Chaque mardi, des experts en ressources humaines répondent à vos questions. Cette semaine, Stéphanie Kennan, présidente de Bang Marketing, répond à nos questions sur le leadership.

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) milite depuis 2021 pour que les employés retournent travailler au centre-ville en vantant ses avantages avec des campagnes publicitaires. Le président a voulu montrer l’exemple en déclarant que les employés de la CCMM reviendraient au bureau. En tant que présidente d’une agence de branding, que pensez-vous de cette approche ?

L’approche « walk the talk » est incontestablement la bonne. Le fait d’être cohérent dans leurs messages et leurs actions crédibilise leur démarche. Leur position se situe à contre-courant du discours ambiant, ce qui est également courageux et signe d’un leadership fort.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Stéphanie Kennan, présidente de Bang Marketing

Le grand patron de la Banque Nationale, Laurent Ferreira, a interpellé les gens d’affaires de la métropole en disant que les employés doivent revenir travailler à Montréal, parce que les plus petits commerçants ne survivront pas. Doit-on faire financer les restaurateurs et cafés du centre-ville par les employés des entreprises qui viendront y dépenser ? Est-ce le bon leadership ?

Ici, je suis beaucoup moins sûre de la justesse de cette intervention, surtout que la Banque Nationale n’a elle-même pas rappelé ses propres employés. M. Ferreira ne veut rien imposer pour le moment à ses équipes. Il dit s’inquiéter, d’accord, mais le fait de s’inquiéter sans agir ne fait que nourrir l’anxiété de tout le monde. Je n’aimerais pas être employé à la Banque Nationale, car je me demanderais si je peux faire des plans à long terme, si la politique de l’entreprise va changer. De plus, le fait de « blâmer » les télétravailleurs pour la dévitalisation du centre-ville ne me semble pas judicieux. Les employés (et les employeurs qui bénéficient du télétravail pour toutes sortes de raisons) ne peuvent pas porter la responsabilité de garder les commerces en vie. Imaginez un instant que nous traversions une crise économique majeure comme en 1980. Est-ce qu’il faudrait dire aux employés : « n’apportez plus votre lunch pour économiser, car vous êtes en train de tuer les cafés et les restaurants » ? Ça n’a aucun sens. Je pense qu’un bon leadership exige de la clarté, du courage, de la vision. Aucune de ces cases n’est cochée ici.

Vous accompagnez les entreprises dans leur marque employeur et leur marketing RH. Quelle est la différence entre les deux ?

La marque employeur incarne votre positionnement et votre identité sur l’échiquier du marché du travail, donc sa différenciation et sa personnalité. Le marketing RH concerne plutôt les stratégies et les tactiques marketing qui servent à « vendre » vos avantages et vos attributs à vos employés et candidats.

En 2023, quelle marque employeur et quel marketing RH faut-il avoir pour se démarquer ?

Une marque employeur doit être taillée sur mesure en partant de la culture organisationnelle réellement vécue dans l’entreprise. On doit sentir son authenticité... quelle qu’elle soit. L’objectif est de recruter des personnes qui vont se reconnaître dans la marque, qui vont choisir un « clan ». Donc, bien qu’il soit très important de comprendre les attentes des employés que l’on cherche à recruter, il faut surtout rester vrai. D’un autre côté, il faut réaliser l’importance de développer une offre avant de travailler sur son marketing RH. Les bénéfices et les avantages pour les employés doivent être attirants et concrets. Impossible de mettre en marché du vent en période de pénurie.

De quelle façon devrait-on utiliser son leadership en 2023 ?

Les entrepreneurs et leurs organisations peuvent démontrer leur leadership en prenant la parole publiquement et en le faisant de manière à se placer au-dessus de leurs intérêts d’affaires. Peu d’entreprises le font, par peur de la controverse ou par crainte de déplaire à différentes parties prenantes. Pourtant, la voie des entrepreneurs est essentielle, car leur point de vue est complètement différent de celui des syndicats, des OBNL, des artistes ou des lobbyistes... et on ne l’entend que trop peu souvent alors que cela nourrirait le débat public.