(Québec) Au plus la moitié des nombreuses demandes d’alimentation faites à Hydro-Québec par des entreprises pourront obtenir le feu vert, soutient le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui aura le pouvoir de sélectionner les projets en vertu de son projet de loi à l’étude à l’Assemblée nationale. La société d’État prévient que la hausse inévitable de sa capacité de production risque d’entraîner une augmentation de ses tarifs.

Au premier jour de la session parlementaire, mardi, les députés ont entamé l’étude du projet de loi 2 de Pierre Fitzgibbon, qui limite à 3 % la hausse des tarifs d’Hydro-Québec pour les clients résidentiels. Les associations patronales, dont la Fédération des chambres de commerce du Québec et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, ont demandé que cette mesure soit étendue aux entreprises. Autrement, ces dernières subiront une augmentation de 4,2 % à 6,4 % de leur facture d’électricité.

Le texte législatif vise aussi à ne plus obliger Hydro-Québec à accepter toutes les demandes d’alimentation soumises par les entreprises et inférieures à 50 mégawatts (MW). On lui permettra désormais de refuser des demandes d’alimentation de 5 MW ou plus. La société d’État réclamait une telle mesure, car elle est submergée de projets d’entreprises demandant au total 23 000 MW d’électricité. C’est l’équivalent de 13 complexes hydroélectriques comme La Romaine.

Pour Pierre Fitzgibbon, « réaliser 23 000 MW de projets est irréaliste ». Il compare ces demandes à une « liste de cadeaux de Noël ». « Il y a des demandes de 9000 MW d’hydrogène vert, ça n’arrivera pas », a-t-il signalé.

« On va finir probablement à 8000-10 000 MW de projets industriels qui devraient être faits » pour permettre au Québec « d’atteindre ses cibles de réduction de GES tout en créant de la richesse au cours des prochaines années », a-t-il précisé.

Entre les mains de Québec

Avec le projet de loi 2, « on passe d’une formule “premier arrivé, premier servi” à une formule avec laquelle il sera possible de choisir les meilleurs projets », un pouvoir qui reposera entre les mains du gouvernement, a expliqué le vice-président – Planification intégrée des besoins énergétiques et risques chez Hydro-Québec, Dave Rhéaume, lors de son témoignage en commission parlementaire.

C’est en effet le ministre de l’Énergie qui sélectionnera les projets en vertu du projet de loi 2. On y précise qu’il faudra obtenir l’autorisation du ministre pour distribuer de l’électricité aux entreprises. « Avant de délivrer une autorisation de distribution, le ministre tient notamment compte des capacités techniques [d’Hydro-Québec] pour le raccordement ainsi que des retombées économiques et des impacts sociaux et environnementaux de l’utilisation de l’électricité demandée », indique le texte législatif.

Pierre Fitzgibbon a l’intention d’être « parcimonieux dans l’octroi des mégawatts » et de « choisir judicieusement les projets porteurs qui en bénéficieront ».

Mais pour la FCCQ, « cette disposition [du projet de loi] soulève des questionnements et des préoccupations chez des entreprises, à moyen et long terme. Cet article amène une perception qu’une porte pourrait éventuellement être ouverte à des interventions politiques prises sur des bases idéologiques et contraires à la croissance économique et aux intérêts du Québec ». Elle recommande au gouvernement de préciser les critères d’évaluation.

Le coût de l’augmentation

Pour offrir jusqu’à 10 000 MW additionnels d’énergie, Hydro-Québec devra augmenter sa capacité de production. « Il faut commencer par l’efficacité énergétique de manière massive, investir dans nos installations existantes pour augmenter la puissance, [développer] l’éolien et ensuite [mener] les études pour les nouvelles centrales hydroélectriques », a expliqué la vice-présidente – Développement durable, relations avec les communautés et communications chez Hydro-Québec, Julie Boucher.

« Chaque fois qu’on entre de nouveaux approvisionnements, il y a un coût supplémentaire qui doit être assumé », a prévenu de son côté Dave Rhéaume. « Il pourrait se traduire par des tarifs spéciaux pour ces nouveaux usages ou une augmentation plus généralisée des tarifs ou une diminution de la profitabilité d’Hydro-Québec. Ultimement, ce sont des vases communicants. »

La semaine dernière, le premier ministre François Legault a annoncé qu’il réviserait les tarifs d’hydroélectricité pour les entreprises, dont le fameux tarif L réservé aux gros clients industriels, afin de les moduler en fonction notamment de leurs efforts pour décarboner le Québec. Selon lui, il sera bientôt « très difficile pour une entreprise qui émet des GES d’obtenir des rabais sur l’électricité ». Une telle entreprise devra payer plus cher son énergie.

« Il n’a jamais été question de vendre l’électricité au rabais pour attirer des entreprises au Québec », a soutenu Pierre Fitzgibbon, dans une allusion à peine voilée aux craintes exprimées par la PDG Sophie Brochu, qui quittera ses fonctions le 11 avril.

« À terme, on veut que les entreprises paient le juste prix pour l’énergie renouvelable, tout en étant soucieux de la compétitivité des entreprises du Québec. »

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