À la mort de Peter Drucker, l’un des grands experts en management, sinon le plus grand, un commentateur notait que sa théorie reposait sur deux hypothèses de base, soit que les gens agissent de façon logique et qu’ils travaillent pour le bien-être de l’organisation.

Cet environnement existe seulement sur papier, puisqu’il arrive souvent que nos émotions prennent le dessus et que la petite politique s’invite dans nos comportements et décisions. Il est donc important, autant dans la gestion de soi que dans les relations avec autrui, de bien gérer l’aspect humain.

À mon avis, deux prérequis dans les relations avec collègues et subordonnés doivent être présents, soit de valider la relation de confiance ainsi que de connaître l’ambition et les motivations profondes des gens avec qui on interagit. Il faut donc questionner, observer et écouter pour avoir une bonne connaissance de la nature humaine pour ensuite gérer chaque personne différemment, c’est-à-dire trouver l’effet de levier avec chacun.

Ma mère, à qui j’expliquais mon approche en début de carrière, s’était exclamée : « Mon Dieu, tu joues au psychologue ! » Je relate cette conversation pour confirmer que j’ai mis en pratique ce concept tout au long de ma carrière et qu’il donne d’excellents résultats.

Parlons d’abord de relation de confiance. Tout est possible entre deux personnes lorsque le « ROE » est présent. Pas le Return On Equity de Peter Drucker, mais la présence de respect, d’ouverture et d’écoute.

Recevoir un collègue ou un employé qui prend l’initiative de vous exprimer ses désaccords, ses refus, ses inquiétudes ou qui présente ses difficultés est un indicateur manifeste d’un bon ROE de votre part, car peu de gens se permettraient de se mettre ainsi à risque avec une personne à faible ROE.

Utiliser les forces d’un collègue ou employé, consulter ou admettre ses torts est un bon indicateur de votre ouverture. Un bon indicateur de respect, bien que surprenant de prime abord, c’est d’affronter une situation problématique ou de donner une rétroaction délicate, car respecter une personne, c’est lui dire ce qu’elle doit savoir même si ça requiert une dépense émotive et que l’on peut causer de la peine.

Il est évidemment facile d’espérer que le temps arrange tout, de chercher à faire plaisir, de rationaliser que ce n’est pas notre problème ou d’avoir peur d’envenimer nos relations, mais construire une véritable relation de confiance demande, voire exige, d’instaurer une démarche qui peut procurer une différence réelle dans la vie d’une personne.

PHOTO TOMOHIRO OHSUMI, ARCHIVES BLOOMBERG

Mobiliser quelqu’un est plus facile quand on comprend ce qui fait courir une personne.

Ce qui fait courir les gens

Mobiliser quelqu’un est tellement plus facile quand un deuxième prérequis est présent, soit de comprendre ce qui fait courir une personne, de trouver l’effet de levier. Imaginons la scène où l’objectif est qu’un employé soit emballé de relever le défi que vous vous apprêtez à lui communiquer. La nature humaine est ainsi faite qu’il y aura des réactions des plus diverses à réaliser un projet dans un environnement d’influence mais sans autorité réelle, ou de développer quelque chose de complètement nouveau, ou de s’attaquer à une tâche non familière ou encore d’avoir à naviguer dans un environnement interne hostile.

Je suis personnellement très motivé quand je peux apporter ma contribution, quand j’ai l’occasion d’apprendre et me développer tout en réalisant une tâche et aussi quand j’ai la capacité de dire que c’est MOI qui ai réalisé ce projet.

D’autres individus sont pleins d’énergie quand l’occasion se présente de se prouver quelque chose à eux-mêmes, à leurs amis ou à leur famille.

Certaines personnes carburent à une bonne compétition alors que d’autres réagissent mal à s’attaquer à un projet sans autorité formelle.

Évoluer dans un climat favorable est une exigence pour un certain nombre d’individus et gagner plus d’argent est LA motivation principale pour d’autres gens.

Il existe aussi des employés qui ont leur propre norme d’excellence et qui sont très sélectifs dans le genre de projets qui les allument. Et bien que la plupart des gens aiment que leur travail soit reconnu, il y a plusieurs degrés dans la recherche de statut, de prestige et de titre.

Revenons maintenant à la scène où vous communiquez à l’employé le défi que vous aimeriez qu’il relève avec enthousiasme. Il existe au moins dix façons de présenter le défi et l’une d’elles aura une réaction hautement positive. Ma mère avait raison, car interagir avec succès avec autrui est avant tout une affaire de psychologie.