Les pelletées de terre protocolaires n’ont pas encore eu lieu, mais la machinerie lourde s’active dans le parc industriel et portuaire de Bécancour, berceau de la filière québécoise des batteries. Dans cette course contre la montre, le complexe de General Motors (GM) et de POSCO s’apprête à prendre forme tandis que d’autres travaux préparatoires sont sur le point de démarrer.

Sans tambour ni trompette, au sud de l’autoroute 30, des pelles mécaniques et des camions s’affairent depuis des semaines sur le terrain qui doit accueillir l’usine de matériaux de cathodes – le principal élément d’une batterie lithium-ion – qui sera exploitée par le constructeur américain et le géant chimique sud-coréen.

« Ils vont couler du béton dans les prochaines semaines, précise en entrevue le président-directeur général de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour (SPIPB), Donald Olivier, en entrevue avec La Presse. La filière batterie, c’est comme une course contre la montre. Ils trouvent que ça vaut la peine de gagner du temps sur l’échéancier avec des travaux d’hiver. »

Au sud de l’autoroute 30, qui traverse ce parc industriel situé dans le Centre-du-Québec, GM et POSCO sont propriétaires d’un terrain d’une superficie estimée à 3,75 millions de pieds carrés (348 189 mètres carrés). Le tandem dispose d’une option pour élargir son empreinte. Les travaux sont réalisés par le géant québécois de la construction Pomerleau.

Selon l’acte de vente, la transaction est officielle depuis le 19 décembre dernier. Le prix payé par les acquéreurs a été de 21 millions. Les travaux ont commencé le 7 novembre dernier, ils devraient s’échelonner sur trois ans et la facture est estimée à 120 millions. Le chantier devrait fournir du travail à 300 personnes.

Place aux entreprises

En 2022, la SPIPB – une société d’État – a commencé à préparer le terrain afin de répondre aux entreprises de la filière. Le parc industriel offre l’accès à un port en eau profonde ainsi qu’à des installations ferroviaires, mais la partie sud, qui accueillera les acteurs de la filière québécoise des batteries, doit être aménagée.

On parle d’aménagement de voies de desserte, du réseau d’eau, des égouts ainsi que du lien avec le chemin de fer. Ces travaux, également réalisés par Pomerleau, retenu comme maître de chantier par la SPIPB, devraient coûter environ 350 millions. Quelque 40 millions ont été déployés jusqu’à présent.

Si la cadence des travaux ralentit cet hiver, la société d’État aimerait commencer le prolongement de la voie ferrée au sud de l’autoroute 30 sur une distance qui pourrait osciller entre quatre et six kilomètres, explique M. Olivier. Les travaux seront financés par la SPIPB et une entente devrait être conclue avec la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) pour lui permettre d’exploiter le tronçon – un modèle différent puisque le transporteur ferroviaire ne serait pas propriétaire de ces actifs ferroviaires.

« Mais ça sera quand même assez mollo cet hiver pour les travaux de la SPIPB, souligne M. Olivier. Les camions, les pelles mécaniques et les roulottes de chantier qui sont là [dans le parc industriel], ce ne sont pas mes installations. »

Les autres chantiers

Dans un premier temps, Nemaska Lithium – détenue à 50 % par l’État québécois – est récemment devenue propriétaire du terrain de 4,9 millions de pieds carrés (454 360 mètres carrés) où sera construite son usine de production d’hydroxyde de lithium, un projet névralgique de la filière dont la mise en service est prévue en 2025. L’endroit est situé au sud-ouest de l’intersection de l’autoroute 30 et du chemin Louis-Riel. Le prix payé est de 3,5 millions. Il ne tient cependant pas compte de certains services, comme les infrastructures, ainsi que d’autres frais (études environnementales et démarches d’obtention des permis).

Dans quelques semaines, on devrait procéder à la phase de déboisement. La société est toujours en attente de son permis pour entamer des travaux d’aménagement sur le terrain.

Chez Nouveau Monde Graphite, qui ambitionne de transformer du graphite en un produit utilisé notamment par les fabricants d’anodes – un composant de la batterie que l’on retrouve dans les véhicules électriques –, l’année sera consacrée à des travaux préliminaires.

« Le boom [pour les travaux] devrait avoir lieu l’an prochain, dit la vice-présidente aux communications de la société, Julie Paquet. Rien ne devrait sortir de terre [à Bécancour] cette année. »

Un autre grand cathodier, le groupe chimique allemand BASF, avait également annoncé son intention de s’installer à Bécancour l’an dernier. Contrairement à l’équipe formée par GM et POSCO, la multinationale n’est pas encore propriétaire du terrain qu’elle convoite dans le parc industriel. Le gouvernement Legault n’a toujours pas précisé l’ampleur de l’appui financier qui sera offert à ces deux projets d’envergure.
- avec William Leclerc, La Presse

En savoir plus
  • 30 personnes
    Il y a une trentaine de salariés à la SPIPB depuis que la filière des batteries prend forme. C’est environ deux fois plus qu’auparavant.
    Source : Société du parc industriel et portuaire de Bécancour