L’industrie du camionnage est aussi touchée par la géolocalisation, et la surveillance technologique pourrait aussi s’étendre aux télétravailleurs.

Dans l’industrie du camionnage, les GPS installés à bord des véhicules le sont pour des raisons opérationnelles, d’optimisation de la livraison et d’information pour le consommateur qui a commandé un produit et qui suit à la trace, en direct, son colis jusqu’à ce qu’il soit livré chez lui, soutient Stéphane Lacroix, directeur des communications des Teamsters, qui représentent les camionneurs de beaucoup d’entreprises de livraison, dont Purolator, UPS et Dicom.

« Oui, il arrive que ce soit utilisé pour discipliner les travailleurs et travailleuses, mais de manière générale, c’est assez rare et on conteste, précise Stéphane Lacroix. D’habitude, le problème se règle dès la première discussion avec l’employeur, et on n’a pas besoin de se rendre en arbitrage. »

Quand un employeur dit : ‟On t’a suivi à la trace, on sait exactement ce que tu as fait”, ça crée des malaises, et les employeurs sont prudents.

Stéphane Lacroix, directeur des communications des Teamsters

Même si une entreprise allègue les gains de productivité pour justifier l’utilisation de GPS, cet outil doit toutefois être analysé sous un autre angle, affirme l’avocate Sophie Brochu. « La question qu’on se pose en regard de la Charte des droits et libertés est plutôt : est-ce qu’il y a d’autres moyens moins attentatoires pour atteindre mes objectifs de productivité ? »

Les télétravailleurs à risque

Des logiciels américains, qui suivent à la trace la productivité des employés sur leur ordinateur, comme ActivTrak, Teramind, Hubstaff et Time Doctor, sont déjà populaires dans le reste du Canada. Lorsqu’un client commande le logiciel de Time Doctor, une des premières raisons suggérées pour l’acheter est « Je ne fais pas confiance à mes employés ».

« Avec la pandémie et le travail à distance, je prédis que l’utilisation de ces logiciels et de ces techniques de surveillance va augmenter de manière significative », affirme l’avocate en droit du travail Sophie Brochu.

« Si vous avez un logiciel qui enregistre tout ce que vous faites en temps réel, tous les mouvements de souris, pour moi, c’est similaire à une caméra de surveillance qui me filme en temps réel en continu. Pour moi, ça me semble assez problématique. »

En jurisprudence, on a convenu au Québec qu’un employeur ne peut pas effectuer une surveillance électronique en continu à l’égard d’un salarié.

Me Sophie Brochu, avocate en droit du travail

Microsoft Teams, que plusieurs ont découvert avec la pandémie, propose aux gestionnaires des rapports d’activité des employés sur le nombre de messages échangés avec les collègues, le nombre de réunions organisées, la durée des appels vidéo et les applications de Microsoft utilisées. Toutefois, les informations ne sont pas offertes en temps réel, seulement 24 heures après les activités.

À l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, on déplore l’utilisation de ce type d’outils technologiques. « Faire confiance à quelqu’un, ce n’est pas épier ses heures de travail. […] Pour nous, ça ne fait pas de sens », a déclaré sa directrice générale Manon Poirier lors d’un événement de l’Institut de développement urbain, mercredi.

Le président de Télétravail Québec, José Lemay-Leclerc, affirme que, pour l’instant, aucun de ses membres n’utilise ce type de logiciel et qu’aucun télétravailleur n’est surveillé par son employeur. « Nous encourageons les employeurs à opter pour une gestion par résultat et à établir une confiance mutuelle entre la direction et les télétravailleurs », conclut le président de l’association.