Avant la pandémie, Sodexo Canada, une division du leader mondial français de la restauration collective et de la conciergerie, employait quelque 10 000 personnes au pays. En raison du recours systématique au télétravail, les effectifs du groupe sont tombés à 7500 employés et Johanne Bélanger, la nouvelle présidente de Sodexo Canada, a le double mandat de reconstruire une identité nationale au groupe et de relancer ses activités au Canada.

En poste depuis trois mois maintenant, Johanne Bélanger passe beaucoup de temps sur la route pour rencontrer les clients de Sodexo sur l’ensemble du territoire canadien pour bien comprendre leurs besoins et surtout mieux moduler l’offre des nombreux services que leur propose l’entreprise.

Sodexo a été fondée à Marseille, en France, en 1966 par Pierre Bellon, qui voulait faire de la restauration au service des collectivités, des entreprises, des écoles et des hôpitaux. Son premier client a été le Commissariat à l’énergie atomique de France, qui fait toujours appel à ses services, 50 ans plus tard.

Sodexo est devenue aujourd’hui une multinationale de la restauration et de la conciergerie avec une équipe de 411 000 collaborateurs qui desservent chaque jour 1 million de clients dans 56 pays, et la famille Bellon est toujours l’actionnaire principal du groupe.

« Sodexo est au Canada depuis la fin des années 1980. Son expansion s’est faite d’abord au Québec et en Ontario, aujourd’hui on est aussi dans les Maritimes et dans l’Ouest. On a deux bureaux principaux à Montréal et à Burlington, en banlieue de Toronto », m’explique Johanne Bélanger.

Sodexo Canada est active dans deux principaux secteurs d’activité au Canada, celui des soins de santé – hôpitaux, CHSLD, résidences pour aînés – et celui des mines, énergie et ressources, où elle offre ses services de restauration et de conciergerie dans les camps en régions éloignées.

« On a aussi une grosse activité dans le domaine de l’éducation où on offre nos services dans les écoles privées et les universités ainsi que dans le domaine corporatif où on fait affaire avec de grandes entreprises. C’est nous qui sommes notamment responsables de la cafétéria du Mouvement Desjardins dans la tour du Stade olympique », précise la PDG.

Ce sont d’ailleurs ces deux secteurs qui ont été le plus durement touchés durant la pandémie et dont la reprise est plus laborieuse en raison du télétravail qui rend la présence au bureau plus aléatoire.

« On a dû ajuster nos services en conséquence en préparant des menus sur le pouce, des lunchs pour apporter ou en mettant en place des micromarchés. On fait aussi beaucoup de service de traiteur pour les directions d’entreprises comme pour la BMO à Montréal », indique Johanne Bélanger.

Il faut savoir que Sodexo a racheté il y a une dizaine d’années le traiteur gastronomique Lenôtre en France, une véritable institution de la haute gastronomie française. « On peut aussi bien préparer des sandwichs avec de la soupe que de la grande cuisine », renchérit la présidente.

Réorganiser une entité canadienne

Il y a huit ans, la maison-mère française de Sodexo a procédé à une restructuration de ses activités et a regroupé certaines de ses activités sous des directions continentales. Les activités de Sodexo Canada ont été intégrées à celles des États-Unis.

« Sodexo voulait une direction par ligne d’affaires plutôt que par pays. Cette gestion en silo a marché dans certaines régions, mais on s’est rendu compte qu’il fallait redonner une vision de développement au Canada. C’est la raison pour laquelle on m’a nommée. Je suis la première présidente canadienne en huit ans », expose Johanne Bélanger.

Son mandat est simple, elle veut redonner au groupe l’élan d’avant la pandémie et faire passer les revenus de 750 millions à 1 milliard d’ici cinq ans, pour qu’ils représentent 10 % du chiffre d’affaires de Sodexo en Amérique du Nord.

« Il y a des défis. En Colombie-Britannique, où on était présent dans les hôpitaux, mais le gouvernement néo-démocrate a décidé de redonner aux institutions la charge de la restauration et de la conciergerie. C’est toutefois l’inverse qui se produit en Alberta, où le gouvernement veut remettre au secteur privé la gestion de ces activités dans ses hôpitaux », souligne Johanne Bélanger.

C’est à Montréal et à Burlington que sont développés tous les menus servis dans le réseau de Sodexo. Le groupe a développé une gamme de repas santé alors que plus de 40 % du menu dans les écoles et les universités est végétarien. Laurent Duvernay-Tardif est même devenu le porte-parole de l’entreprise dans les établissements d’enseignement supérieur.

Originaire d’Arvida, Johanne Bélanger a un parcours particulier. Elle a étudié en anglais tout au long du primaire et du secondaire parce que son père voulait que ses enfants maîtrisent la langue de Shakespeare. Après des études en administration à l’Université Laurentienne de Sudbury, elle a obtenu son diplôme de comptable agréée à l’Université de Toronto, ville qu’elle ne quittera pas depuis plus de 35 ans.

« Je pensais revenir au Québec après mes études, mais je me suis installée à Toronto et j’y ai toujours travaillé. Maintenant, je viens au Québec deux à trois fois par mois », indique Johanne Bélanger.

La PDG de Sodexo Canada n’est pas étrangère aux déplacements fréquents puisqu’elle a été, durant deux ans, vice-présidente au développement du marketing terrain du groupe Marriott et qu’elle faisait régulièrement la navette entre Toronto et Chicago.

Johanne Bélanger se rapportait directement à David Marriott, le PDG du groupe qui gère 5000 hôtels dans le monde et elle était pressentie pour devenir la prochaine PDG du groupe au Canada.

« Je me suis rendu compte que je n’étais pas faite pour l’hôtellerie et j’ai reçu une offre du groupe Compass, un concurrent britannique de Sodexo, pour gérer sa division des hôpitaux et résidences pour personnes âgées au Canada, ce que j’ai fait durant deux ans et demi en pleine pandémie.

« Le défi de réorganiser les affaires de Sodexo au Canada m’a emballé et c’est ici que je veux terminer ma carrière », anticipe Johanne Bélanger.