Les courses en taxi coûtent plus cher depuis lundi dernier, le 12 septembre. Vous ne l’avez pas remarqué ? C’est que des chauffeurs n’appliquent pas encore cette augmentation, pour des raisons techniques. Certains ont aussi très peur que cela ne devienne un frein supplémentaire pour leur clientèle qui vit, elle aussi, avec un budget sous pression.

Dans des postes de taxi de la métropole vendredi, sous un soleil magnifique, le discours était unanime : les hausses de tarifs sont une bonne chose pour les chauffeurs, mais la clientèle suivra-t-elle, elle qui se fait déjà plus rare depuis le début de la pandémie ?

« C’est vrai que les chauffeurs ont peur que la clientèle réagisse négativement », confirme Frédéric Prégent, président-directeur général de Taxelco, qui regroupe six groupes de taxis québécois, dont Taxi Diamond et Taxi Hochelaga, bien connus à Montréal. « Mais je pense que les gens sont très au courant que tout augmente, poursuit-il. Ils comprennent la situation. »

La situation étant que cette augmentation vient pallier des coûts d’exploitation à la hausse pour les chauffeurs dans un contexte où ces dernières années pandémiques ont durement ébranlé l’industrie.

C’est la Commission des transports du Québec (CTQ) qui a établi au mois de juin 2022 que les courses de taxi coûteraient environ 18 % de plus. Concrètement, le taximètre commencera la course à 4,10 $ si vous voyagez de jour, plutôt que 3,50 $.

Chaque kilomètre parcouru sera aussi plus coûteux. De nouveaux tarifs de nuit ont également été ajoutés, donc si vous voyagez entre 23 h et 5 h, et cela représente un pourcentage additionnel de 15 % par rapport aux nouveaux tarifs de base.

Un mois pour la mise à jour

Les chauffeurs doivent remplacer ou adapter leur taximètre, à leurs frais, pour appliquer les nouveaux tarifs. Beaucoup ne l’ont pas fait encore, faute de temps ou de disponibilité des rares fournisseurs de service. Ce qui laisse une période de grâce pour les utilisateurs.

Vendredi après-midi, l’affluence autour de Gingras Taximètre, dans le quartier Rosemont, confirmait l’importance de la demande. Prévenante, la propriétaire de cette entreprise, Lise Roy, a engagé des signaleurs pour s’assurer qu’il n’y ait pas de congestion dans les rues du quartier les deux premières semaines suivant le début du changement des tarifs. Ses employés ont aussi déposé des lettres dans les boîtes des résidants des rues avoisinantes pour les informer d’un achalandage inhabituel.

La précaution n’était pas vaine : s’il y a eu foule toute la semaine, lundi, les passants ont cru avoir affaire à une véritable manifestation de l’industrie tant il y avait de voitures en attente.

Les chauffeurs ont un mois, donc jusqu’au 12 octobre, pour se conformer à la nouvelle grille tarifaire et faire ajuster leurs équipements.

En ligne pour que son taximètre soit modifié, vendredi après-midi, Jean-Wilfrid Osselyn partageait la crainte de ses collègues : « On ne sait pas comment la clientèle va réagir, demandait le chauffeur. Va-t-elle se tourner vers Uber ? »

Car les chauffeurs d’Uber, contrairement aux taxis traditionnels, ne sont pas tenus de hausser le prix de leur course quand ils utilisent la tarification dynamique, qui n’est pas déterminée par la CTQ. « Mais certains chauffeurs qui travaillent pour Uber peuvent aussi faire du “taxi traditionnel” s’ils ont une automobile munie d’un taximètre, et dans le cas d’une course au taximètre, ils doivent alors respecter les tarifs de la Commission », explique Joanne St-Laurent, agente de recherche à la CTQ.

En fait, vendredi, les clients en attente chez Gingras Taximètre pestaient davantage contre l’imposition de la redevance de 1,07 $ (taxes comprises) déterminée par le ministère des Transports pour le programme d’indemnisation des propriétaires de taxi.

Ces frais supplémentaires sont en vigueur depuis l’année dernière et cela fait aussi monter la facture que doivent payer les clients. Les chauffeurs en attente de leurs nouveaux taximètres confiaient qu’ils auraient souhaité que cette redevance disparaisse afin de rendre la note finale plus digeste pour leurs passagers.

Pour le PDG de Taxelco, Frédéric Prégent, les hausses actuelles sont positives et pourraient être un incitatif pour les nombreux chauffeurs qui ont quitté la profession durant la pandémie. Taxelco a perdu le tiers de sa main-d’œuvre. « Au début de la pandémie, on disait à nos chauffeurs âgés de 60 ans ou plus de rester à la maison, explique M. Prégent. Plusieurs qui étaient en préretraite ont décidé de prendre leur retraite définitivement. »

La baisse de la clientèle n’a pas favorisé la rétention des chauffeurs. « Même à ce jour, se désole M. Prégent, le volume n’est pas revenu au centre-ville. »