Durant la pandémie, nombreux sont les Québécois qui ont fait un retour en nature, puisque c’était l’une des seules façons de voyager, voire de sortir de la maison. Au grand bonheur des détaillants de plein air. Maintenant que tout le monde est équipé en tente et en vélo, comment se porte ce marché ?

« Ça va pas pire, lance Adam Ketcheson, directeur commercial de MEC. Mais c’est sûr que le marché est beaucoup plus difficile que durant la pandémie. »

« Durant la pandémie, tout le monde achetait des bateaux, des bicyclettes, les produits de randonnée durables », rappelle-t-il.

Lire ici : le budget voyage inutilisé passait en partie sur des achats d’équipements plus gros, plus chers et qui durent plusieurs saisons.

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Durant la pandémie, le budget voyage inutilisé passait en partie sur des achats d’équipement, comme les vélos.

Maintenant, les achats de vélos et de bateaux sont au beau fixe. La preuve, dit-il, étant que dans tous les magasins, les vélos sont soldés.

Chez SAIL, on confirme.

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Norman Décarie, président et chef de la direction de SAIL

On offre plus de rabais qu’auparavant. On n’a pas le choix, les clients cherchent les rabais.

Norman Décarie, président et chef de la direction de SAIL

La chaîne canadienne, née au Québec il y a plus de 40 ans, met donc beaucoup d’efforts sur les produits complémentaires. « Le client a peut-être acheté sa canne à pêche, mais il a toujours besoin d’accessoires, de leurres pour compléter ça », poursuit M. Décarie.

L’idée est d’avoir une large gamme de produits, dit-il, pour celui ou celle qui commence la pêche ou qui a un coffre déjà bien garni : « On doit servir le débutant et le spécialiste. »

La stratégie de SAIL passe aussi par des offres ciblées, à sa clientèle fidèle.

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Les ventes d’équipements de plein air, comme les kayaks, ont bondi durant la pandémie, mais sont maintenant au beau fixe.

Plus de souplesse

Les détaillants de plein air savaient tous très bien que le marché pandémique était circonstanciel. Mais les changements de cap rapides des consommateurs demandent néanmoins une grande agilité, disent-ils.

« On s’adapte et ça demande beaucoup de flexibilité des équipes », confirme Maxime Dubois, coprésident d’Altitude Sports.

Depuis un peu plus de trois ans, les détaillants de plein air observent ce qui se passe dans nos vies.

« C’était fascinant, parce que nous pouvions voir le comportement des consommateurs par leurs achats », confie Charlie Brunder, vice-président international et ventes de L.L. Bean, joint le mois dernier au moment de l’annonce de l’arrivée de la chaîne sur le sol québécois.

M. Brunder relatait alors que les ventes de pyjamas et de pantoufles ont bondi au début du printemps 2020, suivies par celles des produits pour l’extérieur en mai et juin 2020. Puis, l’équipement de plein air : kayaks, tentes… Et finalement, l’ameublement de jardin.

Maintenant, le marché suit une certaine stabilisation postpandémique.

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Maxime Dubois, coprésident d’Altitude Sports

Chez Altitude Sports, trois catégories de produits sont en forte croissance présentement, explique Maxime Dubois : les sacs de voyage, parce que les gens ont recommencé à voyager, le camping, pour ceux et celles qui y ont pris goût, et les chaussures – souliers de course et sandales.

Selon Maxime Dubois, ce déplacement confirme que le plein air est devenu un mode de vie pour une partie de la population. « Les gens continuent d’être conscients de leur santé, dit-il. Ils continuent de vouloir profiter de la nature. Des habitudes se sont mises en place. »

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La SEPAQ a connu des années d’achalandage records durant la pandémie.

De bonnes habitudes qui restent

Cette tendance se voit aussi à la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ).

« Les deux années de pandémie, on a fracassé des records d’achalandage dans un contexte très particulier où les gens n’avaient pas beaucoup d’autres options que de fréquenter les établissements de plein air », dit Simon Boivin, porte-parole de la SEPAQ.

Chez MEC, on note une augmentation de 30 % cette année dans les ventes de nourriture de camping.

