Le gouvernement provincial lance un nouveau programme de subvention dans le but d’accélérer la construction de logements abordables. La ministre responsable de l’Habitation le promet plus efficace que le programme en vigueur depuis 1997. Elle annonce la sortie de terre des premiers appartements dès l’été prochain.

Québec a annoncé jeudi matin le programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), doté d’une enveloppe de 200 millions, pour un total de 2000 nouveaux logements abordables dans la province.

« On veut que les Québécois puissent avoir un logement qui leur convient en termes de besoins et aussi en termes de coûts. Pour y arriver, il faut continuer d’augmenter l’offre de logements au Québec », a déclaré la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, en conférence de presse. « Il y a un resserrement du marché locatif au Québec. Il y a un manque de logements abordables. Ça fait des décennies que ça dure. Mais avec l’annonce d’aujourd’hui, on appuie sur l’accélérateur », a-t-elle poursuivi.

Le but est d’offrir des logements neufs dont le loyer va correspondre à la valeur du loyer médian régional. Par la suite, les loyers pourront être indexés chaque année en fonction des indices de fixation prévus par le Tribunal administratif du logement.

Dans le PHAQ, l’aide gouvernementale sera modulée en fonction de la durée de l’engagement du promoteur à conserver le caractère abordable du logement. La durée minimale est de 15 ans.

Contrairement au programme existant AccèsLogis, que la ministre qualifie de lourd, le nouveau programme subventionnera des projets soumis par des promoteurs privés sans exclure les organismes communautaires et paramunicipaux.

Autre différence avec AccèsLogis, qui réserve au moins la moitié des logements aux ménages très pauvres, le PHAQ n’impose pas de seuil minimum de prestataires d’une aide au logement parmi les locataires. On parle ici des locataires se qualifiant pour une allocation dans le cadre du programme de supplément au loyer (PSL).

En raison de la souplesse du nouveau programme, la ministre soutient qu’il sera en mesure de livrer les logements attendus en un an plutôt que quatre ans, comme dans le cas d’AccèsLogis.

Un premier appel à projets sera lancé le 1er mars prochain.

Réactions

Les groupes communautaires actifs dans le secteur du logement émettent des réserves. Ils reprochent au gouvernement d’avoir conçu un programme sans consultation véritable. « C’est un changement d’approche par rapport au programme AccèsLogis, qui repose sur la mixité sociale en réservant un minimum de 50 % des logements aux ménages à très faible revenu », déplore dans un entretien Jacques Beaudoin, responsable aux Affaires publiques pour le Regroupement québécois des OSBL d’habitation. Il s’inquiète aussi pour la pérennité du parc de logements abordables puisque l’engagement minimum est de 15 ans plutôt que 35 ans dans AccèsLogis.

Du côté du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), on critique le flou entourant l’avenir du programme AccèsLogis.

L’urgence, ce n’est pas de mettre sur pied un programme à la va-vite, mais d’indexer et d’améliorer AccèsLogis, comme on nous le promet depuis cinq ans.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Les villes applaudissent la prise en compte des besoins régionaux. « À titre de porte-parole des régions, la Fédération québécoise des municipalités (FQM) appuie l’ajout d’une aide supplémentaire pour les projets qui ne peuvent être viables dans les régions où le prix des loyers est trop bas », a affirmé dans un communiqué Jacques Demers, président de la FQM et maire de Sainte-Catherine-de-Hatley.

Les propriétaires, de leur côté, si on se fie aux propos de Benoit Ste-Marie, DG de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, trouvent les cibles de réalisation des unités ambitieuses.

Logements neufs et contrôle des loyers

Québec veut assujettir au contrôle des loyers les logements neufs qui, eux, en sont exemptés. Un logement locatif neuf n’est pas assujetti à la juridiction du Tribunal administratif du logement pour ce qui est de la fixation du loyer pendant cinq ans. « Je peux même le dire dès maintenant aux promoteurs qui pensent pouvoir augmenter ainsi considérablement leurs loyers, a prévenu la ministre Laforest, on travaille pour que cette clause-là, de cinq ans, soit réduite au niveau du nombre d’années. On essaie de le faire le plus tôt possible. » Dernièrement, des locataires logeant dans un appartement récent se sont plaints dans les médias de recevoir des avis d’augmentation de loyer spectaculaire, atteignant même 735 $ par mois dans un cas. Pour l’organisme de défense des intérêts des propriétaires, la CORPIQ, cette exemption a été introduite pour inciter les constructeurs à bâtir des logements locatifs. Selon son DG, Benoit Ste-Marie, le retrait de cette exemption aura pour effet de décourager la construction d’appartements locatifs si elle n’est pas accompagnée d’autres mesures pour compenser son effet négatif. Bien des marchés au Québec font actuellement face à un manque de logements à louer, rappelle-t-il.