Couche-Tard aurait dans sa ligne de mire deux importantes transactions, soit l'ajout du réseau de Petro-Canada ainsi que des commerces du détaillant britannique EG.

En réalisant cette acquisition évaluée à 16 milliards de dollars américains, Couche-Tard dirigerait alors un groupe doté d’un chiffre d’affaires annuel dépassant les 70 milliards de dollars et quelque 21 000 établissements de restauration rapide, stations-service et épiceries dans plus de 30 pays. Il réunirait le réseau d’EG au Royaume-Uni, en Europe occidentale et en Australie et celui de Couche-Tard aux États-Unis, au Canada, en Europe du Nord et dans quelques autres pays. C’est le service de nouvelles financier Dow Jones qui a mentionné vendredi l’intérêt de l’entreprise de Laval pour la Britannique EG.

Les conjectures entourant la vente des magasins Petro-Canada – détenus par Suncor – se sont quant à elles intensifiées cette semaine lorsqu’un important actionnaire de la pétrolière canadienne a publié jeudi une lettre envoyée à la haute direction pour demander des changements, notamment un examen stratégique des activités touchant Petro-Canada.

« C’est certain que c’est quelque chose qui va intéresser Couche-Tard », lance en entrevue l’analyste Martin Landry, de la firme Stifel GMP.

Dans sa présentation, l’investisseur institutionnel militant de la Floride Elliott Management laisse entendre que les activités de détail de Suncor génèrent un bénéfice avant impôt, intérêt et amortissement de 800 millions.

« Si tel est le cas, le prix d’acquisition pour les 1600 établissements de Petro-Canada pourrait avoisiner les 8 à 10 milliards de dollars (10 fois le bénéfice avant impôt, intérêt et amortissement) », dit Martin Landry.

L’analyste rappelle que Couche-Tard avait payé 1,7 milliard pour 278 sites en 2016 lors de l’achat de magasins Esso, c’est-à-dire 6 millions de dollars par site. Il croit que cette valeur est le plafond de la fourchette de valorisation.

« Comme pour n’importe quelle transaction d’importance, je m’attends à ce que Couche-Tard participe à un processus potentiel impliquant les actifs de Suncor dans le commerce de détail, mais la concentration du marché au Canada empêche probablement Couche-Tard de faire une offre pour l’ensemble du réseau », affirme Irene Nattel, analyste chez RBC.

Elle souligne dans une note de recherche que, selon les données publiées par Elliott Management, cet actionnaire militant fait miroiter que la valeur du réseau de détail de Suncor pourrait atteindre jusqu’à 12 milliards.

« La possibilité que les actifs de Petro-Canada soient vendus est réelle, souligne de son côté Peter Sklar, de la BMO. Et Couche-Tard est le premier acheteur qui me vient en tête. Si une transaction devait se concrétiser, l’action de Couche-Tard réagirait de manière positive en raison des synergies à dégager. »

Il note toutefois que, dans ce cas-ci, les synergies sont plus incertaines puisque Petro-Canada achète son essence auprès d’elle-même, c’est-à-dire Suncor.

Peter Sklar souligne aussi que les évaluations pour les dépanneurs deviennent moins importantes qu’elles étaient en raison de la montée des taux d’intérêt.

Partenariat nécessaire ?

« Les réseaux de grande qualité comme Petro-Canada sont rarement vendus, dit Irene Nattel. Je m’attends à ce que Couche-Tard soit très intéressé, mais à ce que la direction applique la même discipline et la même rigueur financière que pour ses transactions passées. »

« Avec un peu moins de 300 magasins dans l’Ouest canadien, Couche-Tard serait bien placé pour faire une offre pour la portion des magasins situés dans l’ouest du pays. Mais Couche-Tard se buterait possiblement au Bureau de la concurrence, notamment au Québec et dans certains marchés en Ontario, ce qui laisse croire qu’un partenaire pourrait être nécessaire », précise Irene Nattel.

Les réseaux établis depuis longtemps ont sécurisé des sites attrayants. Il faudra cependant voir le chevauchement avec le réseau de Couche-Tard. Et c’est pourquoi il est possible de réaliser une transaction en partenariat pour qu’elle soit attrayante pour Couche-Tard.

Martin Landry, de la firme Stifel GMP

« Petro-Canada est un excellent réseau, en très bon état, et bien installé depuis longtemps. Les sites sont bien situés », ajoute-t-il.

Bien qu’elle soit difficile à évaluer, cet expert croit que la part de marché de Couche-Tard au pays se situe dans une fourchette de 15 à 20 %.

« Il y a donc de la place pour augmenter cette part de marché au Canada. Il y a possibilité d’acheter une partie du réseau de Suncor. Peut-être que ça peut se faire en partenariat avec Parkland, comme on l’a vu dans le passé lors de l’achat des actifs de CST Brands en 2016 », dit Martin Landry.

« On a vu plusieurs pétrolières se départir de leurs actifs de détail (chaînes de stations d’essence). Ça ne serait pas une surprise de voir Suncor décider de vendre son réseau de stations Petro-Canada », ajoute-t-il.

Peter Sklar souligne qu’Elliott Management a utilisé dans le passé une approche similaire à celle utilisée avec Suncor. Avec Marathon, par exemple, l’approche avait mené à la vente des établissements Speedway à 7-Eleven.

La patience est par contre de mise. « On est au tout début. Il y a un [investisseur militant]. Suncor évalue ses options. La direction pourrait réfléchir pendant un mois ou deux avant de prendre la décision de lancer un processus de vente. Ce processus de vente pourrait durer trois à quatre mois. Une entente pourrait survenir à l’automne pour une transaction qui serait conclue durant l’hiver », selon Martin Landry.

« Nous connaissons la qualité d’acquéreur de Alain Bouchard, et bien sûr de Brian Hannasch et Claude Tessier. Donc je pense que le marché verrait favorablement l’une des deux transactions (Petro-Canada et EG) », commente le gestionnaire de portefeuille Philippe Hynes de la firme Tonus Capital.

Il n’a pas été possible d’obtenir une réaction auprès de la direction d’Alimentation Couche-Tard.