Le 29 octobre 2018 et le 10 mars 2019, deux Boeing 737 MAX des compagnies Lion Air et Ethiopian Airlines s’écrasent, faisant 346 morts. Dans Downfall : The Case Against Boeing, documentaire consacré à cette affaire et présenté à Sundance, l’achat de McDonnell Douglas par Boeing et la recherche immodérée de profits sont mis en cause.

L’achat de l’avionneur McDonnell Douglas par Boeing a beau remonter à 1997, il a amorcé un changement radical de culture au sein du géant de Seattle où la recherche acharnée pour les profits et une bonification de la valeur de l’action ont pris le pas sur la sécurité des voyageurs.

C’est la conclusion cinglante qui se dégage du documentaire Downfall : The Case Against Boeing, consacré aux deux écrasements d’appareils 737 MAX en moins de cinq mois et présenté vendredi dernier au Festival Sundance. Réalisé par Rory Kennedy, plus jeune des 11 enfants de Robert F. et Ethel Kennedy, le film sera bientôt mis en ligne sur Netflix.

La première moitié du documentaire expose les faits autour des deux accidents et explique la principale défaillance technique en cause, à savoir un dysfonctionnement du système antidécrochage MCAS. Ce système est destiné à stabiliser le nouvel aéronef dont la carlingue pouvait être débalancée par le poids de moteurs plus lourds que les précédents sur le 737.

PHOTO TIRÉE DE WIKIPÉDIA

La réalisatrice Rory Kennedy

Puis, dans la deuxième partie, les accusations pleuvent. Elles viennent autant de quelques proches des victimes que de journalistes, d’anciens ingénieurs et responsables de la qualité chez Boeing que de Peter A. De Fazio, représentant démocrate de l’Oregon au Congrès des États-Unis et président du Comité des transports qui a tenu une enquête sur les causes des deux catastrophes.

Pour d’anciens employés interviewés, les choses ont commencé à changer lorsque Boeing a acheté McDonnell Douglas à la toute fin de 1996. Du coup, toute la culture d’entreprise a changé. Exit l’esprit familial et le souci de qualité, et bonjour les profits.

« C’est comme si, soudainement, on s’était mis à fabriquer des lave-linge », indique un des participants.

« J’étais responsable de la qualité chez Boeing, dit une autre ancienne employée. Si quelque chose n’allait pas, tu devais trouver la source du problème pour assurer la sécurité de l’appareil. Mais par la suite, tout allait en fonction de la vitesse, à aller de l’avant et compléter le travail. On ne pouvait plus arrêter ou ralentir. »

Le film indique que la conception du 737 MAX s’est faite dans la foulée de l’arrivée d’un concurrent de taille : l’Airbus A320 Neo qui consomme moins de carburant. Pour y répondre, l’avionneur américain a mis des moteurs plus lourds et plus performants sur son 737. Le nouvel appareil a fait sensation, et les ventes ont explosé.

Ancien journaliste au Wall Street Journal et un des témoins les plus cités dans le film avec Peter A. De Fazio, Andy Pasztor a enquêté sur les deux accidents. Selon lui, Boeing a tout fait pour blâmer les pilotes et a fait un minimum de gestes pour corriger le tir après le premier crash.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Une scène du documentaire Downfall : The Case Against Boeing

Par la suite, des centaines de milliers de pages de documents de l’avionneur remis à la Commission des transports du Congrès ont montré que le constructeur n’avait aucune intention de former les pilotes en simulateurs, ce qui coûte très cher, pour se familiariser avec le système MCAS. Une formation de niveau B (avec ordinateur ou autres outils visuels) était suffisante.

Boeing a répondu par écrit aux demandes d’entrevues, alléguant entre autres qu’un des témoins (John Barnett) dit de fausses allégations et qu’aucune enquête du gouvernement ou de la Federal Aviation Administration n’ont démontré que les conditions de travail dans la chaîne de production ont mené aux deux écrasements. La compagnie a néanmoins déboursé 2,5 milliards de dollars en amendes et compensations pour éviter des poursuites au criminel.

Très intéressant dans son récit, le film nous est néanmoins apparu convenu, tire-larmes et appuyé. La réalisatrice utilise plusieurs fois des simulations.

Sur Rotten Tomatoes, agrégateur de critiques, trois revues sur quatre étaient positives en date du 23 janvier. The Hollywood Reporter est par ailleurs cinglant, estimant que la recherche était superficielle, les sources, insuffisantes, et la conclusion, simpliste.