Notre appel à tous concernant un changement de nom potentiel a fait surchauffer nos boîtes de courriel et a même débordé dans les autres sections du journal. Voici un aperçu des 650 courriels reçus en fin de semaine.

Il n’est pas trop tôt pour changer

Changer le nom de la poutine ? Contrairement à ce que dit Madame Brouard, je crois qu’il n’est pas trop tôt pour y penser. Trop tôt pour faire le changement, sans doute, mais pas trop tôt pour y penser. La rationalisation des gens dont elle fait mention n’est pas innée, elle est acquise et on a vu récemment (dans les deux dernières années, entre autres), que plusieurs ne réussissent pas à rationaliser à un degré suffisant, ce qui entraîne des situations fort désagréables. Au Québec, on célèbre la poutine depuis longtemps. Au Canada anglais, depuis peut-être une dizaine d’années, et on sait que ça se prononce « pooteen ». Je me demande ce qu’en pensent les Acadiens avec leur poutine râpée.

— Élisabeth Gagnon

Le despote du « stand à patates »…

Je ne crois pas qu’on doive renommer la poutine. D’une part, le lien entre le plat et le dirigeant russe est assez anecdotique. D’autre part, lorsque l’on sait ce qu’est une poutine, le lien entre les deux est plutôt au désavantage du dirigeant russe. Les enfants, et plusieurs de leurs aînés, se bidonnent bien quand on leur dit qu’il y a un chef d’État ambitieux appelé Poutine. Nous aimons bien l’imaginer en despote d’un « stand à patates graisseux » sur le bord de la route…

— Jean Cormier

Un appui de la France

Je suis français et je ne connaissais pas la poutine avant que cette malheureuse homonymie avec Vladimir la mette sur le devant de la scène. Deux réflexions : premièrement, j’ai furieusement envie d’aller goûter ce plat traditionnel québécois. Deuxièmement, si Vladimir s’appelait Bourguignon, je refuserais farouchement qu’on rebaptise l’un des fleurons de la cuisine française. Tenez bon, mangez de la poutine et vive le Québec !

— Philippe Wozniak, France

Une poutine pour la Croix-Rouge ?

J’aurais tendance à faire une proposition d’affaires temporaire aux clients. On garde le nom poutine, mais pour ceux qui achètent la poutine spéciale Zelinsky, 50 cents pourraient être versés à la Croix-Rouge pour l’Ukraine. Je payerais volontiers ces 50 cents !

— Eric Patry

Un dirigeant indigne de s’appeler Poutine

Bien avant de désigner un mets inventé dans les années 1950, le mot poutine est une expression familière québécoise qui témoigne d’un ensemble d’éléments hétéroclites. À cet effet, le mot poutine est un dérivé francisé du mot anglais pudding où se mêlent plein d’ingrédients. Le fameux mets « frites, fromage et sauce » a été baptisé poutine dans les années 1950 pour faire référence à ce mélange d’ingrédients hétéroclites et à l’expression québécoise qui en découlait. Le mot poutine, qui fait partie des expressions québécoises encore en usage, est utilisé pour définir des affaires compliquées : « C’est juste de la poutine ça ! » Je comprends qu’en ces moments tragiques pour nous tous, le mot poutine nous amène ailleurs et nous donne des frissons dans le dos. Le peuple ukrainien souffre à tous les instants de la pugnacité de Vladimir Poutine et c’est lui qui devrait ne plus être digne de porter son nom.

— Marie-José Laurin, Blainville

À l’origine était le « frite, fromage, sauce »

Mon père et ma mère ont créé la marque Les Fromages Princesse. À l’ouverture du restaurant, le nom de la poutine était Frite Fromage Sauce.

— Claude Provencher

Changement au menu de sa cantine

Je suis propriétaire d’un casse-croûte saisonnier et je songe à changer le nom de poutine sur mon menu pour « frites québécoises ». À mon avis, la poutine va baisser d’un cran durant ma prochaine saison estivale. Qu’en pensez-vous ?

