Cette semaine, Shalee-Fa Diop, fondatrice de DiGNO, une plateforme de recrutement augmenté et de conseils en gestion de données, aussi PDG du Club des mamans entrepreneures du Québec et consultante en diversité et inclusion en entreprise et en entrepreneuriat, répond à nos questions sur le leadership.

Q. Comme professionnelle du recrutement d’employés, comment arrivez-vous à composer avec la pénurie de main-d’œuvre ?

R. Il n’y a pas de véritable pénurie de main-d’œuvre !

Avec mes années d’expérience en recrutement et dans le monde des affaires, j’ai remarqué un paradoxe. D’un côté, il y a ces entreprises qui disent manquer de ressources qualifiées et, de l’autre, je vois la détresse des candidats qualifiés qui sont disponibles et sans emploi. Je reçois dans mon bureau des candidats qui sont en pleurs, car ils n’arrivent pas à trouver de poste, alors qu’ils sont dans l’urgence de répondre aux besoins de base de leur famille. Il y a des comptables qui arrivent d’autres pays avec leur diplôme et leurs connaissances. Il y a aussi des spécialistes des assurances, les médecins diplômés à l’étranger, etc.

Quand on me parle de pénurie de main-d’œuvre, je suis toujours surprise.

Q. Vous dites qu’il n’y a pas de véritable pénurie de main-d’œuvre actuellement ! Comment en arrivez-vous à cette conclusion qui diffère complètement de tous les discours actuels ?

R. C’est le phénomène de talents cachés en raison de la présence de biais inconscients. La Harvard Business School a fait une étude sur le sujet. Des candidats disposent de toutes les compétences recherchées par les entreprises et sont rejetés automatiquement en raison du processus de recrutement qui est bourré de préjugés.

On connaît les effets pervers de l’intelligence artificielle qui est utilisée dans les plateformes de recrutement. Aux États-Unis, 35 millions de candidats ont été ignorés par le processus de recrutement standard.

Shalee-Fa Diop, fondatrice de DiGNO

Les processus de recrutement ont été conçus de manière à répondre à certaines normes qui disqualifient automatiquement certaines personnes. D’ailleurs, en 2016, on se souvient qu’Amazon a dû démanteler l’équipe de conception de sa plateforme parce que l’entreprise ne recrutait que des hommes blancs.

Actuellement, certaines plateformes écartent les candidats qui ont un trou dans leur CV. Les algorithmes sont conçus comme ça et vont opter pour un CV plus rempli. Mais est-ce qu’on a pris le temps de questionner la femme ou l’immigrant sur son année de non-employabilité ? Étaient-ils en congé parental ? Ont-ils accompagné un proche malade ? Est-ce qu’ils ont eu un délai pour s’installer au Canada ?

Q. Quelles sont alors vos solutions pour répondre aux problèmes de recrutement de main-d’œuvre ?

R. Chez DiGNO, on fait un processus de recrutement augmenté, sans préjugé, qui permet de ramener tous ces candidats oubliés et de les mettre sous le radar des recruteurs. On met en relation les compétences recherchées et les compétences disponibles. On ne recrute pas à la base du CV, mais à la base des talents réels. Ce n’est pas l’employeur qui regarde les CV. Le candidat passe déjà tout son processus de validation chez DiGNO avant que sa candidature soit envoyée à l’entreprise. Et on couvre tous les secteurs d’activité, toutes les industries et les niveaux de poste.

C’est une chose qu’un candidat passe le processus d’embauche et intègre l’organisation, mais il faut aussi que la personne puisse y rester et s’y épanouir. On a donc un outil qu’on fournit aux employeurs pour avoir le pouls réel de leur degré d’inclusion, ainsi qu’un service d’accompagnement. Si on constate qu’il y a des éléments dans l’organisation qui pourraient être améliorés, on les signale tout en offrant aussi un service de formation continue.

Q. Quelles actions les entreprises et sociétés pourraient-elles privilégier pour avoir plus d’équité, de diversité et d’inclusion ?

R. Déjà, si les groupes sous-représentés faisaient partie du processus de décision en matière d’équité et de diversité, il y aurait un pas de fait. S’ils étaient à la table et pouvaient parler et même décider des actions à poser, des normes et des cibles à atteindre... Dans plusieurs organisations, on veut aider des gens qui ne sont pas là pour dire ce dont ils ont réellement besoin.