La patience est de mise si l’on s’envole vers l’Afrique, le Moyen-Orient et certaines destinations en Europe depuis Montréal-Trudeau, puisque le décollage accuse souvent plus d’une heure de retard. Ces délais concernent des compagnies ayant changé de sous-traitants sur la piste. Aéroports de Montréal (ADM) réitère sa « satisfaction » par rapport à cette transition, mais le son de cloche est différent chez les syndicats.

Ce qu’il faut savoir

Deux nouveaux sous-traitants de services sur la piste, Menzies et Samsic, ont fait leur arrivée à Montréal-Trudeau.

Un groupe de compagnies aériennes était mécontent des changements.

La transition entre les anciens et les nouveaux sous-traitants semble se traduire par des retards, selon des données compilées par La Presse.

Traitement des bagages, service de rampe, remorquage d’aéronefs… Ces tâches sont essentielles au bon fonctionnement d’un aéroport. Depuis avril dernier, un changement s’est amorcé chez les sous-traitants : Menzies Aviation et Samsic Assistance ont remplacé Swissport et ATS, dont les licences n’ont pas été renouvelées.

Cela a provoqué d’importants changements ainsi que de la grogne chez les transporteurs contraints de s’adapter. À l’aube de la saison estivale, des compagnies comme Qatar Airways, Turkish Airlines, Royal Air Maroc, Air Algérie, Royal Jordanian et Tunisair ont dû se tourner vers les sous-traitants Menzies et Samsic, qui, pendant ce temps, tentaient de recruter du personnel.

Vraisemblablement, ces deux entreprises ont encore du pain sur la planche.

« On observe que c’est très complexe, souligne Marc-André Gauthier, directeur des communications chez Teamsters Canada, qui représente quelque 200 salariés chez Menzies. Il faut former le personnel et obtenir des accréditations de sécurité, ce qui prend du temps. »

À l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA), qui représente les travailleurs de Samsic, on fait le même constat, souligne le coordonnateur québécois de l’organisation, Michel Richer.

En compilant les données des plateformes de traçage de vols du trafic aérien – comme Flightradar24 –, force est de constater que les retards persistent. Depuis la mi-juin, le vol quotidien de Qatar n’a jamais décollé à l’heure prévue. Cette tendance s’observe dans le reste du groupe et s’est poursuivie jusqu’à tout récemment. Entre le 25 juin et le 21 juillet, Royal Air Maroc a même vu son avion être retardé de plus de deux heures à de nombreuses reprises.

Silence radio

Il n’a pas été possible d’obtenir des commentaires de la part des transporteurs aériens concernés à propos de la qualité du service offert par Samsic et Menzies.

Chose certaine, ce groupe de transporteurs n’avait pas caché son mécontentement après avoir appris que Swissport et ATS allaient devoir céder leur place à deux nouveaux acteurs. L’hiver dernier, ces compagnies avaient envoyé une lettre – que La Presse avait obtenue – au président-directeur général sortant d’ADM, Philippe Rainville, pour se plaindre des changements. Elles estimaient ne pas avoir été consultées dans le processus. À leur avis, il s’agissait d’une « injustice » qui allait avoir un « impact négatif » sur leurs activités.

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Ce ne sont pas tous les transporteurs qui font appel à des sous-traitants. Plus importante compagnie aérienne implantée à Montréal-Trudeau, Air Canada, par exemple, effectue elle-même ce type de travail. Transat A.T. rapatrie aussi du travail à l’interne. Progressivement, des contrats en vigueur avec TSAS – un sous-traitant qui a été capable de conserver sa licence – ne sont pas renouvelés.

À plus d’une reprise, La Presse a également envoyé des questions à Samsic et à Menzies à propos des retards et pour avoir une idée de leur effectif à Montréal-Trudeau. Elles n’ont pas répondu. Cependant, en consultant les sites d’offres d’emplois, on constate qu’il y a toujours des besoins.

Ces deux sous-traitants ne sont pas seulement à la recherche de salariés, mais également de cadres pour superviser les activités. Sur son site web, Menzies tente par exemple de dénicher des responsables de la santé et sécurité et des gestionnaires de coordination d’activités.

Menzies s’était retrouvée sous les projecteurs en mars dernier après s’être fait montrer la porte à l’aéroport international d’Ottawa, qui lui reprochait des problèmes « insoutenables » dans le cadre du service offert à Flair Airlines et Sunwing.

« Satisfaction et confiance »

Invité à prendre connaissance des données compilées par La Presse, ADM défend Samsic et Menzies. L’organisme à but non lucratif affirme qu’une panoplie de facteurs comme la « disponibilité de l’équipage » et les « conditions météorologiques » peuvent avoir une incidence sur la ponctualité. Depuis la mi-juin, les activités à Montréal-Trudeau ont été « mises à l’arrêt à 15 reprises pour cause d’alerte à la foudre pour des durées allant de quelques minutes à plus de deux heures », affirme son porte-parole, Eric Forest.

« Ce genre de situation occasionne bien évidemment un chamboulement des opérations au sol et, donc, des horaires de vol, dit-il. ADM considère que la période de transition qui s’est entamée il y a deux mois se déroule relativement bien. Nous tenons à réitérer notre satisfaction et notre confiance quant à la transition en cours. »

Celui-ci affirme que le rôle du gestionnaire de l’aéroport est de « s’assurer du respect des conditions » des licences accordées au sous-traitant, sans donner une idée des indicateurs en question. M. Forest évoque des raisons de confidentialité.

La valse des sous-traitants à Montréal-Trudeau soulève également une situation dénoncée par les syndicats lorsqu’un sous-traitant perd son contrat. Ses travailleurs perdent leur emploi et doivent ensuite postuler chez le nouveau sous-traitant qui a obtenu le contrat, pour effectuer les mêmes tâches, au même endroit, mais avec des conditions moins avantageuses.

Ce système est appelé le roulement de contrat, ou « contract flipping » en anglais.

« Il faut que ça cesse parce que c’est rendu des portes tournantes chez les sous-traitants, déplore M. Richer. On n’a pas de stabilité. Les gens arrivent et partent rapidement. »

Chez Teamsters Canada, on abonde dans le même sens. Le syndicat dit avoir remarqué que d’ex-employés de Swissport et d’ATS ont décidé de se trouver du travail dans un autre domaine plutôt que d’aller cogner à la porte des nouveaux sous-traitants.

En savoir plus
  • 5 septembre
    Date à laquelle le nouveau président-directeur général d’ADM, Yves Beauchamp, entrera en poste.
    source : aéroports de montréal
    7 février
    Moment où ADM a annoncé, à l’interne, les changements à venir concernant la sous-traitance côté piste.
    source : la presse