En août 2021, la faculté de gestion Desautels de l’Université McGill a ouvert ses portes à Yolande E. Chan. Née en Jamaïque et diplômée notamment de l’Université d’Oxford, elle a fait de la diversité, de l’équité, de l’inclusion et de la responsabilité sociale ses chevaux de bataille depuis plus de 20 ans. La doyenne souhaite que l’institution montréalaise soit plus collée que jamais sur la réalité entrepreneuriale, le monde des affaires et les profonds changements de la société.

Qu’est-ce qui vous a amenée à Montréal et au poste de doyenne de la faculté de gestion Desautels ?

Il y a un alignement entre les objectifs stratégiques de la faculté et les miens. Je pense à l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI), par exemple, à la responsabilité sociale des entreprises, à l’innovation, aux technologies numériques et à l’entrepreneuriat. Je suis impliquée depuis longtemps dans ces enjeux. Je veux faire quelque chose pour combler les écarts. Depuis longtemps, je m’attarde au rôle de l’université dans la société dans son ensemble, dans le développement des villes.

Que pensez-vous des titres de directeur diversité, équité et inclusion en entreprise ? Trop peu, trop tard ? Sont-ils nécessaires ?

La représentation des femmes à la direction des conseils d’administration est désolante. Il y a des femmes, mais pas au poste de présidente. Même chose pour les gens issus de la diversité. Nous ne sommes pas du tout rendus dans une zone acceptable. C’est donc un poste important. On vient justement d’engager un autre employé en EDI à la faculté. Il faut une ressource dédiée qui fait ouvrir les yeux, qui éduque et fait des suivis. Même si ça change dans les organisations et qu’on n’aura pas toujours besoin de ces postes, ils sont essentiels actuellement.

Je suis bien placée pour faire la promotion de la diversité et de l’inclusion, car j’ai vécu de telles absences. Il y a peu de supérieurs noirs dans les facultés. C’est triste qu’au Canada, aujourd’hui, en leadership, dans presque toutes les industries, on ne voie pas de femmes issues de la diversité. Il faut que ça change. Il faut des modèles. Qu’on entre dans une classe et qu’on dise : « C’est la doyenne », et non : « Quoi ? C’est la doyenne ? » On fait peu de place à ceux qui sont différents. Or, nous méritons notre place, car on est excellentes. Il faut avoir un pipeline de candidates. Il n’est pas question de baisser la barre. Et ça doit partir du système scolaire.

Qu’est-ce qui a changé à l’école de gestion dans ce qui est enseigné depuis le début de la pandémie ?

On enseigne aux étudiants de la faculté à pouvoir se retourner rapidement et faire face à l’inattendu. On est à une époque de perturbations continuelles, la COVID, Black Lives Matter, la guerre… on vit des changements, des choses horribles les unes après les autres. Nos étudiants doivent donc être capables de suivre, de gérer de nouvelles situations, d’apprendre constamment. C’est la clé du succès. Comme les entreprises vivent dans un contexte de changements impromptus, on expose nos étudiants de plus en plus à des situations réalistes. Je veux qu’ils fassent face à la réalité, qu’ils décrochent leur diplôme avec au moins une expérience concrète.

Les PME ayant beaucoup souffert pendant la pandémie, pensez-vous que les étudiants de votre faculté seront aussi attirés par l’entrepreneuriat désormais ?

La grande majorité des entreprises au Canada sont des PME. Ça coule dans les veines du pays. D’après ce que je vois à l’Université McGill, l’intérêt n’a pas du tout baissé. Je ne sens pas de désengagement du tout. Des milliards de dollars sont accordés en financement de démarrage. Les étudiants voient ça. Ils veulent ça ! Ils veulent bâtir l’après-COVID. On veut s’assurer qu’ils aient le sens de l’entrepreneuriat dans la vie. On veut qu’ils soient capables de rebondir dans la vraie vie, de trouver des solutions, des circonstances opportunes pour eux et les autres. Et on veut que l’université devienne entrepreneuriale. C’est un grand défi. Il y a des occasions qu’on peut saisir de la COVID. On veut que ce qu’on enseigne et ce qu’il y a sur le terrain soient conséquents.