(Québec) Des groupes environnementaux estiment que l’entente controversée entre Hydro-Québec et Énergir pour installer des systèmes de chauffage biénergie au cours de la prochaine décennie pourrait générer beaucoup moins de réduction en émissions de GES que prévu, ce qui rendrait encore plus difficile l’atteinte des cibles climatiques du Québec.

Selon Greenpeace et le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE), cette entente ne permettra de réduire les émissions de GES du secteur du chauffage des bâtiments que de 350 000 à 375 000 tonnes, plutôt que les 540 000 tonnes promises par Hydro-Québec.

Ils estiment que la société d’État surestime la quantité de conversion de système de chauffage qu’elle pourra faire en sous-estimant la durée de vie utile des systèmes de chauffage.

La stratégie de commercialisation est d’attendre que les systèmes doivent être changés, mais la durée de vie d’une fournaise est de 21,5 ans pour les systèmes résidentiels et 23 ans pour commercial.

Jean-Pierre Finet, analyste du ROEE

Dans un mémoire déposé à la Régie de l’énergie, l’Association de l’hôtellerie du Québec et l’Association Restauration Québec en arrivaient à la même conclusion. Elles croient que « les projections des Distributeurs sous-estiment la durée de vie des équipements de chauffage de l’espace au gaz naturel pour les trois secteurs et surestiment la durée de vie des équipements du chauffage de l’eau ».

Des thermopompes, plus vite

Greenpeace et le ROEE critiquent également la stratégie gouvernementale, qu’ils associent à de « l’attentisme », de ne remplacer que les équipements en fin de vie. « Il n’y a aucune raison pour laquelle on ne devrait pas installer un maximum de thermopompes et de chaudières électriques tout de suite pour qu’on puisse bénéficier des émissions de GES. Pas besoin de retarder inutilement cette conversion à la biénergie », dit M. Finet.

Si d’ici 2030 toutes les installations, tous les bâtiments qui chauffent au gaz avaient des thermopompes, on irait chercher beaucoup plus que 540 000. Ils pourraient se rendre à 900 000 tonnes.

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada

Hydro-Québec réplique qu’elle ne remet pas en question son objectif et que la durée de vie de 15 ans est une moyenne entre la durée de vie d’un chauffe-eau et celle d’un générateur à air chaud.

2,4 milliards d’ici 2050

Greenpeace et le ROEE en ont contre le fondement même de l’entente : Hydro-Québec versera une compensation au distributeur de gaz naturel Énergir pour compenser la réduction de consommation des propriétaires de bâtiments qui se tourneront vers un système biénergie. En retour, Hydro-Québec s’assure que ces clients se tourneront vers le chauffage au gaz lors des pointes hivernales, pour éviter que la consommation dépasse sa capacité de production.

Ils estiment qu’Hydro-Québec versera ainsi 2,4 milliards à Énergir d’ici 2050. La Régie de l’énergie n’a toutefois pas autorisé la société d’État à refiler cette facture aux consommateurs d’électricité, elle devra donc la soustraire de ses profits.

Patrick Bonin estime qu’on applique le principe du « pollueur payé », et craint que cette « mauvaise » entente n’ait même pas les « réductions escomptées ».

De son côté, Hydro-Québec maintient que cette entente est nécessaire dans le cadre de la transition énergétique du Québec. Le porte-parole Maxence Huard-Lefebvre indique qu’il serait « trop coûteux » d’investir dans l’achat d’approvisionnement en électricité pour combler la demande en électricité lors des périodes de pointe.