« Les gens ont apprécié ce qu’ils ont vécu et il en reste quelque chose, dit Simon Boivin. On va voir si ça se maintient à long terme, mais à l’heure actuelle, l’impression qu’on a est que ceux qui sont venus durant la pandémie sont de retour. »

La pandémie a eu ça de bon : les gens ont soit augmenté leur fréquence de pratique d’activités en plein air ou se sont mis à en faire. Quand on connaît les impacts sur la santé des gens, ce contact avec la nature peut juste être une bonne nouvelle.

Simon Boivin, porte-parole de la SEPAQ

Dans les pourvoiries, on a aussi vu arriver cette nouvelle clientèle, confirme Josiane Lavallée, responsable communications et marketing de la Fédération des pourvoiries du Québec. La pêche au saumon, dit-elle, a connu une forte recrudescence et ça se maintient.

Selon elle, les nouveaux adeptes sont là pour de bon. Ils ont adoré et incluent désormais un week-end de chasse ou de pêche dans leur routine de vacances.

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La pêche au saumon a connu une forte recrudescence depuis la pandémie et ça se maintient.

« Les gens ont besoin de ce retour à la nature », dit Josiane Lavallée, qui précise que la saison 2023 aurait été aussi exceptionnelle si les incendies de forêt n’étaient pas venus brouiller les plans de nombreux Québécois.

Une autre donnée vient jouer les trouble-fête : l’inflation.

« C’est sûr que nos clients ont moins de sous dans leurs poches qu’avant, confie Adam Ketcheson, de MEC. On le voit chaque jour. » Selon lui, l’inflation se fait grandement sentir dans les magasins de plein air partout au Canada et même aux États-Unis.

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L’inflation se fait grandement sentir dans les magasins de plein air partout au Canada et même aux États-Unis, explique Adam Ketcheson, directeur commercial de MEC.

L’affluence dans les magasins est plus grande. Mais les gens achètent moins et cherchent les aubaines.

Adam Ketcheson, directeur commercial de MEC

Pour cette même raison, les consommateurs sont moins fidèles à leur détaillant. « Je suis certain que mes clients magasinent à La Cordée, admet Adam Ketcheson. Et probablement chez Sports Experts et chez Atmosphère et SAIL. »

Il n’est pas le seul à penser ainsi. « Le client est peut-être un peu moins fidèle, confirme Norman Décarie, de SAIL. On doit alors s’assurer de lui faire des offres pour éviter qu’il aille ailleurs. »

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La pêche, comme le camping, sont des activités abordables en cette période d’inflation.

Par contre, le président de SAIL voit aussi l’inflation comme un élément qui peut être positif pour le marché du plein air : généralement, faire du camping ou aller pêcher coûte moins cher qu’un voyage à l’étranger.

« Ce sont des activités refuges en cette période d’inflation », dit-il.

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La pandémie et l’inflation ont transformé le comportement des clients de plein air.

Choisir ses produits

Comme pour l’ensemble des achats, la pandémie et l’inflation ont transformé le comportement des clients de plein air. Chez Altitude Sports, on mise sur la philosophie « acheter moins, mais acheter mieux ».

« Notre but est que les gens puissent utiliser nos produits pendant quelques décennies et non quelques années », précise Maxime Dubois.

Le positionnement de ce détaillant québécois passe beaucoup par les valeurs écologiques qui font vibrer les adeptes de plein air. Altitude Sports compte jouer fort cette carte. Notamment avec une livraison en mode électrique pour Montréal.

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Avec la pandémie, les gens ont réalisé qu’ils avaient besoin de ce retour à la nature. Maintenant, le plein air est devenu un mode de vie pour une partie de la population.

« La clientèle, à prix égal, va avoir tendance à plus acheter s’il y a une option de livraison écologique », dit Maxime Dubois. Altitude Sports est un détaillant virtuel uniquement. Bien que ça ne soit pas exclu, un retour avec des magasins ayant pignon sur rue n’est pas dans les plans de l’entreprise québécoise pour le moment.

En savoir plus
  • 10 millions
    En 2021-2022, la SEPAQ a enregistré un record de fréquentation dans ses parcs nationaux québécois, avec 10,1 millions de visites. Depuis, l’affluence est redescendue à 7,9 millions (de jours-visites, et non de visiteurs) pour 2022-2023, mais c’est au-delà du niveau prépandémique de 5,7 millions pour 2019-2020.
    source : SEPAQ