Ce n’est pas demain la veille que vous chausserez votre véhicule de pneus conçus uniquement avec des matériaux recyclés, mais les grands fabricants sont à l’œuvre pour que cela change. Une jeune pousse québécoise, Pyrowave, vient de franchir une étape importante pour aider Michelin à se rapprocher de cet objectif.

La multinationale française vient de recevoir environ trois tonnes de monomère de styrène recyclé – qui entre dans la conception du caoutchouc synthétique – en provenance de l’usine pilote de l’entreprise située à Salaberry-de-Valleyfield. L’objectif : permettre à Michelin de fabriquer des produits industriels avec cette matière première recyclée.

« On ne sait pas tout ce que Michelin fera avec [le styrène], mais l’intention, c’est d’en intégrer dans les gammes de produits, explique Jocelyn Doucet, président et chef de la direction de Pyrowave, à La Presse. C’est clair qu’on en retrouvera un jour dans les pneus de Michelin. »

PHOTO FOURNIE PAR PYROWAVE

Jocelyn Doucet est président et chef de la direction de Pyrowave.

Fondée en 2014, l’entreprise collabore depuis plus de deux ans avec le géant français, qui figure parmi ses actionnaires après avoir injecté plus de 20 millions d’euros en 2020. Pyrowave a électrifié son procédé chimique pour recycler des déchets plastiques grâce à des micro-ondes générées dans un réacteur.

La technologie développée par Pyrowave consiste à produire du styrène recyclé, utilisé pour fabriquer des plastiques, en utilisant des produits plastiques – comme des contenants individuels de yogourt. Les matières résiduelles sont déchiquetées, fondues et purifiées dans le réacteur électrique. Sous forme liquide, le styrène purifié peut ensuite se retrouver dans de nouveaux produits, notamment du caoutchouc synthétique.

Une transition en marche

Le spécialiste des pneumatiques souhaite que ses produits contiennent 40 % de matériaux durables en 2030. Cette proportion doit passer à 100 % d’ici 2050. D’où l’intérêt de Michelin à l’endroit de la technologie de Pyrowave. Le partenariat sert de tremplin à la technologie de l’entreprise québécoise. Cette dernière a montré qu’elle pouvait industrialiser son procédé, mais c’est Michelin qui s’occupe du reste sur ses sites dans l’Hexagone.

« Ce qu’on a réussi avec Michelin, c’est ce dont tout le monde rêve, mais qu’il est difficile de réaliser, dit M. Doucet. On bénéficie du savoir-faire de Michelin, qui a industrialisé des technologies plus jeunes. Michelin consacre 50 employés à temps plein pour intégrer le projet. On est le fournisseur de la technologie. C’est Michelin qui achète nos équipements, qui paie pour l’infrastructure et qui s’approvisionne en matière première. »

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À l’usine pilote de Salaberry-de-Valleyfield, la colonne à distiller représente l’étape finale durant laquelle le produit est purifié.

Dans une déclaration, le directeur du développement des matériaux durables chez Michelin, Christophe Durant, estime que Pyrowave propose une « technologie unique » qui a « un temps d’avance ».

« On ne rattrape pas demain, on vise après-demain », souligne-t-il.

Concept à vendre

Les deux partenaires voient plus loin que la fabrication des pneus. Lorsque le procédé sera industrialisé, les deux partenaires ambitionnent de le commercialiser en proposant une solution « clés en main » à d’autres clients potentiels établis en Asie et en Europe. Les secteurs du transport, des emballages et de la construction figurent parmi ceux qui pourraient s’intéresser à la solution de Pyrowave, selon l’entreprise.

Si leur objectif est louable, les procédés de recyclage chimiques s’attirent néanmoins des critiques. Certains consomment de grandes quantités d’énergie et utilisent des solvants chimiques pour séparer les différents types de plastiques – ce qui n’est pas le cas du procédé de Pyrowave.

« Avec le projet Michelin, on émet 45 % moins d’émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à la production d’un kilo de monomère vierge, souligne M. Doucet. On consomme moins d’énergie. Produire du monomère de styrène […] c’est une combinaison très énergivore. »

Au-delà de la production de GES, le dirigeant de Pyrowave ajoute que le recyclage chimique permet de s’attaquer à un autre problème, celui de la pollution par les déchets plastiques. Par exemple, au Canada, plus de trois millions de tonnes de déchets plastiques sont jetées annuellement, selon Statistique Canada. Seuls 9 % sont recyclés tandis que le reste se retrouve dans des sites d’enfouissement, ajoute l’agence statistique.

Pyrowave en bref

  • Année de fondation : 2014
  • Siège social : Montréal
  • Effectif : environ 40 employés
  • Actionnaires : Michelin, Fonds de solidarité FTQ, Sofinnova Partners et Ecofuel