Avec l’augmentation prévue du prix du lait à partir du 1er février, il n’y aura pas que la poutine qui coûtera plus cher. Le coût des fromages vendus aux consommateurs augmentera et l’offre en magasin pourrait également être moins grande.

Le prix du lait à la ferme connaîtra une hausse de 8,4 % à partir du 1er février. Cette recommandation, faite par la Commission canadienne du lait (CCL) l’automne dernier, oblige notamment la fromagerie Boivin, située à La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, à augmenter le coût de son fromage d’environ 1,50 $ le kilo. Son « couic couic » en grains est vendu dans de nombreux supermarchés partout au Québec.

D’autres entreprises contactées par La Presse, comme la fromagerie Victoria, elle aussi spécialisée dans le cheddar en grains, et la fromagerie Médard, ont également confirmé qu’elles procéderaient à des hausses de prix. « On aura une augmentation de 5 % à 10 %. On n’a pas le choix », affirme d’un ton résigné Normand Côté, copropriétaire de la fromagerie Médard et président de l’Association des fromagers artisans du Québec.

Questionnée à ce sujet à la fin de l’année dernière, Marie-Eve Robert, vice-présidente marketing du Groupe Bel Canada, connu pour sa célèbre Vache qui rit ou encore son Mini Babybel, avait aussi laissé entendre que les consommateurs devraient payer plus cher les produits de la multinationale.

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Marie-Eve Robert, vice-présidente marketing du Groupe Bel Canada

Tout le monde doit s’y attendre. Mais c’est sûr qu’on essaie de travailler fort pour que le produit reste accessible.

Marie-Eve Robert, vice-présidente marketing du Groupe Bel Canada

« Il n’y a pas seulement le coût du lait qui augmente, rappelle le directeur général de la fromagerie Boivin, Luc Boivin. Il y a les coûts de distribution et de transport, la pénurie de main-d’œuvre qui nous a obligés à ajuster les salaires, l’emballage. »

Il indique qu’au cours de l’année 2021, son entreprise a fait face à trois hausses du prix du carton. Celui-ci a augmenté de 40 %. Le coût des pots de verre dans lesquels il vend son P’tit crémeux, un fromage fondu, a doublé.

La recommandation de la CCL se fera également sentir au restaurant. Les amateurs de poutine verront une différence sur leur note, confirme Marc-André Gosselin, directeur général de la fromagerie Victoria, qui exploite 18 restaurants situés dans plusieurs régions du Québec.

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Marc-André Gosselin, directeur général de la fromagerie Victoria

« On doit pousser des hausses à des gens qui n’en méritent vraiment pas », ajoute Luc Boivin, en faisant référence aux restaurateurs. La fromagerie Boivin est par ailleurs propriétaire de la célèbre fromagerie Lemaire, située près de Drummondville, en bordure de l’autoroute 20. L’endroit compte parmi les destinations prisées par les amoureux de la poutine.

Des rayons vides ?

Par conséquent, l’offre en magasin pourrait diminuer. « Est-ce qu’on pourrait avoir des tablettes vides de certains produits laitiers parce que le fabricant a décidé d’arrêter de livrer au mois de février ? se demande Luc Boivin. Avant, je n’aurais jamais dit ça. Cette année, je dirais que c’est probable. On est rendus là, si on ne couvre pas nos coûts, on est morts. »

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Luc Boivin, directeur général de la fromagerie Boivin

Il y a des produits qui vont peut-être disparaître. On a temporairement arrêté le fromage barbecue en grains. Ça prenait de la main-d’œuvre supplémentaire. Ça nous prenait des équipes de lavage.

Luc Boivin, directeur général de la fromagerie Boivin

« On livre du fromage tous les jours. Mais on ne cherche pas de nouveaux contrats, on dit à nos clients de ne pas pousser les ventes, de ne pas faire de promotion. »

Au Conseil des industriels laitiers du Québec, le président-directeur général, Charles Langlois, laisse également entendre que des producteurs pourraient décider de tourner le dos à certains détaillants s’ils sont peu enclins à accepter ces hausses.

Résultat : l’offre ne serait pas la même partout. « Peut-être qu’ils vont dire : “Tu ne veux pas acheter mon produit à tel prix, eh bien, je ne t’en vendrai pas, c’est tout.” Ce sont des possibilités qui sont dans l’air, qu’on entend. Plusieurs entreprises évoquent cette possibilité », affirme M. Langlois.