À quelques mois de la pointe estivale, il y a de la bisbille à l’aéroport Montréal-Trudeau, où l’incertitude guette plusieurs centaines d’employés de piste. Aéroports de Montréal (ADM) est critiquée par des compagnies aériennes, des syndicats et des entreprises de sous-traitance pour sa gestion du dossier. On craint une transition chaotique pour les voyageurs.

Le différend concerne un appel de propositions pour des services de sous-traitance – traitement des bagages, agents de rampe et remorquage des aéronefs. Il s’agit d’éléments essentiels à la fluidité du trafic aéroportuaire. Deux nouveaux acteurs, Menzies Aviation et Samsic Assistance, ont décroché des licences, tandis que deux autres entreprises bien établies, Swissport et ATS, ont été écartées. TSAS reste dans le portrait.

Six compagnies aériennes – parmi lesquelles on retrouve notamment Qatar Airways, Turkish Airlines – qui entretenaient des liens d’affaires avec Swissport Canada, digèrent mal le changement. Elles ont exprimé le fond de leur pensée au président-directeur général d’ADM Philippe Rainville, dans une lettre rédigée mercredi que La Presse a pu consulter.

Le processus a débuté il y a plusieurs années et certains d’entre nous n’étaient pas à Montréal. Au moment de la relance, nous n’avons pas été consultées et incluses. Nous estimons qu’il s’agit d’une injustice et que cela aura un impact négatif sur nos activités.

Extrait de la lettre des compagnies aériennes

Ces compagnies – et plusieurs autres – devront s’entendre avec un nouveau sous-traitant. Elles s’inquiètent des défis de recrutement qui attendent Menzies et Samsic. Cela pourrait « se traduire par des enjeux de sécurité », plaident-elles.

Établie en France, Samsic est responsable des services aux passagers à mobilité réduite à Montréal-Trudeau, selon son site web. Menzies se spécialise dans le cargo. Implantée à Montréal-Trudeau depuis plus de trois décennies, Swissport Canada est ébranlée. Dans « la note de service la plus difficile » qu’il a eu à rédiger, le président et chef de la direction, Charles Roberge, souligne que des licenciements (environ 195) seront inévitables.

« Pour des raisons qui demeurent nébuleuses, ADM n’a pas retenu Swissport, écrit-il, dans la missive obtenue par La Presse. Nous savons toutefois que deux des trois entreprises choisies n’ont jamais fait affaire à [Montréal-Trudeau] ni au Québec. »

Au téléphone, M. Roberge n’a pas voulu commenter l’affaire. Swissport continuera à œuvrer dans les créneaux du ravitaillement, du cargo et des salons aéroportuaires.

Changement rapide

Selon une lettre envoyée par ADM et datée du 7 février dernier, les changements seront en vigueur le 1er avril. Rédigé par le vice-président, exploitation et développement aérien Stéphane Lapierre, le message prévient qu’il faut anticiper une « période de transition » dans l’offre de service.

Le gestionnaire et exploitant de Montréal-Trudeau dit que les paramètres de l’appel de propositions avaient été déterminés par un « comité indépendant de représentants de l’industrie », qui a également évalué les offres. Les aspects de sécurité, de performance opérationnelle ainsi que les enjeux financiers ont été évalués. Mercredi, ADM n’avait pas précisé l’identité des membres du comité.

Dans un courriel, Eric Forest, porte-parole de l’organisme sans but lucratif, affirme que l’appel de propositions avait été mis en place en 2019 et avait été relancé en août dernier après l’interruption pandémique. Il affirme qu’ADM « n’a pas été impliquée dans le choix », qui émane du « comité indépendant accompagné par l’Association du transport aérien international (IATA) ».

« ADM collaborera activement avec les transporteurs et les manutentionnaires afin d’assurer une transition efficace et harmonieuse, notamment par l’organisation de rencontres hebdomadaires », a indiqué M. Forest, sans offrir plus de détails.

Les transporteurs font souvent affaire avec des sous-traitants, qui sont généralement représentés par des syndicats comme l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA) ainsi qu’Unifor, qui ont vivement dénoncé les changements à venir. Jusqu’à 600 personnes pourraient être touchées, plaident-ils.

Exode attendu ?

Des licenciements sont attendus chez Swissport et ATS. Rien ne garantit que ces personnes puissent conserver les mêmes salaires et autres conditions – reconnaissance d’ancienneté et avantages – si elles vont travailler chez Menzies Aviation ou Samsic Assistance, affirme le coordonnateur québécois de l’AIMTA, Michel Richer.

« Nous avons des membres qui travaillent depuis 20 ans chez Swissport, dit-il. Voudront-ils changer d’employeur et faire le même travail en perdant des avantages comme l’ancienneté ? Est-ce que Menzies et Samsic vont trouver du personnel à temps ? »

ATS, qui s’attend à remercier quelque 300 employés, anticipe la même chose. Sa porte-parole, Sarah Andrews, souligne aussi que le changement est rapide pour les compagnies aériennes.

« Elles n’ont pas beaucoup de temps pour s’adapter, explique-t-elle. Leurs options sont limitées. Normalement, les transitions après un appel de propositions sont beaucoup plus longues.

L’expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill John Gradek s’interroge aussi sur le moment de la transition. À son avis, on aurait pu attendre à l’automne, puisque l’été s’annonce particulièrement occupé dans l’industrie aérienne.

En savoir plus
  • 28 octobre
    Date à laquelle pourrait être prolongée, au besoin, la licence des sous-traitants écartés
    source : aéroports de montréal