Le groupe MTY, qui exploite un réseau de quelque 7200 restaurants en Amérique du Nord, essentiellement des commerces franchisés, a été affecté par la fermeture de nombreux établissements durant la pandémie et a été forcé de réduire durant deux ans le rythme des acquisitions, pourtant sa marque de commerce, son ADN, précise son PDG Éric Lefebvre. Le groupe d’alimentation a toutefois retrouvé ses marques en réalisant deux acquisitions d’importance en septembre et en décembre derniers.

« Historiquement, on réalise de trois à cinq acquisitions par année, mais on a été forcé de tout mettre sur pause en 2020 en raison de la pandémie. On a été en mode contingence durant deux ans, et l’activité n’est revenue à la normale qu’en mars-avril 2022, il y a exactement un an », m’explique Éric Lefebvre.

Lors de notre rencontre, le PDG rentrait tout juste de Californie, où il est allé rencontrer la direction de Wetzel’s Pretzels, le groupe de restauration que MTY a acquis en décembre dernier.

Wetzel’s Pretzels est une chaîne de 350 restaurants de type snack, implantée dans 50 % des États les plus populeux des États-Unis et qui a encore un fort potentiel d’expansion, selon Éric Lefebvre. MTY a payé 207 millions US à un fonds privé qui était arrivé au terme de son investissement.

Cette acquisition est survenue trois mois après celle de BBQ Holdings, un groupe établi à Minneapolis qui gère plus de 300 restaurants sous diverses enseignes, dont 125 en propriété propre. MTY a lancé une OPA amicale sur ce groupe dont les actions étaient évaluées à seulement 4,5 fois les profits.

« On a payé 200 millions US pour cette acquisition qui nous permet d’accéder à une expertise dans la gestion des restaurants corporatifs avec service aux tables. On a maintenant un groupe de gestion de performance dans ce domaine, ce qu’on n’avait pas avant », indique Éric Lefebvre.

Comme il l’a fait avec ses dernières acquisitions aux États-Unis, le groupe MTY va conserver les équipes de direction sur place pour l’épauler.

« C’est un enseignement d’Alain Bouchard, qui avait dit à l’époque à Stanley Ma [le fondateur et principal actionnaire de MTY] : “Si tu vas aux États-Unis, fais confiance aux équipes en place. Elles vont mieux faire que si tu essaies de gérer à distance” », relate Éric Lefebvre.

Avec ces deux dernières acquisitions, MTY a retrouvé sa taille d’avant la pandémie lorsque le groupe comptait sur quelque 7300 restaurants gérés sous 80 enseignes, dont Thai Express, Valentine, Ben & Florentine… Le groupe a toutefois haussé à 90 le nombre de ses enseignes en Amérique du Nord.

Aujourd’hui, MTY réalise un peu plus de 30 % de ses revenus au Canada, de 3 à 4 % à l’international (avec des franchises au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique) et plus de 65 % aux États-Unis.

C’est la chaîne Cold Stone Creamery (1350 établissements) qui est la plus rentable aux États-Unis, alors que la franchise Thai Express (quelque 400 restaurants) est la plus profitable au Canada.

Érosion et centre-ville

« On a eu une érosion du réseau durant la pandémie. Beaucoup de franchisés ont décidé de ne pas renouveler un bail pour 10 ans en ne sachant pas s’ils allaient pouvoir opérer normalement.

« Présentement, on enregistre le même pourcentage de fermetures de restaurants qu’avant la pandémie, mais on n’arrive pas à en ouvrir autant qu’on en ferme. Normalement, on ouvre environ 300 restaurants par année », souligne le PDG.

Les délais et les coûts de construction de même que la difficulté à se faire approvisionner en équipements de restauration compliquent la tâche des franchisés, une situation qui prévaut sur tout le territoire en Amérique du Nord.

Malgré la fermeture de plusieurs centaines de restaurants, MTY a toujours été en mesure de générer des liquidités excédentaires à chacun de ses trimestres parce que le groupe a pris les mesures qui s’imposaient.

Les périodes de confinement et la généralisation du télétravail ont par ailleurs particulièrement affecté les restaurants de MTY qui sont localisés dans des foires alimentaires dans les complexes de bureaux. Ces restaurants représentent 10 % du total des établissements franchisés du groupe.

« Les activités de nos restaurants dans les foires alimentaires ont bien repris partout, sauf au centre-ville de Montréal, où les gens ne veulent pas venir. C’est trop compliqué, l’accès au centre-ville. Une situation qu’on ne vit pas ailleurs au Canada ou aux États-Unis.

« La foire alimentaire du Complexe Desjardins fait exception parce qu’elle a été entièrement rénovée durant la pandémie », observe Éric Lefebvre.

Avec des revenus de 4,5 milliards enregistrés au cours de l’exercice 2022, le groupe MTY a retrouvé son chiffre d’affaires d’avant la pandémie. Est-ce que la forte inflation a une incidence sur ses activités ?

« On a dû ajuster nos prix, mais pas de façon aussi marquée que la hausse de 10 % du panier d’épicerie. Comme les coûts de nourriture représentent 30 % de nos coûts fixes, la hausse réelle n’a été que de 3 % chez nous. Ça n’a pas affecté l’achalandage parce que les gens constatent que nos prix ont moins augmenté qu’à l’épicerie », précise Éric Lefebvre.

Est-ce que la hausse des taux d’intérêt a freiné l’appétit du groupe pour réaliser de nouvelles acquisitions ?

« Non, pas vraiment. On ajuste nos prix d’acquisition en fonction du coût de financement. La hausse des taux d’intérêt affecte plus nos franchisés qui souhaitent ouvrir de nouveaux restaurants », observe le PDG.

Durant les deux années de pandémie, MTY a utilisé ses liquidités excédentaires pour rembourser sa dette, ce qui lui a permis de se constituer un trésor de guerre pour réaliser ses deux dernières acquisitions et en envisager de nouvelles au cours des prochains mois.