Gyula Jr Barta était un investisseur redoutable à la tête d’une équipe de « traders ». Un homme érudit et indépendant de fortune. Si généreux, même, qu’il invitait 200 amis à un « grand tirage » pour leur donner 3,25 millions en prix. Sauf que tout était faux. Récit d’une fraude abracadabrante.

« Ça semblait être le cadeau de quelqu’un qui était riche », résume à la cour Michel Forbes, une victime de Gyula Jr Barta qui a perdu 10 000 $. « On a été très, très naïfs. On y a cru. Je voulais y croire. Pour moi, c’était ma retraite et ma famille… », confie Jocelyne Bourque, fraudée de 23 000 $.

Alors que son procès devait s’amorcer lundi, le Montréalais de 59 ans a plaidé coupable à 12 chefs d’accusation de fraude de plus de 5000 $. Une fraude d’environ 500 000 $ commise entre 2009 et 2015 à l’égard d’une quinzaine de personnes. Trois d’entre elles ont témoigné lundi sur les conséquences du crime et la honte d’avoir été piégé par une personne de confiance.

Décrit par ses amis comme un homme cultivé, généreux et extrêmement sensible aux autres, Gyula Jr Barta s’est servi pendant des années de son aura d’investisseur altruiste pour arnaquer ses victimes. Son « grand tirage », une fraude particulièrement audacieuse, était le point d’orgue de ces nombreux stratagèmes frauduleux.

En mars 2014, Gyula Jr Barta envoie à des gens triés sur le volet une invitation de neuf pages à une conférence intitulée « J’ai des choses à dire ». Soutenu par un mystérieux octogénaire milliardaire, le fraudeur promet de faire tirer plus de 70 prix d’une valeur de 3,25 millions parmi les 200 participants, dont deux gros lots de 1 million.

Mais pour être admissibles à ces lots « spectaculaires », les participants doivent faire un « effort » en réservant des « sièges » de 250 à 2500 $. Au final, jure-t-il, les participants seront tous remboursés. Une « grosse enveloppe » sera d’ailleurs remise à tout le monde au début de l’évènement.

« Non seulement votre argent va vous revenir […], mais jamais vos chances de gagner de l’argent auront été aussi spectaculaires », promet-il dans l’invitation. « Tout ça vous apparaît un peu difficile à croire ? Vous n’êtes pas certain que ce soit sérieux ? Pourtant ça l’est ! », assure-t-il.

Or, tout était faux. Une dizaine de personnes ont ainsi perdu des dizaines de milliers de dollars. Richard Paré, lui, faisait « aveuglément » confiance à M. Barta, au point de mettre 16 000 $ sur sa marge de crédit pour acheter des places. « On a embarqué parce qu’on le connaissait. On se disait : il est honnête. Mais on s’est fait avoir. On est pris avec la honte. C’est rough », a confié Richard Paré, en salle d’audience.

« C’est quelqu’un en qui on avait confiance », a témoigné Jocelyne Bourque, qui était allée à l’école avec M. Barta. La voix brisée par l’émotion, elle a raconté avoir fait d’autres mauvais investissements en croyant toucher le gros lot. « Aujourd’hui, on retarde une retraite », dit-elle.

Des millions promis en rendement

Dans les années 2000, Gyula Jr Barta se présente comme un « trader » à succès auprès de ses nombreuses connaissances. Il leur fait miroiter des rendements mirobolants, mais utilise leurs fonds pour maintenir son train de vie, notamment un voyage par année. Il soutire ainsi 125 000 $ à sa première victime en 2009. À un Américain, il promet carrément des millions en rendement.

Gyula Jr Barta maintient qu’il investissait réellement une partie de l’argent dans des « futures », des produits dérivés très risqués. Il finissait toutefois par tout perdre. « J’étais en mode survie. J’ai perdu le contrôle », a-t-il expliqué en avouant ses crimes aux enquêteurs en 2017. Le fraudeur a évoqué alors sa « maladie mentale » et des agressions subies dans sa jeunesse pour justifier ses gestes.

En 2014, Gyula Jr Barta « s’enfonce de plus en plus » dans ses mensonges. Chaque jour, assure-t-il, il se faisait « accroire » qu’il serait capable de rembourser toutes ses victimes. C’était son objectif, jure-t-il.

« C’est le début de ma déchéance… C’est gênant. Je n’en reviens pas de ce que j’ai raconté. J’en reviens pas », se lamente Gyula Jr Barta dans la vidéo de son interrogatoire présentée en cour. « J’étais très sophistiqué pour convaincre les gens à donner des gros montants », admet-il.

À la fin de l’interrogatoire, en 2017, le fraudeur évoque un nébuleux 750 000 $ pour rembourser les victimes. « Techniquement, je suis sur le point de l’avoir », jure-t-il. « Je vais l’avoir. Ce n’est pas de l’argent caché », renchérit-il, cryptique.

En avril 2017, l’Autorité des marchés financiers avait mis en garde les investisseurs québécois par rapport aux stratagèmes de M. Barta.

D’autres victimes témoigneront ce mardi devant le juge Robert Marchi. MDenis Trottier représente le ministère public alors que M. Barta se défend seul.