Vols annulés par les compagnies aériennes internationales et changements d’appareils à la dernière minute… Le déploiement de la 5G autour des aéroports provoque des turbulences aux États-Unis. Les transporteurs aériens s’inquiètent d’un possible « chaos » en raison des risques d’interférences de certains instruments de bord essentiels à l’atterrissage des avions.

Au Canada, le portrait est différent même si ces réseaux de téléphonie mobile de cinquième génération ont été déployés à proximité des aéroports. Malgré tout, les transporteurs du sud doivent garder l’œil sur ce qui se passe au sud de la frontière. Tour d’horizon.

Quels sont les risques pour l’aviation ?

Les réseaux 5G utilisent des fréquences semblables à celles utilisées par les radioaltimètres, des instruments essentiels qui mesurent la distance séparant l’avion du sol. L’industrie aérienne craint d’éventuels brouillages, ce qui compromettrait la sécurité des occupants.

« C’est le morceau à bord qui est vraiment nécessaire lorsque l’appareil souhaite atterrir quand les conditions sont mauvaises en raison de la brume ou de la neige, par exemple, explique l’analyste en aviation et chargé de cours à l’Université McGill John Gradek. En cas de brouillage, l’altimètre peut dire que l’altitude est de zéro même si nous sommes à 3000 pieds. »

La Commission fédérale des communications (FCC) estimait que la 5G pouvait être utilisée en toute sécurité à proximité des aéroports, mais l’agence gouvernementale de la réglementation aérienne (FAA) voyait les choses d’un autre œil.

Des entreprises de télécommunication ont accepté de prendre une pause. Aucune solution à long terme n’a été trouvée pour l’instant.

« On parle d’un risque d’interférences, dit Yves Bergeron, directeur des opérations chez Nolinor. Il n’y a pas eu d’incident rapporté. Ce qu’ils veulent éviter, c’est un incident provoqué par des interférences. Il y a quand même 45 % des avions commerciaux dégagés de ce risque puisque les radioaltimètres sont suffisamment robustes. »

PHOTO CHRISTOPHER PIKE, ARCHIVES REUTERS

Plus importante compagnie aérienne du Moyen-Orient, Emirates a décidé de ne plus offrir de liaisons vers de nombreuses destinations américaines en raison du déploiement de la 5G.

Comment ont réagi les transporteurs ?

En annulant des vols. Plus importante compagnie aérienne du Moyen-Orient, Emirates a notamment décidé de ne plus offrir de liaisons vers de nombreuses destinations américaines en raison du déploiement de la 5G. Ses avions continueront de se poser à New York, Washington et Los Angeles.

La raison est simple : le gros-porteur Boeing 777 serait particulièrement vulnérable aux risques de brouillage. Emirates n’exploite que ce modèle et des Airbus A380.

La FAA estime que beaucoup de familles des appareils Boeing (737, 747, 757 et 767) et Airbus (S310, A319, A320 et A321) pouvaient se poser sans problème à proximité des tours 5G.

« C’est la dernière chose dont l’industrie avait besoin », déplore Robert Kokonis, président de la société de conseil AirTrav, rappelant que les compagnies aériennes peinent toujours à se relever des secousses de la pandémie de COVID-19.

All Nippon Airways, établie au Japon, a aussi annulé une vingtaine de vols à destination des États-Unis. D’autres transporteurs, comme Japan Airlines, Korean Air et Austrian Airlines, tenteront d’utiliser d’autres appareils que des Boeing 777 pour voler aux États-Unis.

Et au Canada ?

Les risques sont moins élevés puisque des mesures extraordinaires ont été mises en place. Ottawa a identifié des « zones d’exclusion » à proximité de 26 aéroports au pays.

De plus, le ministère fédéral de l’Industrie avait publié de nouvelles règles visant à protéger les radioaltimètres. Les réseaux 5G doivent fonctionner dans le spectre oscillant aux alentours de 3500 mégahertz. Aux États-Unis, la fréquence devait varier entre 4200 et 4400 mégahertz – une fourchette jugée problématique. Des mesures similaires ont été mises de l’avant ailleurs dans le monde.

« Quand on arrive au-dessus de 3700 mégahertz, il y a des risques d’interférences, souligne M. Gradek. Dans les zones d’exclusion, l’angle des antennes a été incliné pour réduire l’impact sur les radioaltimètres. »

Néanmoins, Transports Canada a publié, le 23 novembre dernier, une directive pour « accroître la sensibilisation aux risques d’interférences » par la 5G.

Dans un courriel, une porte-parole, Sau Sau Liu, a indiqué qu’Ottawa collaborait avec les secteurs de l’aviation et des télécommunications pour « protéger » les radioaltimètres et « minimiser les interférences potentielles ».

Mon vol sera-t-il annulé ?

Si vous partez d’un aéroport canadien, les chances sont très minces pour le moment. Jusqu’à présent, les annulations ont été annoncées par des transporteurs qui exploitent des Boeing 777 pour de longs vols.

Air Canada, Transat A.T. et WestJet gardent le cap tout en continuant de suivre les recommandations de la FAA.

Pascale Déry, porte-parole d’Air Canada, a indiqué que les « types d’appareils » utilisés par l’entreprise permettaient d’« assurer une exploitation sécuritaire ».

Chez Air Transat, « les aéroports où nous atterrissons ne sont pas problématiques en termes de proximité des tours 5G », a souligné le porte-parole Pierre Tessier.

En janvier, Fort Lauderdale, en Floride, est l’unique destination américaine offerte par l’entreprise québécoise.

Avec l’Associated Press