué lors d’un point de presse Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec.

Bien qu’il y ait une légère baisse des postes vacants, le marché de l’emploi est solide, analyse-t-elle.

Anna Potvin, associée et cheffe de pratique en rémunération chez Normandin Beaudry, note d’ailleurs que le spectre d’une récession n’a pas d’effet sur ce qui se passe en entreprise. « Ce qu’on voit avec nos clients, c’est qu’il manque de personnel, qu’ils refusent des contrats parce qu’ils n’ont pas la capacité. »

Des hausses qui varient

Certains secteurs prévoient des hausses salariales plus marquées de 4,1 %. C’est le cas des services professionnels, scientifiques et techniques, de l’agriculture et du commerce de détail, qui, d’habitude, ne sort jamais du lot.

« C’est un secteur qui avait déjà de la difficulté à recruter [avant la pandémie], qui a été très touché pendant la pandémie et qui a voulu se relancer. Ils ont dû faire des ajustements plus substantiels », explique Manon Poirier, qui précise que l’augmentation du salaire minimum de 1 $ a mis une pression dans ce secteur d’activité.

Contrairement aux années passées, le secteur ultra compétitif des technologies de l’information prévoit une hausse moyenne de 3,7 % et l’administration publique ferme la liste avec 2,6 %.

Bon nombre d’employés syndiqués dans ce secteur ont des conventions collectives de trois à cinq ans négociées à un moment où les hausses salariales étaient moins importantes. Cependant, selon Gallagher, l’un des sept cabinets qui ont participé à l’enquête, les conventions collectives qui ont été signées plus récemment offrent des augmentations de salaire plus élevées que 2,6 % pour 2024.

Les entreprises qui ne peuvent pas se démarquer sur le plan des augmentations de salaire peuvent miser sur d’autres éléments populaires qui attirent les talents, indique Manon Poirier. La conciliation travail-vie personnelle, l’amélioration des horaires de travail, la flexibilité, le nombre de jours de vacances, les pratiques de gestion qui créent une ambiance saine, la culture, les collègues.

« Toutes les bonnes pratiques de ressources humaines qui soutiennent un milieu de travail sain, agréable et inclusif, on a de bonnes pratiques de gestion, on reconnaît notre monde, ça peut souvent compenser l’augmentation de salaire », affirme-t-elle.

Rétention d’employés

D’ailleurs, les entreprises qui mènent des entrevues au sujet de la fidélisation des employés – seulement 20 % pour l’instant – indiquent que c’est la culture organisationnelle et les collègues qui les incitent à rester.

« Ça fait réfléchir les organisations. On sait qu’on peut attirer, oui, avec des salaires, des avantages sociaux compétitifs, mais on ne retient pas nécessairement avec ça », analyse Guylaine Béliveau, cheffe de pratique nationale, rémunération services-conseils chez Telus Santé, qui a participé à l’enquête sur le terrain.

De son côté, Marc Chartrand, conseiller principal à la rémunération globale chez Gallagher, qui a aussi pris part à l’enquête, note un réel intérêt des entreprises pour l’équité, la diversité, l’inclusion, la gouvernance et l’environnement. Il précise que 31 % des participants ont mentionné aller au-delà des exigences de la Loi sur l’équité salariale québécoise ou ontarienne.

« On en entend beaucoup parler puis, des fois, tu dis, est-ce que c’est l’air du temps ou il y a effectivement des gestes concrets ? », dit M. Chartrand.

Les prévisions de l’Ordre arrivent aux mêmes conclusions que celles de l’Enquête sur les augmentations salariales de Normandin Beaudry auprès de 700 organisations réparties dans tout le Canada, publiée début septembre, qui prévoit aussi une hausse de 3,7 %.

Les Prévisions salariales 2024 ont été élaborées à partir des enquêtes de CGC-Talent, Gallagher, Mercer, Normandin Beaudry, Saucier Conseil, Telus Santé et WTW.