Chaque samedi, un de nos journalistes répond, en compagnie d’experts, à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

La performance de la Caisse de dépôt et placement du Québec est souvent louée. Pourquoi n’offre-t-elle pas au public un équivalent de fonds commun de placement, dont les placements reproduiraient le plus automatiquement possible les placements actuels de la Caisse ? Comme petit investisseur privé, j’adorerais un tel fonds ! Juste un seul fonds vendu sans conseil par internet, destiné principalement aux retraités. Ça me paraît tellement évident qu’il doit y avoir des contraintes réglementaires qui l’empêchent, mais sont-elles justifiées pour le bien commun ?

Luc Salomon

La Caisse de dépôt ne peut pas accepter les dépôts des individus ni des entreprises privées. La loi lui permet seulement d’accepter et de gérer les fonds d’organismes publics qui relèvent du gouvernement du Québec.

Pourquoi ne pas changer la loi ? Afin de comprendre la logique derrière les règles actuelles, nous avons demandé l’aide de l’ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec Richard Guay, aujourd’hui professeur titulaire en finance à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Richard Guay, ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec

La CDPQ a des frais de gestion peu élevés d’environ 0,25 % comparativement à ceux des fonds communs de placement, qui peuvent dépasser les 2 %.

« Ces bas coûts sont liés notamment au fait que ses déposants sont à la CDPQ pour plusieurs décennies. »

C’est le cas par exemple de la Régie des rentes du Québec (RRQ) depuis 1966 et d’autres déposants comme le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP), la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

Ces déposants à long terme, qui ont des sommes énormes et pour longtemps [peut-être pour toujours], réduisent énormément les coûts et les suivis à la CDPQ. Impossible, à la CDPQ, de maintenir ces bas coûts avec des milliers, voire des millions de petits comptes et leurs suivis.

Richard Guay, ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec

La CDPQ tire profit de son horizon à long terme qui lui permet de s’engager à coup de milliards sur plusieurs années, affirme l’ancien président, un modèle difficile à maintenir avec de petits déposants.

Objectifs différents

Les petits investisseurs n’ont pas tous les mêmes comportements. Certains peuvent avoir besoin de déposer et de retirer fréquemment des sommes, d’autres réagissent avec émotion devant une baisse importante des marchés boursiers, comme en mars 2020.

Il faudrait aussi prévoir des investissements importants dans le système informatique de la CDPQ pour le modifier afin qu’il puisse assurer le suivi d’un nombre élevé de petits comptes.

« Si la CDPQ acceptait des dépôts de particuliers, elle risquerait d’être encore plus sujette aux critiques lorsque les décisions ou les résultats sont décevants, ajoute Richard Guay. Comme vous savez, la CDPQ cherche plutôt un profil bas pour limiter les critiques et les enjeux. »

« À titre de petit investisseur, il y a toujours votre RRQ [une portion de vos économies pour la retraite] qui est géré par la CDPQ, de même que votre assurance revenu incluse dans votre permis de conduire [SAAQ] et votre assurance accident de travail [CNESST]. »

D’ailleurs, ces institutions n’ont pas le droit de faire gérer leurs avoirs par les entreprises privées de gestion. Selon Richard Guay, si la CDPQ envisageait de modifier sa loi pour accepter les petits investisseurs, les entreprises privées de gestion feraient sans doute des pressions pour éviter cette compétition asymétrique.

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