(Québec) Québec solidaire et le Parti québécois profiteront du débat sur le projet de loi interdisant l’exploitation des hydrocarbures pour dénoncer l’indemnisation de 100 millions que Québec prévoit verser à l’industrie. Le Parti libéral croit cependant qu’il est normal de dédommager les entreprises, mais veut aller plus loin en investissant dans le gaz naturel renouvelable.

La Coalition avenir Québec (CAQ), le Parti libéral (PLQ), Québec solidaire (QS) et le Parti québécois (PQ) s’entendent tous pour mettre fin à l’exploration et à l’exploitation du gaz et du pétrole sur le territoire du Québec. Mais il y aura tout de même un débat cette semaine à l’Assemblée nationale, où la pièce législative déposée par le ministre des Ressources naturelles, Jonatan Julien, sera étudiée en commission parlementaire. L’indemnisation de 100 millions prévue par le gouvernement Legault ne laisse personne indifférent.

« Le problème, c’est que le programme de compensation du gouvernement est totalement inacceptable », déplore Manon Massé, de QS. Le parti de gauche estime que les entreprises pétrolières et gazières savent très bien qu’elles investissent dans un secteur risqué, et que l’État québécois a le droit de tourner le dos aux hydrocarbures en raison de l’urgence environnementale sans avoir à leur offrir une compensation. « Ils ont choisi d’investir, de prendre des risques, alors que depuis au moins 30 ans, on sait que les hydrocarbures emmènent le climat là où il est », dit-elle.

Mme Massé souhaite aussi que le gouvernement prohibe tout nouveau projet de construction d’oléoduc et de gazoduc, et qu’il cesse de subventionner le transporteur de gaz naturel Énergir, notamment pour élargir son réseau de distribution. S’il faut interdire l’exploitation du gaz dans le sous-sol québécois, la consommation de gaz naturel du Québec doit aussi diminuer très rapidement, souligne-t-elle.

Le PQ croit également que ces entreprises ne devraient pas toucher un sou. La formation politique s’appuie sur une analyse du Centre québécois du droit de l’environnement pour prendre cette position. « Notre position, c’est : pas d’indemnisation, zéro dollar en compensation », affirme le député Sylvain Gaudreault, qui a croisé le fer avec le secteur gazier dans le passé en s’opposant au projet d’exportation de gaz naturel GNL Québec.

Déjà, le député péquiste a insisté pour que l’Association de l’énergie du Québec se présente sous son vrai nom. L’Assemblée nationale entendra donc l’Association pétrolière et gazière du Québec. « Ce qui est irritant, c’est leur propos. Ils traitent le Québec de république de banane, et inventent n’importe quoi, mais j’ai dit : ce n’est pas vrai qu’on va recevoir du monde sous un faux nom à l’Assemblée nationale », a-t-il dit.

M. Gaudreault s’oppose également à la construction de nouveaux ouvrages permettant l’importation d’hydrocarbures. Il appuie cependant l’élargissement du réseau de distribution de gaz naturel au Québec, pourvu que l’État se fixe des cibles plus importantes de production de gaz naturel renouvelable.

Le PLQ critique QS

Le Parti libéral s’en prend ouvertement aux deux autres partis de l’opposition et envoie Pierre Arcand dans la mêlée. L’ancien ministre libéral des Ressources naturelles s’y connaît : il a négocié la sortie du gouvernement dans l’aventure pétrolière d’Anticosti. Ne rien donner aux entreprises, « ça n’a pas de sens », tonne-t-il.

Sa cheffe Dominique Anglade avait dit début février qu’elle souhaitait que le montant de l’indemnisation « tende vers zéro avec les entreprises ». M. Arcand est plus nuancé. « Quand on négocie avec les entreprises, à un moment donné, tu fais une réunion avec les avocats du gouvernement, et tu te demandes : est-ce qu’on est mieux d’aller en cours ou de régler ? », explique-t-il.

Il ne sait donc pas si les 100 millions mis sur la table par le gouvernement Legault tiennent la route. Mais il veut demander des comptes. Ne rien donner, « ce n’est pas trop bon pour l’image du Québec à l’international », dit-il, mais « on veut que le gouvernement justifie ces montants ».

Sur le fond, toutefois, M. Arcand croit que le projet de loi ne changera pas grand-chose sur le terrain. « Le Québec a dépensé plus d’encre que de pétrole depuis nombre d’années. Dans les faits, c’est ça. Il y a eu une production ridicule. Ce que le gouvernement annonce, alors que tout le monde s’est déjà passablement retiré [du secteur], c’est qu’il annonce la réalité », dit M. Arcand.

Il croit donc qu’il manque un aspect important à la pièce législative : un plan sérieux pour réduire la consommation de gaz naturel au Québec, ou le remplacer par du gaz naturel renouvelable ou de l’hydrogène. « C’est ce qu’on veut faire avec le projet ÉCO [un plan d’investissement de 100 milliards d’ici 2050 présenté par Dominique Anglade] », indique Pierre Arcand.

M. Arcand estime qu’il sera plus facile de faire pression sur Énergir depuis qu’elle est passée sous le contrôle de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le gouvernement « doit mettre de la pression pour que le gaz naturel soit de plus en plus renouvelable, et pour que ce ne soit pas du gaz de schiste américain qui soit importé », dit-il.

En savoir plus
  • Indemnisation proposée par Québec : 66 millions pour les dépenses engagées par les entreprises entre 2015 et 2021 et 33 millions pour payer 75 % des coûts de réhabilitation des sites gaziers
    source : Ministère des Ressources naturelles