(Ottawa) Des documents internes suggèrent qu’il a fallu environ six mois au gouvernement fédéral pour prendre des mesures concernant les remboursements aux passagers aériens après avoir identifié pour la première fois des « lacunes » dans les règles en vigueur au Canada.

Des courriels entre le ministère des Transports et l’Office des transports du Canada révèlent que dès le mois de mai 2020, au début de la pandémie, des responsables ont mis en évidence les angles morts réglementaires entourant le remboursement des passagers dont les vols avaient été annulés en raison de la COVID-19.

Dans un document de discussion, récemment transmis au Comité des transports de la Chambre des communes, on indique que la pandémie avait révélé l’existence de trous dans le cadre réglementaire — qu’il n’y avait « pas de règles de base claires et cohérentes » sur la façon dont les passagers devaient être traités dans ce cas précis.

Mais les documents suggèrent aussi que la question a à peine été soulevée au gouvernement jusqu’à ce que le ministre des Transports de l’époque, Marc Garneau, ordonne à l’Office, le 21 décembre, de renforcer les règles sur ce remboursement, qui n’ont d’ailleurs toujours pas été annoncées.

Le porte-parole du Bloc québécois en matière de transports, Xavier Barsalou-Duval, affirme que le gouvernement n’a montré aucune réelle volonté de s’attaquer à ce problème pendant la majeure partie de 2020.

Taylor Bachrach, porte-parole néo-démocrate en cette matière, affirme que les Canadiens méritent de savoir « pourquoi il a fallu attendre si longtemps » avant que le gouvernement n’agisse.

« Quand on regarde simplement les documents, il semble que (le gouvernement) a pratiquement pris congé pour l’été. C’est troublant, parce que le montant dû aux Canadiens est énorme — et la plupart des Canadiens l’attendent toujours. »

Des milliards appartenant aux clients

Ottawa a annoncé plus tôt ce mois-ci un programme de soutien à Air Canada, en échange de l’engagement du transporteur à rembourser les passagers, entre autres conditions, mais plusieurs autres compagnies aériennes refusent toujours de le faire.

Les courriels échangés à Ottawa soulignent également la faiblesse des lois canadiennes sur la protection des passagers comparativement à celles de certains autres pays, malgré une nouvelle « charte des droits des passagers » entrée pleinement en vigueur juste avant la pandémie, en décembre 2019.

Les courriels indiquent que les États-Unis et l’Union européenne exigent déjà des compagnies aériennes qu’elles remboursent intégralement les passagers si elle annule un vol, « quelle qu’en soit la raison ». Au Canada, aucune obligation n’existe : le remboursement dépend du contrat entre le passager et chaque transporteur.

« Le ministre a souvent répété qu’il n’avait pas la capacité d’imposer ces remboursements, que (l’Office des transports) était un organisme indépendant (du pouvoir exécutif), que nous devrions examiner les dérogations qui accompagnent les billets d’avion », a déclaré le député Bachrach. « Et pourtant, nous constatons en décembre que le ministre pouvait faire quelque chose, alors que les compagnies aériennes étaient assises sur des milliards de dollars de l’argent durement gagné par les Canadiens au cœur d’une pandémie, alors que de nombreuses familles avaient été dévastées financièrement. »

Le ministère des Transports a déclaré mercredi que le gouvernement était au courant du problème de remboursement depuis le début, « et c’est pourquoi nous avons commencé à évaluer les options et les prochaines étapes dès le printemps dernier ».

« Nous continuerons d’être là pour les Canadiens et nous nous attendons à ce que les compagnies aériennes fassent tout ce qu’elles peuvent pour trouver des solutions pour leurs clients », a déclaré le ministère dans un courriel.

En décembre dernier, le ministre Garneau a mandaté l’Office des Transports d’élaborer un nouveau règlement « juste et raisonnable » pour les passagers dont les vols sont annulés pour des raisons indépendantes de la volonté du transporteur, « comme une pandémie ».

« La pandémie de COVID-19 a mis en évidence une lacune dans le cadre de protection des passagers aériens qui ne prévoyait pas le potentiel d’annulations de vols à grande échelle et de longue durée, ainsi que de l’immobilisation au sol de la flotte des transporteurs aériens non seulement au Canada, mais partout dans le monde », indiquait-il dans un communiqué qui reprenait essentiellement les termes de documents écrits sept mois plus tôt.

Scott Streiner, président et chef de la direction de l’Office des transports, un organisme quasi judiciaire, a déclaré que son objectif était de mettre en place cette nouvelle réglementation d’ici l’été.