— Yves Blondin

Un débat qui rebondit en Australie

Bonjour, je suis Québécoise et habite en Australie. J’écris un blogue culinaire parlant souvent de notre culture gastronomique et j’avoue avoir ce malaise parlant de poutine, oui… Par contre, en anglais, le nom de Vladimir s’écrit « Putin ». Pourquoi ne pas plutôt changer la façon d’écrire son nom en français que de changer le nom de notre mets national, qui ne fait pas de mal à personne ? J’ai grandi dans la région de Thetford Mines et dans ce temps-là, on n’appelait pas ça une poutine, mais un « mixte » ! Je n’ai appris le mot poutine que lorsque nous sommes déménagés dans la région de Montréal en 1989. Alors si le nom du mets était à changer, un mixte (qui selon Wikipédia est le nom original) est ma suggestion ! P.-S. Une poutine avec fromage en grains sera la première chose que je vais dévorer quand je vais remettre les pieds au Québec après plus de trois ans… !

— Annemarie Bolduc

L’épreuve du temps

À mon avis, la notoriété de LA poutine dépasse largement nos frontières. Certains ont fait un travail remarquable pour faire connaître ce plat québécois à l’étranger. Une lecture de l’article de Simon Chabot publié le 24 avril 2021 dans La Presse saura vous en convaincre. Écartons ce vil politicien de l’affaire et approprions-nous, une fois pour toutes, la paternité de LA poutine en la nommant systématiquement LA poutine du Québec (Quebec’s Poutine). À moins que l’origine ne soit du verbe « To put in » (ce que l’on met dedans)… Ce qui deviendrait alors : Dans ta « Put-IN », met ce que tu veux. Peu importe, Poutine passera et LA Poutine restera.

— François Lemieux

Relisez l’article « L’incroyable épopée de la poutine autour du monde »

À chacun sa poutine

Surtout, ne changez pas le nom de votre poutine. De la Suisse, je ne comprends pas bien pourquoi il faudrait en changer. Chez nous, votre plat a une belle cote de popularité. Quand on pense Québec, c’est un des trois éléments de votre culture auquel on pense en premier, avec le Canadien (ou le hockey) et votre formidable accent. La délicieuse poutine s’est fait connaître avant le dictateur Poutine. On devrait d’ailleurs peut-être ajouter dans les conditions pour lever les sanctions contre la Russie la nécessité que le président russe change de nom. Savez-vous qu’il y a aussi une autre définition au mot poutine : La poutine (poutina en niçois) est le nom vernaculaire utilisé dans la région niçoise pour désigner des alevins de poisson, particulièrement Sardina pilchardus et Engraulidae encrasicolus.

— Raphaël Ebinger, journaliste au quotidien 24 heures, Nyon, Vaud, Suisse

En vrac

Il fallait choisir, voici – dans le désordre – quelques appellations que vous avez proposées.

Froutine, Patatine, Fromfrites, Frites-sauce-fromage, Une (ou un) « mixte », pitoune, routine, toupine, une Québécoise, Frito-bec, Patacouic, Énitoup, Pommes de terre à la Kyiv, Poufrite, Fritomage, Salade québécoise, SquouiSquoui, « Une Pout’ », une « savoureuse », une Frito cheese, fritouille, Goûtine (elle aura plus de goût…), Poutinette, une « gravité » (pour la sauce « gravy » et le fait que ça « tombe dans l’estomac… »), Tit-Poute, Une pouine (car c’est plus santé « sans T »).

À propos de la graphie du nom du président russe

Vous avez été nombreuses et nombreux – surtout nombreux – à nous écrire pour proposer l’utilisation de la graphie anglaise de Putin au lieu de Poutine. Comme La Presse l’a précisé le 6 mars dernier : « La translittération se fait selon le système phonétique de la langue d’arrivée, donc le français, bien sûr, pour La Presse. […] Les sons ne se transcrivent pas de la même manière en français et en anglais. On écrit Brejnev en français, mais Brezhnev en anglais. Pour rendre le son ou, on écrit Putin en anglais et Poutine en français. »

Relisez notre rubrique En un mot du 6 mars dernier « Noms de pays : le nom »