La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), SNC-Lavalin, WSP Global, CIMA+ : la conception et l’exploitation du train à grande fréquence (TGF) qui doit relier Québec à Toronto passeront par Montréal, à la lumière de l’identité des entreprises qui composent les consortiums qui lorgnent ce projet multimilliardaire.

Ce qu’il faut savoir :

  • Ottawa espère une mise en service du TGF, entre Québec et Toronto, dans une décennie.
  • Trois consortiums sont finalistes pour la conception et l’exploitation.
  • On devrait connaître le gagnant dans un an.

Sur les 19 noms que l’on retrouve parmi les 3 groupes retenus par Ottawa, au moins 10 entreprises ou institutions sont établies dans la métropole ou y exploitent une antenne. Le consortium dans lequel on retrouve le bas de laine des Québécois est particulièrement implanté au Québec. En plus de SNC-Lavalin, l’équipe est complétée par les antennes canadiennes de Systra et de Keolis, dont les bureaux se trouvent en territoire québécois.

« Avec la manière dont les consortiums sont structurés, on assure vraiment le rôle principal de Montréal comme capitale ferroviaire canadienne, affirme l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau, en soulignant que la métropole abrite également le siège social de VIA Rail. J’avais une crainte que l’on perde cette expertise. »

Le TGF, qui circulera sur des voies ferroviaires réservées aux trains de passagers pouvant circuler jusqu’à 200 km/h, a franchi un nouveau jalon, jeudi. En conférence de presse, jeudi, les ministres fédéraux Omar Alghabra (Transports) et Pablo Rodriguez (Patrimoine canadien) ont dévoilé l’identité des consortiums qui auront le droit de soumissionner.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, en conférence de presse avec son collègue du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez (à droite), et des membres du conseil d’administration de VIA TGF (à gauche).

« L’économie québécoise est largement majoritaire à l’intérieur des consortiums », affirme M. Barrieau.

C’est le cas pour les firmes de génie-conseil. Deux des trois exploitants potentiels (Keolis et RATP Dev Canada) sont au Québec. Il n’y a que la Deutsche Bahn avec une présence à Toronto. On sort gagnants.

Pierre Barrieau, expert en planification des transports

À écouter MM. Alghabra et Rodriguez, les contrats pour le TGF ne contiendront pas d’exigences minimales de contenu canadien. Les deux ministres se sont limités à souligner que l’on retrouvait des entreprises canadiennes dans les trois groupes finalistes. Le ministre du Patrimoine canadien a ajouté que le contenu local était une « priorité absolue », mais que cela sera négocié avec le consortium gagnant.

Cela signifie que le matériel roulant pourrait être assemblé à l’extérieur du pays, comme cela est le cas pour les voitures du Réseau express métropolitain (REM), assemblées par Alstom en Inde.

Secret de Polichinelle

La présence de CDPQ Infra, filiale du bas de laine des Québécois, dans les consortiums n’est pas une surprise en soi. Le gestionnaire de régimes de retraite avait publiquement manifesté son intérêt à l’endroit du projet de TGF l’hiver dernier.

Au Québec, la Caisse s’affaire toujours à achever le REM, dont la mise en service de l’antenne Rive-Sud est prévue le 31 juillet. Dans ce projet d’au moins 7 milliards, l’institution québécoise est propriétaire du réseau, en plus d’en être le maître d’œuvre et d’avoir participé au montage financier. Reste à voir quel sera son rôle dans le cadre de la proposition qui sera préparée pour le TGF.

« On voit que les gros noms québécois sont présents, et je trouve cela intéressant et réconfortant », dit Michel Archambault, professeur émérite au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

On parle d’un projet historique qui risque de bouleverser la façon de voyager sur de plus longues distances au Canada.

Michel Archambault, professeur émérite au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM

Questions persistantes

Alors qu’un nouveau chapitre du TGF s’écrit, les mêmes questions persistent. On ignore toujours combien le projet coûtera. La fourchette de 6 à 12 milliards préalablement offerte par M. Alghabra ne tient plus et ce dernier ne veut plus s’adonner au jeu des prévisions.

En conférence de presse, M. Rodriguez a estimé que le projet était de « quatre à cinq fois plus grand » que le REM, qui coûtera au bas mot 7 milliards. Faut-il conclure que cela signifie que la facture d’un TGF oscillerait aux alentours de 30 milliards ? Interrogés, les deux ministres ont rapidement pris leurs distances avec cette hypothèse.

« Bien que nous ayons une idée du coût total, je ne voudrais pas offrir une donnée erronée que je devrais rectifier par la suite », a dit M. Alghabra.

Au cours des derniers mois, des voix se sont élevées, notamment au Québec, pour demander au gouvernement Trudeau de considérer un train à grande vitesse (TGV), qui peut rouler jusqu’à 300 km/h, plutôt que le projet actuel. Cette demande est trop dispendieuse, rétorque-t-il. Il faudrait, par exemple, construire de nombreux viaducs et tunnels pour éviter les passages à niveau, souligne Ottawa.

Le discours s’est toutefois adouci.

M. Alghabra a ouvert la porte à de la grande vitesse – plus de 200 km/h – sur certains tronçons du tracé. Des indicateurs préalablement diffusés, comme la vitesse de pointe de 200 km/h et un temps de trajet d’environ 4 h 10 entre Montréal et Toronto, sont désormais des points de départ.

Les consortiums seront invités à présenter un scénario de « référence » et une option plus « ambitieuse » – dans laquelle il sera possible d’identifier des tronçons où la vitesse des trains sera supérieure à 200 km/h.

« Je ne sais pas s’il [le ministre] est réellement ouvert ou s’il dit seulement cela pour que le débat ait lieu », affirme M. Barrieau.

Ottawa a par ailleurs donné un coup de frein sur l’échéancier du TGF. En réponse à une question, M. Alghabra a déclaré qu’il anticipait une mise en service au milieu de la prochaine décennie. L’hiver dernier, le ministre évoquait plutôt le début des années 2030.

Les trois consortiums

Cadence : CDPQ, SNC-Lavalin, Systra Canada, Keolis Canada

Développeurs ferroviaires interurbains : Intercity Development Partners, EllisDon Capital, Kilmer Transportation, First Rail Holdings, Jacobs, Hatch, CIMA+, First Group, RATP Dev Canada, Renfe Operadora

Partenaires ferroviaires QConnexiON : Fengate, John Laing, Bechtel, WSP Canada, Deutsche Bahn

En savoir plus
  • Été 2024
    Période où s’échelonnera l’évaluation des propositions déposées par les trois consortiums qui lorgnent le TGF.
    SOURCE : gouvernement du Canada
    120 km/h
    Limite à laquelle les trains de VIA Rail peuvent rouler actuellement.
    SOURCE : VIA Rail