Ce qui avait commencé comme un simple projet pour occuper le temps durant la pandémie de COVID-19 s’est transformé en une entreprise médiatique plusieurs fois millionnaire.

La franchise de baladoémissions sportives La poche bleue des hockeyeurs Guillaume Latendresse et Maxim Lapierre est cédée à la plateforme de contenu sportif Playmaker Capital de Toronto en échange d’une contrepartie évaluée à 8,8 millions, dont 2,25 millions en espèces payables immédiatement à la clôture de la transaction.

« Ç’a fait écarquiller les yeux à beaucoup de monde », a commenté Philip Merrigan, professeur au département des sciences économiques de l’UQAM.

« Le hockey attire énormément l’attention des gens, des jeunes, dit-il en guise d’explication pour comprendre le prix de vente.

On sait que le groupe des 25 à 50 ans est extrêmement intéressant pour les annonceurs, et les jeunes générations n’écoutent plus la télévision comme les précédentes.

Philip Merrigan, professeur au département des sciences économiques de l’UQAM

« On est très surpris, reconnaît d’emblée Maxim Lapierre, dans un entretien. Guillaume et moi avions lancé ce projet pour nous amuser. De là à dire que ça allait devenir une entreprise à vendre, ça n’a jamais été notre intention jusqu’à ce qu’on commence à recevoir des appels. On en a eu quelques-uns dans les deux dernières années. Puis, finalement, on a décidé de passer à l’action parce qu’on se disait que pour grossir puis continuer d’évoluer dans la bonne direction, ça prenait un coup de main. »

« J’ai toujours pensé qu’un projet comme La poche bleue pouvait exister dans le marché du Québec, confie pour sa part Guillaume Latendresse. Il faut remercier le public qui a embarqué dans nos folleries, dans notre humour, dans notre authenticité et notre naïveté aussi. Ça part de la connexion qu’on a eue avec le public et des partenaires qui ont décidé d’embarquer puis d’appuyer notre projet. »

La poche bleue va conserver son autonomie de gestion, assure son directeur général, Louis-Philippe Dorais. Lui-même et les deux fondateurs restent en poste.

La franchise regroupe huit balados sportives, certaines en anglais, et touche des redevances sur des produits de consommation.

En s’intégrant à Playmaker, La poche bleue gagne l’accès à une infrastructure technologique de diffusion et une vitrine sur le Canada anglais pour ses produits dérivés de consommation comme une bière, un gin, du fromage, une sauce BBQ et bientôt des saucisses, souligne M. Dorais. « Ce sont des partenariats qui peuvent prendre de l’expansion et sortir du Québec. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

La 84, une des bières commercialisées par La poche bleue

Ses balados sont diffusées sur des plateformes comme YouTube, Facebook, Spotify et iTunes. Celle qui est à l’origine du projet, La poche bleue, animée par MM. Latendresse et Lapierre, est aussi diffusée sous licence à la radio de Cogeco Média. Elle porte principalement sur le hockey et est suivie par 31 000 abonnés sur YouTube. Depuis ses débuts en 2020, la balado a généré plus de cinq millions de vues d’une durée moyenne de plus de 30 minutes, soutient l’acquéreur dans le communiqué annonçant la transaction.

Qui est l’acquéreur ?

Playmaker est cotée à la Bourse de croissance du TSX. Consolidatrice, la société grossit par acquisitions. Playmaker a réalisé des revenus de 53 millions US au cours des quatre derniers trimestres sur une base pro forma et un bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement de près de 19 millions US, en forte croissance depuis deux trimestres.

Son modèle d’affaires consiste à monétiser du contenu sportif numérique par l’entremise d’annonceurs traditionnels et de partenariats avec des entreprises de paris sportifs et de jeux d’argent en ligne. Playmaker est présente dans l’Ouest canadien par le truchement de The Nation Network, et aux États-Unis.

Selon Louis-Philippe Dorais, Playmaker a approché les associés de La poche bleue à la fin de 2022. Elle cherchait à acquérir une plateforme pour s’implanter dans la province. Les discussions se sont poursuivies jusqu’à la conclusion d’une entente.

Dans le détail, Playmaker verse une contrepartie évaluée aujourd’hui à 8,8 millions : 2,25 millions en espèces, 1,67 million d’actions de Playmaker d’une valeur actuelle de 1,25 million, et 5 millions supplémentaires qui seront versés au cours des deux prochaines années en fonction de l’atteinte de certains rendements financiers.

« Ça frappe l’imaginaire. C’est quand même un montant substantiel, mais qui a du sens pour Playmaker parce qu’il s’associe à deux grandes figures très aimées des amateurs de sport », estime Paul-André Côté, associé chez @Celsius, agence spécialisée en activation de marques.

Le spécialiste des commandites trouve intéressante la compensation sous forme d’actions.

Plus les gars vont continuer à faire croître la franchise, plus ils seront rétribués à travers leurs actions.

Paul-André Côté, associé chez @Celsius, agence spécialisée en activation de marques

Questionné sur le prix de vente, M. Dorais le justifie par les revenus générés et leur potentiel de croissance. « Le balado est présenté par Ford. Parfois on est dans la Zone Molson Ex. On a des intégrations de commandites un peu partout dans le podcast. On a de la publicité sur notre site web aussi. Ce sont toutes des façons de commercialiser notre produit. »

Une commandite en titre d’une balado sportive québécoise populaire peut représenter entre 50 000 et 100 000 $ par année, avance M. Côté, qui représente commercialement la franchise Femme d’hockey, balado d’Isabelle Éthier. « Selon la structure monétaire des pubs qu’il est possible d’intégrer à l’intérieur du balado, les revenus totaux peuvent flirter avec les 175 000 à 200 000 $ dans le meilleur des cas. »

Cette transaction peut-elle servir de comparable aux producteurs de balados à succès comme Mike Ward, a-t-on demandé à l’expert. « Il doit saliver. Si l’écosystème de Guillaume et Maxim peut valoir 8 millions, Mike Ward avec le volet des droits de son catalogue qu’il pourrait céder peut susciter de l’intérêt. »

Appelés à commenter la transaction, Mike Ward et son agent Michel Grenier ont décliné l’invitation. « Je suis content pour les gars de La poche bleue », s’est contenté de dire M. Grenier.

La poche bleue en bref

Création : 10 avril 2020

Propriétaires : Guillaume Latendresse et Maxim Lapierre

Siège social : Sainte-Julie

Collaborateurs : environ 25 pigistes

Principaux produits : huit balados, un site web officiel et des redevances sur des produits dérivés