Perte de clients actifs. Diminution des revenus. Élimination de postes. De l’aveu même de son cofondateur et chef de la direction, Marché Goodfood, reconnu pour ses boîtes de repas prêts à préparer, traverse des moments difficiles. Pour « renouer avec la croissance », Jonathan Ferrari mise sur son nouveau service permettant la livraison en 30 minutes.

En plus des boîtes repas, l’entreprise vend en ligne des produits d’épicerie et des plats prêts à manger. Ce virage mettant Goodfood directement en compétition avec des supermarchés comme IGA ou Metro, qui ont récemment investi pour maximiser leurs services de commandes en ligne et de livraison, est loin de garantir le succès de la société, estime Jordan LeBel, professeur titulaire en marketing alimentaire à l’Université Concordia. Il se dit « peu convaincu » par l’efficacité de cette nouvelle stratégie.

Pour Jonathan Ferrari, ce service de livraison en 30 minutes sur des produits d’épicerie, du prêt-à-manger et des repas prêts à préparer, tous offerts sur le site de Marché Goodfood, incarne « l’avenir » de l’entreprise, a-t-il expliqué au cours d’une entrevue accordée à La Presse mardi, à l’issue d’une allocution prononcée à l’invitation du Cercle canadien de Montréal. Le tout peut se faire sans souscrire à un abonnement hebdomadaire comme c’était le cas auparavant. Le service est actuellement offert à Toronto, Montréal et Ottawa grâce à huit micro-centres situés dans les trois villes. À terme, M. Ferrari veut l’étendre à l’ensemble du pays.

« En ce moment il y a une tempête macroéconomique qui nous affecte : on est passé d’une pandémie à une guerre, à un niveau d’inflation qu’on n’a pas vu depuis 40 ans, à des chaînes d’approvisionnement mondiales qui sont déboussolées, énumère Jonathan Ferrari. Dans ce contexte-là, ça crée pas mal de pression sur notre équipe », souligne-t-il.

Difficile de prédire

Lors du dernier trimestre clos le 5 mars, Marché GoodFood a connu une diminution de ses revenus de 27 % par rapport à la même période l’an dernier. La société a également perdu des clients actifs, passant de 254 000 pour le même trimestre en 2021 à 249 000. Selon les chiffres fournis par l’entreprise, mardi, on en compte maintenant 246 000. Près de 70 travailleurs ont également perdu leur emploi dans les installations du Québec et de l’Ontario. Au cours des derniers mois, des changements ont aussi été apportés au conseil d’administration et dans la haute direction.

S’il se doutait que l’assouplissement des mesures sanitaires allait engendrer un essoufflement dans la demande des boîtes de repas prêts à préparer, M. Ferrari avait bien du mal à prédire de quelle façon les habitudes des consommateurs changeraient. « C’était difficile de prédire combien et quand, mais on savait qu’il y aurait un impact, reconnaît-il. L’important, c’est de continuer à innover et servir les clients d’une façon différente de celle de nos compétiteurs. C’est pour ça qu’on a vraiment mis l’accent sur Goodfood sur demande, qui connaît une croissance assez fulgurante. »

« Ça permet d’enlever toute la notion de gestion d’abonnement, ajoute-t-il. Ça donne la possibilité de commander des choses à la dernière minute. »

En plus de trois mois, le nombre de clients qui ont utilisé le service sur demande est passé de 13 000 à 27 000. Actuellement, l’entreprise offre un total de 1200 produits. D’ici la fin de l’année, ce chiffre grimpera à 2000.

Ce modèle d’affaires qui commence à s’apparenter à ce que font les supermarchés traditionnels sera-t-il rentable pour la société ? Jordan LeBel en doute. « L’offre ne semble pas assez alléchante [pour rallier des consommateurs], croit-il. Je ne pense pas que ça soit suffisamment mobilisateur. Je trouve que la proposition de valeur qu’ils essaient de développer nous ouvre vers une autre forme de compétition. Et ils en ont déjà pas mal, de compétition. Alors, pourquoi faire ça ? »

Marché Goodfood

Année de fondation : 2014

Nombre total d’employés : 3000

Siège social : Montréal

Nombre de clients actifs : 246 000